Hier encore, sur le blog de l'Amiral, a eu lieu un débat sur les fonctionnaires. Si on caricature, on a deux camps face à face. D'un côté ceux qui pensent que les fonctionnaires sont d'horribles privilégiés, des fainéants qui, protégés par leur statut, ne pensent qu'à semer le désordre en ruinant au passage notre économie qui n'a vraiment pas besoin de ça. Entre autres tares, ces agents de l'état ont celle d'être trop nombreux. Ce camp tend à brosser, par contraste, un portrait flatteur de qui travaille dans le privé, sorte de héros dont l'efficacité redoutable est malheureusement freinée voire réduite à néant du fait qu'un sort absurde lui inflige de traîner ce boulet économique qu'est le fonctionnaire. Un remake du vieux mythe où le privé tient le rôle de Sisyphe et le fonctionnaire celui du rocher...
De l'autre côté, les partisans de la fonction publique, souvent fonctionnaires eux-mêmes, nient le côté exorbitant des avantages de ces derniers, les décrivent consciencieux, honnêtes, dévoués, mal payés pour accomplir d'indispensables fonctions au service d'un public souvent ingrat.
Ces points de vue irréconciliables génèrent d'infinis débats d'où il ne sort pas grand chose. Ça prend des airs de guerre des tranchées.
A mon sens, les vraies questions sont les suivantes : Est-il nécessaire que certaines fonctions soient tenues par des employés de l'Etat ou des collectivités locales ? Est-il obligatoire de garantir à ceux qui remplissent ces fonctions un emploi à vie, un avancement plus ou moins automatique et un système de retraite avantageux ?
A la première question, au moins pour les fonctions régaliennes, la réponse est bien évidemment oui. De là à ce que les magasins de chaussures soient tenus par l'état, il y a un pas que seuls les vrais communistes franchissent sous prétexte que tout le monde devant être chaussé, il s'agit bien là d'un service public. Au fond, il y a peu de fonctions relevant nécessairement de la puissance publique. Nous n'avons donc besoin que de peu de "fonctionnaires".
Maintenant, si l'état a besoin d'employés pour mener à bien ses missions, est-il essentiel qu'en échange de la réussite à un concours l'emploi de ceux-ci soit garanti à vie, leur avancement dans la carrière assuré et leurs vieux jours bien rémunérés ? Il n'y a, en dehors du sacro-saint principe de l'intangibilité des avantages acquis, absolument aucune raison à cela. Mais, s'écrieront certains, comment l'état sans ces avantages pourrait-il s'assurer la fidélité de ses "serviteurs" ? Je pense qu'il le ferait de la même manière que William Saurin s'assure la fidélité des "serviteurs" de la choucroute et du cassoulet. En leur offrant un salaire correct et des conditions de travail acceptables.
Un des principaux problèmes de nos sociétés héritières d'un état providence est l'aspiration générale à la stabilité, tendance qui mène à la sclérose. Tout le monde rêve de l'emploi garanti, quitte à s'y emmerder comme un rat mort. Et cela parce que, en dehors de cette stabilité, point de salut. Si vous travaillez sans interruption depuis de nombreuses années en CDD, vous êtes, aux yeux des banques ou des propriétaires, bien plus suspect que celui qui vient d'obtenir un CDI et plus encore qu'un fonctionnaire fraîchement recruté. Tout est fait pour que chacun reste à sa place. On en est presque à revendiquer l'hérédité des fiefs (les médiévistes me comprendront).
Et c'est bien dommage. Si nous comparons le marché du travail à un jeu de chaises musicales, 10% de chômeurs n'est pas un problème. A chaque signal de changement, le chômeur a une chance de pouvoir s'asseoir. Sauf, bien entendu si un quart des "joueurs" est propriétaire de sa chaise et que le reste s'accroche à la sienne comme à une planche de salut...
Il me semble donc que par-delà l'intéressant débat public-privé, il serait utile de réfléchir à une société où, que l'on travaille pour l'état ou pour une quelconque société privée, on relèverait d'un même statut. Et, pour une meilleure fluidité sociale, il serait préférable de "privatiser" le fonctionnariat que de "fonctionnariser" l'emploi privé.
Je n'ai aucune illusion sur la faisabilité de ce que je préconise : c'est complètement à contre-courant : à part quelques illuminés chacun aspire au contraire. Quitte à en crever.
Jacques Etienne, je n'aurais qu'un mot : dans mes bras!
RépondreSupprimerNous parlons le même langage.
Coût exorbitant n'exagérons rien non plus. De plus on voit où mènent les non-remplacements dans certain cas. La réforme oui mais pas n'importe comment.
RépondreSupprimerEst-ce une nouvelle qui va dans votre sens ?
RépondreSupprimerJ'ai entendu ce matin que des professeurs s'apprêtaient à quitter l'Education nationale ?
merci pour l'info
RépondreSupprimerjoli travail
Un fonctionne, il ne travaille d' ailleurs quand il a un accident sur son lieu de travail, il n'est pas en "Accident de Travail" mais en "Accident de service".
RépondreSupprimerJe suis un des derniers fonctionnaire de la Poste, les nouveaux arrivants sont des agents contractuels, je peux vous assurer que le courrier ne fonctionne pas mieux et que si vous habitez un petit lotissement, le facteur ne passera pas 2 fois et il y aura de plus en plus de CIDEX (Courrier Individuel à Distribution EXceptionnel); le même que pour les entreprises.
Quand je suis rentré à la Poste, mes petits camarades se moquaient de ma paye de misère et de ma peur d' affronter le monde du travail.
Maintenant, ces mêmes petits camarades stigmatisent mon emploi "Ad vitam éternam" et mon misérable salaire.Foutaises,j'ai choisi eux aussi qu'ils assument!
Après 30 ans de service dans cette entreprise car c'est une entreprise, j'ai des problèmes de dos et comme mon employeur fut l'Etat, j'ai le plus grand mas à faire reconnaître ces soucis comme maladie du travail.
L'Etat ne va se tirer dans le pied.
@ Aristide : Vous m'en voyez ravi!
RépondreSupprimer@Romain Blachier : Le genre de réforme que je prône ne se fera jamais, ne serait-ce que parce que, mal dissimulé sous des désirs de solidarité affichés, se cache toute une foule de corporatisme se battant bec et ongles pour conserver leurs avantages acquis et cela autant dans le privé (loin d'être homogène) que dans le public.
@ Mildred : L'enseignement étant devenu ce qu'il est, ce qui m'étonne c'est que certains y restent !
@ emploi maroc : De rien !
Les peuples se sont mal conduits donc panpan-cucul.
RépondreSupprimer@ Grandpas : Je ne pense pas qu'un contractuel travaille forcément mieux qu'un fonctionnaire. Ce que je pense, c'est que la suppression du fonctionnariat de masse permettrait une meilleure fluidité du marché du travail. Quant à la générosité de l'état... Songez que dans l’Éducation Nationale, on n'a droit à aucune médecine du travail...
RépondreSupprimerEt le médecin conseiller technique du recteur? hein? alors! quand même!
RépondreSupprimerBon d'accord il ne reçoit que les quelques profs péteurs de plomb qui arrivent bourrés en classe mais quand même...
Il me semble que vos idées sont proches du modèle Danois,évoqué timidement mais relativement régulièrement. Je ne suis pas sûr que ce soit une chimère.C'est toujours un plaisir de vous lire.
RépondreSupprimerCharles R.
Oui, mais quelqu'un connaitrait-il un exemple de privatisation réussie d'un service ?
RépondreSupprimerici, il y a bien un exmple :
http://www.leconomiste.com/article/h2-dossier-fes-h2-centersoders-lhistoire-dune-privatisation-reussiecenter
Malheureusement, cette entreprise est "présentée comme un cas d'école en matière de privatisation". Comment voulez-vous que, dans ces conditions, des fonctionnaires aient du coeur au combat et avancent bravement vers les réformes ?
Peut-être que sur un siècle et demi on peut envisager une transition réussie ; les ratés ne seraient que les effets de ladite transition.
Mais bon on ne vit pas tous jusqu'à 150 ans...
(pardon, l'exemple que je donne n'est pas celui d'un service, mais j'ai pas trouvé grand-chose en la matière.)
RépondreSupprimerEn fait, vous voudriez que les profs, par exemple, soit envoyés n'importe où, en fonction des besoins, restent mobiles, dans des établissements parfois plus que pourris, mais sans la contrepartie de l'emploi garanti.
RépondreSupprimerDes contraintes, mais pas d'avantages pour compenser.
Même chose pour la paye.
Sans augmentation massive de la paye, personne ne voudra être ex-fonctionnaire selon les conditions que vous préconisez. Combien gagne un prof suisse ? Britannique ? Plus du double d'un prof français. Et ce n'est pas une façon de parler. La France est-elle prête à cette augmentation brutale de 100 % des traitements ?
Si vous voulez que les gens préparent des concours difficiles et se mettent au niveau, il faut les attirer avec quelques avantages, sinon les vocations se feront rares.
Bien sûr, on peut toujours les remplacer par des chômeurs, comme vous le suggérez.
Tout ceci me paraît un peu trop vite pensé. Ce n'est pas votre habitude.
@ Dixie : En effet pour la psychiatrie, on est parés : la MGEN a même un hôpital pour ça à la Verrière...
RépondreSupprimer@ Charles : Merci de votre appréciation !
@ La Gerbille : Il est évident que si on devait réformer de la manière que j'évoquais, ça ne se ferait pas rapidement, il faudrait réformer d'abord les mentalités, ce qui me paraît très difficile, sauf écroulement du système. Ça s'est vu ailleurs...
@ Marco Polo : désolé de vous décevoir, mais ma position découle à la fois de mon expérience et d'une assez longue réflexion sur le sujet : il se trouve qu'étant professeur titulaire, j'ai démissionné de l'Education Nationale en 1981 parce qu'il me semblait avoir fait plus ou moins le tour de la question et que l'allure que prenaient les choses à l'époque ne me convenait pas. Les vicissitudes de la vie ont fait qu'une dizaine d'années plus tard, à la recherche d'un emploi je me suis vu proposer un poste de Professeur de Français dans le public à Londres. Certes la paye y était bonne mais vivre à Londres sans un bon salaire est impossible. J'ai démissionné (encore!)au bout de 2 ans alors que j'étais "titularisé" (à la mode anglaise) tant enseigner dans une banlieue difficile de l'East End n'était pas une sinécure. J'ai fait un peu de formation de cadres avant de renter en France où j'avais trouvé un poste de professeur de français dans le privé. J'ai ensuite tenté de me reconvertir mais en raison de la sacro-sainte stabilité et l'âge avançant, je n'ai pas pu trouver d'emploi dans une autre branche et j'ai fini par m'y résigner avant de terminer comme prof-doc.
Ces expériences ont fait que j'ai tendance à considérer que la sécurité de l'emploi est une arme à double tranchant : elle a tendance à enfermer les gens dans un secteur d'activité et peut se transformer en cage "dorée" (enfin, moins dorée que plus !). C'est pourquoi je suis partisan d'une société plus mobile, plus souple, avec moins de statuts et davantage de liberté.
Marrant :
RépondreSupprimerGoogle donne plein d'exemples de privations de tous les secteurs qui ont lieu dans l'Afrique subsaharienne.
Y'a plus qu'à attendre de voir comment les pays d'Afrique vont devenir une puissance financière. Après, on pourra prendre les bonnes idées ; )
@ La Gerbille : L’Afrique est un ancêtre qui nous montre le chemin. Vers quoi ? Là est la question...
RépondreSupprimerParcours intéressant, Jacques. Vous avez raison sur l'un des gros défauts de l'éduc nat. : les difficultés d'en sortir, le niveau zéro des propositions de reconversion...
RépondreSupprimerVotre point de vue est équilibré, mais je ne me reconnais pas dans les deux camps que vous décrivez. D'abord parce que je pense qu'il existe beaucoup de possibilités entre le soviet et l'anarchie, ensuite parce que finalement le reproche principal qu'on peut faire à un service public, c'est qu'il ne laisse le choix ni à l'usager, ni au contribuable, c'est une prison.
RépondreSupprimerComme vous, je pense que l'Etat devrait se limiter pour l'essentiel aux fonctions régaliennes.
Comme vous, je pense que les corporatismes naturels et l'immobilisme de la fonction publique nuisent au bien être de tous, et à la bonne économie de la société.
A mon sens, concernant l'EN, la priorité serait de supprimer la carte scolaire, et rendre autonome les établissements de manière à laisser le chef d'établissement gérer son budget, ses recrutements, et à lui ensuite d'assumer les résultats des élèves, et la fréquentation de l'établissement.
"Ces points de vue irréconciliables génèrent d'infinis débats d'où il ne sort pas grand chose. Ça prend des airs de guerre des tranchées."
RépondreSupprimerCQFD!!!!!
Bonne année.
@ Tzatza : D'accord avec vous quoiqu'en Angleterre l'indépendance des écoles ait montré ses limites : certaines, suite à un faible recrutement et à de piètres résultats se sont vues contraintes de fermer et il a fallu subventionner les autres pour qu'elles accueillent les éléments peu performants qui se trouvaient ainsi privés d'école. La même chose se produirait dans certaines banlieues avec la création de "déserts scolaires".
RépondreSupprimerN'importe comment, il me semble qu'avant tout l'école devrait se recentrer sur les fondamentaux : lire, écrire, compter... et... (pardonnez ce blasphème) discipline. On en cause tout le temps sans le faire jamais.
@ Stéphane : Ici, on ne débat pas trop. On échange gentiment. Il faut voir les centaines de commentaires enflammés que suscite ce sujet sur d'autres blogs amis.