Difficile de se passionner, en admettant qu’il en existe une,
pour l’actualité quand touts vos pensées sont tournées vers un seul but : trouver
une nouvelle maison. Curieuse obsession. Qu’est-ce qui peut bien faire qu’elle
vienne à envahir un esprit qui quelques semaines auparavant avait de tout
autres préoccupations voire en était totalement dépourvu, tournant à quasi-vide
au rythme d’une routine si bien rôdée qu’elle n’aurait su engendrer qu’ennui et
léthargie ? Mystère ! Retracer
le cheminement d’une idée est surement aisé. Aisé autant qu’inutile. J’ai
toujours fonctionné ainsi. En tout domaine. Un peu comme Diderot qui dans l’incipit
du Neveu de Rameau comparait les idées
aux courtisanes que pourchassaient les libertins au Palais Royal, je pourrais
dire « mes idées ce sont mes catins ».
A part qu’il en est dont je m’amourache et que je ne saurais lâcher avant qu’elles
n’aient quitté le domaine des virtualités pour devenir part intégrante de ma
réalité. Quel qu’ait été le résultat final qu’aient entraîné ces impérieux
désirs, je n’en ai jamais ressenti le moindre regret. Ce que d’aucuns
pourraient apparenter au parcours erratique d’une boule de flipper, je le
considère comme parfaitement logique, ce en quoi ils ne verraient qu’une suite
d’erreurs est à mes yeux un sans faute. Ainsi vogue ma galère…
Or donc depuis bientôt trois semaines, de Lusitanie en pays
maraîchin, je poursuis de mes ardeurs les affriolantes catins du déménagement. Cela ne va pas sans
mal. Car le désir brouille la vue, vous fait prendre, le temps d’un rêve, une
vieille décrépite pour la plus fraîche des jouvencelles. L’illusion se dissipe
vite et ne fait que renforcer l’espoir. Parallèlement,
se met en place la logistique : évaluation des ressources disponibles
(personnelles et bancaires), les données du problème se précisent effaçant l’impossible
et définissant les frontières du faisable. Tout possible n’étant pas désirable,
bien des envies étant irréalisables, les visites se succédant, les pourtours du
projet s’affinent, et par le jeu de nouveaux refus et acceptations, on entre
dans le concret. J’en suis là.
Une demeure, par son prix, ses volumes, la distribution de
ses pièces, la taille et le profil de son terrain, sa situation géographique et
jusque par sa décoration m’a séduit. Je dois la visiter dans quarante-huit
heures. Cela ne va pas sans angoisse. Et si j’allais au-devant d’une nouvelle
déception ? Si les photos étaient trompeuses ? Ou pire (car tout
amoureux craint d’imaginaires rivaux et, fut-elle le pire thon de tous les
océans, ne peut s’empêcher de penser que tous rêvent à sa belle), si au dernier
moment surgissait un vil séducteur qui me la ravirait d’un compromis hâtivement
signé ? Le pire n’étant jamais
garanti, me restent deux longs jours d’inquiétude que j’espère infondée. Avec
la certitude que, quel qu’en soit l’issue, cet épisode ne saura qu’être utile.