Nous avons un président normal, des criminels et des
terroristes normaux. En quoi consiste cette normalité ? Il semblerait qu’elle
réside dans le fait qu’il est impossible de déterminer la véritable nature
présidentielle, criminelle ou terroriste des personnes concernées. Ainsi tout Français
revenant d’un long séjour sur Mars serait fortement surpris d’apprendre qu’un petit
homme replet au look de sous-chef de bureau des années soixante et au charisme
d’huître soit devenu président. De même les voisins du tueur sanguinaire
sont-ils surpris d’apprendre ses méfaits.
Quelque part cela repose sur la croyance naïve que,
normalement, des signes physiques ou comportementaux devraient prévenir l’entourage
des tendances présidentielles ou meurtrières des individus en question.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, le patron de M. Sahli
eût-il peut-être rechigné à l’embaucher s’il avait montré les signes
indiscutables d’une tendance à la décapitation des gérants de sociétés. De
même, les victimes de MM. Landru et Petiot auraient-elles été plus prudentes si
tout en eux avait annoncé le tueur en série.
La nature est mal faite. Elle ne prévient pas toujours. Même
les fins limiers chargés de surveiller de potentiels terroriste se laissent
berner par les apparences : ils prennent pour un retour à la normale après
un court moment d’égarement fanatique la fourbe attitude des islamistes qu’ils
cessent de pister. Peut-on leur en vouloir ? Pas vraiment, vu qu’ils ne
sont qu’humains et se fient aux apparences comme tout un chacun.
Je m’étonne cependant des étonnements dont on nous rebat les
oreilles à chaque nouveau drame. On pourrait s’attendre à ce qu’avec le temps
et l’expérience les gens aient compris que les apparences peuvent être trompeuses
et que rien ne dit que leur voisin, employé de bureau modèle, ne se mettra pas
un jour à assassiner à coups de lime à ongles tous les membres du service de
comptabilité analytique de l’entreprise où il travaille.
D’un autre côté, il faut bien reconnaître que d’un point de
vue journalistique, le voisin étonné est une ressource inépuisable apte à
meubler les antennes.
Curieusement et malgré le permanent rappel du côté
insoupçonnable de la nature assassine, les gens ne se mettent pas pour autant à
dénoncer à tout hasard aux forces de l’ordre tout voisin dont le comportement par
trop normal les inquiète. C’est peut-être mieux ainsi.