..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 31 janvier 2020

A Montaillou, village occitan, plus ça change et plus c’est pareil




Lors de leur récent séjour, je me suis vu offrir par le chevalier servant de ma fille, entre autres ouvrages consacrés au Moyen Age, la célèbre monographie de M. Emmanuel Le Roy Ladurie Montaillou, village occitan de 1294 à 1324. J’avais depuis bien longtemps oui dire le meilleur de ce livre mais ne m’étais jamais soucié de le lire. L’occasion faisant le larron, j’entrepris la lecture de ce pavé de plus de 600 pages en petits caractères qui, s’appuyant sur le registre d’inquisition rédigé par Jacques Fournier, évêque de Pamiers, qui entre 1318 et 1325 traqua avec zèle et méthode les Cathares de la Haute Ariège et notamment ceux de l’humble village de Montaillou.

Le saint homme que sa dévotion et son ardeur à défendre la vraie foi élevèrent à la papauté sous le nom de Benoît XII était un habile interrogateur. Le contenu des quelque 578 interrogatoires concernant 90 dossiers, furent menés par lui en occitan local. Il possédait sur les dominicains de Carcassonne qui le secondaient, l’avantage, en enfant du pays, de parler la langue des villageois. Malgré toute leur bonne volonté, lors d’une précédente campagne d’éradication, en 1308, les disciples du bon Dominique, avaient laissé passer quelques menus poissons à travers les mailles de leur saint filet. Monseigneur Fournier s’étant fixé pour but de réparer cette négligence se montra donc d’une patience infinie et, traduites en latin, les déclarations des suspects furent consignées dans un fort volume que conserve la Bibliothèque Vaticane. Ces sept années d’efforts menèrent à cinq exécutions par le bûcher, 48 emprisonnements (parfois à vie) tandis que les autres accusés recouvrèrent leur liberté. Seuls quelques lépreux accusés d’avoir empoisonné les sources avec de la poudre de crapaud (le lépreux ajoutant à sa malignité foncière un coupable entêtement à se montrer taciturne) furent soumis à la torture suite à l’amicale pression qu’exercèrent sur l’évêque les Dominicains.

Ce qui inspira M. Le Roy Ladurie, au-delà des tracasseries infligées au braves Fuxéens par la Sainte Inquisition, est que la scrupuleuse transcription de leurs interrogatoires, permettait de brosser un tableau détaillé de ce qu’était la vie des habitants d’un village de la montagne pyrénéenne au début du XIVe siècle qu’ils soient (très relativement) riches, moins bien dotés ou pauvres. Le village est dominé par la puissante famille Clergue : deux frères , Pierre, curé aux mœurs perfectibles et Bernard, qui en tant que bayle représente le pouvoir du seigneur absent y tiennent le haut du pavé (si pavé il y a). Leur fortune ne les tiendra pas éloignés des tracas d'autant moins que leur pouvoir ne leur attire pas que des amitiés. Le curé sera arrêté le premier et les efforts financiers considérables que déploiera son frère pour qu’on le libère s’avéreront vains, le futur pape étant de la détestable race des incorruptibles. Bernard finira lui-même emprisonné. Constituée en grande majorité de bergers et de cultivateurs parfois éleveurs dont l’étendue des lopins varie mais reste toujours modeste tous les aspects de la vie de la population villageoise, dans ses détails les plus intimes, sont exposés au fil des chapitres de cette étude ethnographique.

Même s’il s’agit du travail d’un universitaire avec toutes les notes, références et redites que le genre implique, je ne saurais trop recommander la lecture de ce livre qui, s’il lui arrive de manquer de légèreté, n’en demeure pas moins, grâce à certaines remarques teintées d’humour, d’une lecture agréable et surtout d’un grand intérêt pour qui s’attache à tenter de comprendre les modes de vie et l’univers mental de nos lointains prédécesseurs.

Mais comment justifier mon titre ? La curiosité m’a poussé à vérifier si ce village de quelque deux cents âmes (parfois promises à la damnation) en ce début du XIVe siècle existait toujours. Google m’indiqua que oui, même si ses 17 habitants d’aujourd’hui sont le signe d’une probable et imminente disparition. Le catharisme y serait-il encore de mise ? Rien ne l’indique. La permanence que je signalais n’est due qu’au fait que depuis l’an de grâce 2001, l’édile qui préside aux destinées de Montaillou a pour nom Jean Clergue !





mercredi 29 janvier 2020

Moldavie




« Des vacances en Moldavie, mon rêve ! » est une phrase qu’on entend somme toute assez rarement. Et cela pour plusieurs raisons. La principale étant que rares sont ceux qui connaissent l’existence de ce pays de 33 851 km² coincé entre la Roumanie et l’Ukraine et totalement dépourvu d’accès à la Mer Noire comme à toute autre mer. Ce qui constitue un handicap sérieux pour la puissance de sa marine de guerre ou marchande et l’empêche de vanter le charme de ses plages de sable blanc bordées de cocotiers. Si on ajoute à cela que les tintinophiles distraits ayant lu Le Sceptre d’Ottokar sont tentés de confondre Syldavie et Moldavie et d’en déduire que ce pays est totalement imaginaire on comprend la méconnaissance généralisée qui nuit au renom de cette vaillante petite république.

Les vicissitudes de l’histoire n’ont hélas pas épargné, loin s’en faut, la Moldavie. A son origine se trouve la principauté de Moldavie état plus ou moins indépendant entre 1359 et 1812 date à laquelle le traité de Bucarest la coupa en deux, les Russes s’appropriant sa partie orientale. La partie occidentale, s’alliant à la Valachie constitua en 1859 le royaume de Roumanie qui s’émancipa totalement de la tutelle ottomane en 1878. Entrer dans le détail de l’histoire de la partie Est de l’ancienne Moldavie serait complexe et lassant. Grosso modo, le pays, que ce fut sous le régime tsariste où durant la période soviétique vit la russification de la région grâce à des déportation de Moldaves, l’installation de Russes et la tentative de remplacement de la langue roumaine par la Russe. En 1991, comme c’est alors la mode, la Moldavie orientale proclame son indépendance vis à vis de L’URSS mais sa partie à l’est du Dniepr ne l’entend pas de cette oreille et réclame son rattachement à la Russie ou à L’Ukraine. Cette volonté n’est pas reconnue par la communauté internationale ce qui ne l’empêche pas d’être de facto indépendante du pouvoir Moldave. De plus, et pour simplifier le tout, existe une région autonome de Gagaouzie constituée de territoires non contigus peuplés, comme on peut s’en douter, par les Gagaouzes, peuple turcophone de religion orthodoxe. Pour résumer : la Moldavie après une histoire perturbée demeure un bazar sans nom !

L’hymne du pays se nomme « Notre langue » et sa devise proclame « Notre langue est un trésor ». Ce trésor est, pour la majorité, le roumain. Son drapeau a ceci de commun avec le roumain que ses couleurs sont identiques et disposées dans le même ordre. Seule différence : sur le drapeau moldave apparaissent au centre ses armoiries qui ne sont pas sans rappeler bougrement celles de la Roumanie. Au point qu’on est en droit de se demander pourquoi les Moldaves ne se sont pas rattachés à leur voisin. Ce serait compter sans les minorités slavophones et les communistes

Entrer dans les arcanes de la vie politique moldave rendrait ce qui précède d’une relative limpidité. Signalons cependant que le Parti des Communistes de la République de Moldavie domina longtemps le parlement, qu’en 2010 il y obtint 48 sièges sur 101 et qu’à celles de 2014, avec son allié il constituait une minorité de blocage avec 47 sièges. La conséquence de cela est que le pays demeure dans la zone d’influence russe et semble difficilement gouvernable.

En dehors de promenades sur les rives du Dniepr et du Prout (ou Prut pour les pudibonds) de la visite de monastères orthodoxes, de la dégustation de ses vins, du plaisir que M. Martinez et ses amis éprouveraient à voir qu’il existe encore des pays selon leur cœur, le touriste pourrait y consacrer son temps à tenter de comprendre comment fonctionne ce pays et pourquoi il existe. Personnellement, j’y renonce.

vendredi 24 janvier 2020

Guédelon


S’il est des choses qui m’ennuient un peu comme la destruction systématique de notre identité et des bases de notre société par des apprentis-sorciers fous que suit le troupeau bêlant des imbéciles consensuels, il en existent d’autres qui me réjouissent. Et l’un dans l’autre, la joie l’emporte sur l’ennui car je vis une vie qui me convient dans un cadre qui me sied et je ne vois pas comment mes lamentations pourraient de manière quelconque empêcher que, comme tout cours d’eau coule du haut vers le bas, notre société ne suive sa pente naturelle tant de tout côté on en chérit la décadence.

Loin du problème des retraites, loin des gilets jaunes, loin des anti-macronistes rabiques qui seraient bien en peine de lui choisir un remplaçant pire ou meilleur, certains se lancent dans des aventures insensées avec un enthousiasme doublé d’une ténacité remarquables, vertus si rares aujourd’hui qu’il est rassurant de constater que, même de manière résiduelle elles perdurent.

Au tout début des années 2000, ma compagne d’alors donnait des cours de je-ne-sais-trop-quoi à des potiers au centre de formation de Saint-Amand-en-Puisaye dans l’Yonne. Toujours prêt à rendre service, il arriva que je l’y conduise et, histoire de m’occuper tandis qu’elle enseignait, je décidai d’aller faire un tour au village voisin de Saint-Sauveur (toujours en Puisaye) que je savais être le lieu de naissance de l’écrivain Colette. Elle y avait grandi et sa maison natale servit de cadre à nombre de ses romans dont je fus un temps l’enthousiaste lecteur. A l’époque, cette belle demeure bourgeoise n’était pas ouverte au public et mon pèlerinage se borna à la lecture de la plaque apposée sur sa façade. Toutefois, cette excursion me permit de découvrir le site de Guédelon qui se trouve à proximité de la route reliant les deux villages sus-mentionnés. J’avais vaguement entendu parler de ce projet de construction d’un château fort selon les techniques médiévales. L’idée m’avait parue excellente, mais le chantier, lancé en 1997 n’en était qu’à son début et l’avancement des travaux n’offrait alors rien de bien spectaculaire. J’en fus un peu déçu.

Seulement, comme je l’évoquais plus haut, cette idée folle était née dans des esprits tenaces et, vingt-trois ans après son lancement, le projet continue d’avancer et connaît un succès touristique croissant. Par hasard, je suis récemment tombé sur une vidéo produite par Arte (chaîne qui n’a pas que des défauts) en 2015 et qui donne sur les différents aspects de cette entreprise originale de précieuses et passionnantes information. Si vous disposez d’une heure trente, je vous propose de la regarder en espérant que vous y prendrez autant plaisir que moi :



mercredi 22 janvier 2020

Activiste minoritaire, un bien dur métier


Depuis déjà quelques décennies, la mode est aux procès et à la mise au pilori des « racistes ». Plus récemment ce sont ceux qui ont une « crainte excessive, maladive et irraisonnée de certains objets, actes, situations ou idées »* qui se trouvent mis en cause . C’est à dire les phobiques. Homophobes, islamophobes, xénophobes sont dénoncés, vilipendés, traînés devant les tribunaux et parfois condamnés.

Le terme de phobie est bien entendu totalement inadapté aux phénomènes contestés par les âmes délicates et procédurières des associations minoritaires. En effet, il est rare que ces supposés phobiques, montrent à la seule vue d’un étranger, d’une lesbienne ou un d’un musulman les signes d’une agitation irrationnelle et maladive, comme c’est le cas des arachnophobes qui sont pris de panique à la vue de la moindre araignée, .

En fait, ceux qu’ils poursuivent de leur haine farouches sont ceux que l’on pourrait soupçonner de ne pas nécessairement apprécier telle ou telle catégorie. Car, en dehors des réseaux sociaux et autres blogs, il n'arrive pas que dans les media ou les partis politiques soient émis des propos appelant ouvertement au massacre, à l’expulsion du territoire ou toute autre forme de déportation, à l’internement, à l’emprisonnement, à la mise à l’écart ou même à la restriction des droits de telle ou telle minorité.

L’associatif minoritaire est dans la même situation que l’antifasciste (quand il n’est pas le même) qui, faute de pouvoir poursuivre de sa vindicte des troupes de chemises noires paradant dans les rues des villes, se voient, vu qu'elles n'existent pas, contraint à s’en inventer. Devient fasciste toute personne exprimant plus ou moins clairement son opposition aux idées défendues par les antifas.

Les associatifs minoritaires faute de déclarations appelant ouvertement à combattre ou à annihiler telle ou telle minorité en sont réduits à débusquer la moindre phrase qui laisserait entendre que la cause et le groupe qu’ils défendent ne sont pas ce qu’il y a de mieux.

Leur travail est rendu d’autant plus difficile que règne de plus en plus une auto-censure qui fait que, lors toute prise de parole publique, on se garde de prononcer une phrase, si anodine soit-elle, ou un habile exégète minoritaire pourrait déceler des traces de dénigrement de sa minorité.

Seulement, le contrôle de la parole avec les sanctions qu’elle réclame ne peut que s’exercer au niveau des media et de la politique. Ailleurs, il en va autrement. Les réseaux sociaux et plus généralement l’Internet malgré la bonne volonté de leurs censeurs ne peuvent, vus les milliards de textes, statuts, likes (par ailleurs difficilement interprétables) qui y paraissent quotidiennement, être sérieusement contrôlés. Et quand bien même parviendrait-on un jour à un total contrôle de l’expression, supprimer la liberté de pensée est un objectif sur lequel les plus sanguinaires totalitarismes se sont cassé les dents.

La réussite de nos chers activistes minoritaires n’est en fait qu’apparente et risque à terme de n’être qu’une victoire à la Pyrrhus.

lundi 20 janvier 2020

Pub


La nouvelle campagne de la Sécurité Routière m’amuse plus qu’elle ne m’émeut. J’ai presque honte de mon cynisme.

Pour ceux qui vivraient sur Mars, qui n’auraient pas la télé, que leurs hautes aspirations intellectuelles poussent à ne regarder que des documentaires philosophiques sur des chaînes sans publicité ou, mieux encore, ont solennellement juré au chevet de leur maman mourante de ne plus jamais allumer leur poste, j’en résumerai l’idée.

Divers personnages, comme une petite fille ou un père de famille cycliste remercient des conducteurs prudents de ne pas les avoir écrabouillés comme de vieilles bouses ajoutant qu’ainsi il leur ont permis de continuer à pédaler ou à améliorer leur pratique du bilboquet tout en assurant l’avenir radieux de leurs enfant ou en préparant de longue main leur réussite au concours d’entrée à l’école supérieure de tapinage artistique.

C’est émouvant et habile : il ne s’agit plus de culpabiliser les délinquants de la route pour leurs exactions mais de féliciter les automobilistes raisonnables pour leur sage conduite. A une époque où tant de jugements négatifs sont portés sur tout et le reste, cette bouffée positive met du baume au cœur des âmes pures.

Toutefois, je ne peux m’empêcher de penser que se réjouir d’un non-événement, si c’est bon pour le moral, n’en est pas moins ridicule. En effet, le nombre d’événements catastrophiques auxquels nous échappons quotidiennement est quasi-infini. Ceux qui me lisent autant que moi n’ont pas plus aujourd’hui que les jours précédents péri lorsqu’un camion fou chargé de TNT a percuté leur demeure, n’ont été la cible d’aucun égorgement par un membre fanatique des jeunesses centristes au cri de « Lecanuet est grand », le plafond de leur salon ne s’est pas effondré sur le coin de leur gueule les privant à jamais des joies de la verveine-menthe ou du pur malt, ils n’ont pas plus été victimes d’un phénomène de combustion humaine spontanée les transformant en petit tas de cendre et accessoirement abîmant le tapis de haute laine offert par tonton Gaston. Interminable serait la liste de ces « miracles » quotidiens. Y a-t-il là de quoi se réjouir et, par exemple, remercier les transporteurs d’explosifs de ne pas faire d’infarctus en passant devant chez vous ? Je ne crois pas.

Ces remerciements découlent d’une conception relativement récente de l’accident qui exige qu’à son origine il y ait un coupable avec pour corollaire que s’il n’y en a pas c’est dû à une conduite vertueuse. Le temps est loin où, sauf culpabilité manifeste d’un auteur (ou d’une victime) d’accident on évoquait la faute à pas de chance, on acceptait qu’il arrive que l’on se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. Notre époque est moderne !

jeudi 16 janvier 2020

Pour en finir avec le Royaume-Uni ou plus exactement avec l’Angleterre


Deux commentateurs m’ont posé la question de savoir pourquoi j’avais quitté l’Angleterre. Avant d’y répondre, encore faudrait-il savoir pourquoi j’y suis allé. Cette histoire s’étale sur plus de 20 ans.

En Septembre 1971, alors que je faisais, dans le cadre de la coopération, bénéficier les populations sénégalaises de mon balbutiant savoir, je découvris avoir pour voisine une Anglaise. Nous sympathisâmes et puisqu’affinités nous eûmes, il y eut plus et nous vécûmes ensemble cette année scolaire. La belle ayant un contrat de deux ans et le mien se terminant, après des vacances en France et à Londres nous nous séparâmes et l’éloignement aidant, notre histoire tourna en eau de boudin. Toutefois, étant d’un naturel obstiné, quand j’appris qu’existait entre le Royaume-Uni et la France un accord prévoyant l’échange d’instituteurs (ce que j’étais à l’époque), je posai ma candidature, laquelle fut acceptée et je retrouvai mon amie à Londres. Hélas pour mes projets de reconquête, elle n’y était que de passage vu qu’elle avait obtenu un poste d’enseignante à Venise.

Je finis par m’en consoler dans les bras d’une jeune Anglaise. Nous avions des projets durables, mais la fin de l’année scolaire arrivant, il me fallait rejoindre la France et l’éloignement aidant notre histoire tourna en eau de boudin. Je conservai cependant des contacts avec des amis anglais et j’allai souvent y passer mes vacances tandis qu’eux venaient nous rendre visite.

Dix-sept ans passèrent : six années d’études supérieures suivies de deux ans d’enseignement puis de neuf ans de commerce qui finalement me laissèrent dans ce qu’il faut bien appeler une merde noire. Instance de divorce (je m’étais entre temps marié et étais devenu père), chômage et, cerise sur le gâteau, un endettement considérable dont ma chère épouse avait bien voulu me laisser bénéficiaire : la totale. Je ne voyais pas très bien comment je pourrais m’en sortir vu que, si j’obtenais un emploi, mes créanciers ne me laisseraient que tout juste de quoi subsister et ce pendant des années. Autant dire qu’à quarante ans mon avenir ne me semblait pas brillant.

C’est alors que, la mort dans l’âme, après bien des hésitations, je décidai d’aller tenter ma chance outre-manche. Début 1990, un ami m’ayant offert l’hospitalité, je trouvai rapidement un poste de prof de français dans un des boroughs les plus pourris de Londres. J’y fis la connaissance d’une jeune collègue (encore !) et, après bien des vicissitudes, nous nous mîmes en ménage. Au bout de deux ans, je démissionnai de mon poste. Je trouvai à m’occuper en donnant des cours de français à des cadres pour une école de langue. Le seul hic est que, comme disent les Normands, je n’y gagnais pas l’eau de ma soupe. Nous avions beau avoir réduit notre train de vie, rien n’y faisait et je me trouvais dépendre financièrement de ma compagne ce qui ne me plaisait qu’à moitié, voire pas du tout.

Mes tentatives de trouver un emploi bien rémunéré s’avérèrent vaines, jusqu’à ce que, suite à un entretien avec deux charmantes dames américaines, je me voie proposer un poste en Caroline du Nord. Bien qu’au départ elles m’aient indiqué que ces fonctions débuteraient en septembre, par un coup de téléphone, quelques jours plus tard, la responsable me demanda si j’étais prêt, sous huitaine à m’envoler pour les USA. Je demandai un jour de réflexion. La situation me mettait très mal à l’aise. Abandonner sans crier gare une compagne de trois ans déjà, quelque délicat que fût son caractère, me paraissait inélégant. Je rappelai donc la dame et lui expliquai que le peu de délai qui m’était imparti me mettait dans une position inconfortable mais que pour septembre c’était d’accord car nous aurions le temps de nous retourner et que mon amie, qui avait fait une partie de ses études aux États-Unis, pourrait éventuellement étudier les possibilités de venir m’y rejoindre. La dame comprit et m’assura qu’en septembre d’autres possibilités s’offriraient.

Sauf qu’elles ne s’offrirent pas. Ayant démissionné de l’école de langues, nous partîmes en vacances à Corfou d’où j’essayai de joindre ma correspondante américaine, longtemps en vain, avant que, l’ayant enfin contactée, elle ne m’annonçât la triste nouvelle. Nous allâmes finir nos vacances en France, mais l’atmosphère devenait tendue. De retour à Londres, j’écrivis à quelques Directions Diocésaines de l’Enseignement, afin de faire acte de candidature. Le résultat ne se fit pas attendre et le directeur d’un établissement d’une œuvre s’occupant de jeunes en grande difficulté me téléphona, me proposant un entretien. Je me rendis au rendez-vous dans le magnifique château qui abritait l’école. Ma candidature fut acceptée sous condition d’une prise de fonction très rapide. Abandonner sans crier gare une compagne de trois ans déjà, quelque délicat que fût son caractère, me paraissait toujours aussi inélégant. Seulement, dépendre totalement de ma compagne n’était pas non plus une solution. Je quittai donc l’Angleterre. C’était il y a un peu plus de vingt-six ans. Bien entendu, l’éloignement aidant, notre histoire tourna en eau de boudin. Depuis, je ne suis retourné que brièvement à Londres, dans le cadre de voyages scolaires.

J’espère que vous serez encore éveillé après ce long récit car je tenais à préciser qu’au-delà des anecdotes, ces séjours, que ce soit au Sénégal ou en Angleterre, m’ont fait prendre une claire conscience du fait que j’étais profondément Français. A aucun moment, je n’aurais pu envisager de vivre durablement ailleurs qu’en France et encore moins de renoncer à ma nationalité, quelles qu’aient pu en être les raisons. Mon attachement à ce pays est viscéral. Les soi-disant « citoyens du monde » m’horripilent, qu’ils ne soient jamais sorti des limites de leur canton ou qu’ils soient de ceux qui vagabondent à travers le monde d’un emploi à un autre. Ce sont, dans le premier cas, des gens qui nient leur nature et dans le second des êtres sans racines, dans les deux il me semble qu’ils sont incomplets. Quel qu’ait été le pays où ou j’aurais pu travailler je n’aurais su y être qu’un Français de passage.

Cela dit, cela ne m’empêche aucunement d’admirer certains aspects d’un autre peuple, d’une autre culture. Peuple dont je ne saurais être et culture dont je n’ai qu’un vernis. L’état actuel de mon pays m’afflige souvent. Seulement, s’il avait la volonté de trouver des solutions à ses problèmes, ce n’est pas en Suède, en Moldavie ou au Turkménistan que le peuple français les trouverait mais dans sa culture et ses traditions.

mercredi 15 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (3)


La monarchie

A force qu’on me rebatte les oreilles avec une république que l’on tend à nous faire passer pour le seul régime souhaitable voire possible. A force de voir que l’on glorifie l’épisode le plus tyrannique de notre histoire. A force d’entendre des imbéciles déclarer sans rire que pour eux l’histoire de France commence en 1789. A force de voir des présidents de plus en plus impopulaires se faire élire par défaut, suite à des promesses de changements qu’ils s’empressent de ne pas tenir ou sur des malentendus. Je suis arrivé à la conclusion que, si nous étions autre chose qu’un ramassis de grands va-de-la gueule rêvant de révolutions qui ne sauraient mener à rien de bon puisque fatalement le fait de racailles menées par de dangereux illuminés, nous gagnerions, comme bien d’autres pays Européens à vivre sous un régime de monarchie parlementaire. 

Un des grand avantages serait de nous faire faire l’économie d’élections présidentielles qui ne présentent que peu d’intérêt vu qu’elles sont de plus en plus gagnées par des menteurs, des incompétents ou des insignifiants (quand ils ne sont pas les trois) et qu’ils ne sauraient avoir de pouvoir que si, dans la foulée, est élu un parlement à leur botte. Pourquoi n’élirait-on pas directement ce parlement et ne laisserait-on pas à un souverain le rôle de chef d’État qui, en plus d’inaugurer les chrysanthèmes symboliserait la stabilité comme l’unité nationales ? Elizabeth II du fait de la longueur de son règne a vu défiler DIX chefs d’États français et TROIS républiques et un État Français depuis sa naissance tandis que son pays évoluait, certes, mais dans une enviable continuité !

De plus, quand la monarchie s’entoure, comme c’est le cas au Royaume-Uni, d’un certain décorum, elle satisfait le vif goût du peuple pour le faste. 

La résilience

Aux niveaux individuel comme collectif les Britanniques ont fait et, j’espère, continueront de faire preuve d’une résilience remarquable. En 1940, plutôt que de baisser les bras suite à la totale débâcle survenue en France, ils ont continué à se battre, seuls sur le front Ouest pendant un an et demi. Que serai-il advenu du conflit Européen sans leur farouche résistance ?

Dans les années soixante-dix, grâce aux syndicats et au Labour Party, le pays connut des périodes de grèves intenses. Electricité, transports, postes, se relayaient pour paralyser le pays tandis que des défenseurs des droits syndicaux acquis rendaient initiatives et progrès malaisés. Puis est arrivée la Dame de Fer. Certes une Dame de Fer est toujours préférable à un guignol en guimauve. Mais, seule, sans appui populaire qu’aurait-elle pu faire ? Si, conscient de la nécessité d’un redressement, les Britanniques ne lui avaient accordé puis renouvelé leur confiance, elle n’aurait pas mené à bien, dix ans durant, une politique de réformes qui par-delà la fin de son mandat (elle fut trahie par son propre camp suite à sa malheureuse idée de Pole Tax) dissuada ses successeurs d’oser renouveler les errances passées.

La résilience, on la trouve également au niveau individuel : comme me disait ma coiffeuse qui, comme tout les commerçants et artisans du coin, a une nombreuse clientèle anglaise : « Les Anglais, ils ne sont pas comme nous. Ils se lancent dans un commerce ou une entreprise et si ça ne marche pas, ils essaient autre chose. ».

Le talent et l’humour

Inutile de souligner la prodigieuse capacité de cette nation à produire quantité de talents dans le domaine de la musique pop. Pour ce qui est des séries télévisuelles, qui en Europe supporterait de lui être comparé ? Si la France produit des « intellectuels » à public restreint quand leur notoriété parvient à dépasser nos frontières, qui au siècle dernier a pu connaître le renom et le succès mondial des écrivains anglais ?


Des humoristes, certes, nous pouvons nous vanter, grâce à France Inter qui le proclame à tout vent, d’en posséder*. Mais pratiquent-ils quoi que ce soit qui s’approche de cette distance amusée des événements, des autres et de soi-même qui, à base d’antiphrases, d’euphémismes ou d’absurdités, tend davantage à provoquer le sourire que les rires gras. Je crains que non. Et c’est dommage car il me semble que la capacité à prendre une distance amusée par rapport à soi et aux événements extérieurs contribue à l’harmonie sociale alors que les fanatiques et les brutes sont toujours dépourvus d’humour.

*Phrase dont l’humour ironique se base à la fois sur l’antiphrase et l’absurdité.

mardi 14 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (2)


Une chose à mes yeux particulièrement représentative de la spécificité Britannique et qui, quand je l’ai découverte m’a stupéfait est « The Last Night of the Proms ». Les « Henry Wood Promenade Concerts » créés en 1895 dont « The Last Night » est, comme son nom l’indique, la dernière soirée, sont une série de concerts ayant principalement lieu au Royal Albert Hall et donnés entre juillet et septembre. La dernière soirée, donc, est une institution ritualisée, diffusée en direct par la BBC. Ce concert, dans sa deuxième partie, se compose de morceaux patriotiques avec pour commencer « Land of hope and Glory » (Terre d’espoir et de gloire) dont voici la version de 2009 :



Je ne peux entendre ce morceaux sans en être troublé. Il me donne bien plus la chair de poule que ne saurait le faire ce chant belliqueux qu’est notre hymne national. Mais là n’est pas mon propos. Plusieurs éléments rendent ce concert à la fois émouvant, grandiose et surtout typiquement britannique. L’exécution du morceau par l’orchestre et les chœurs de la BBC est impeccable tandis que l’attitude du public est moins conventionnelle. Vous l’aurez remarqué, durant l’ouverture il plie les genoux en mesure comme le veut la tradition. Lorsqu’explose le chant, il est repris par le public de la salle comme par celui qui se masse sur Hyde Park tandis que sont agités des drapeaux variés (Union Jack, anglais, gallois, écossais, irlandais et même d’autres nations (!)) par des gens aux costumes parfois fantaisistes. Depuis sa première interprétation en 1901 où le public réclama qu’on le jouât de nouveau, le morceau est traditionnellement bissé. Tradition, ferveur amusée, patriotisme, excentricité : des composantes essentielles du caractère national. Imaginez-vous des milliers et même des dizaines de milliers de Français communier en reprenant à pleine voix des chants patriotiques dans une ambiance bon enfant ? Imaginez-vous un tel spectacle diffusé à une heure de grande écoute sur une grande chaîne française ?

« Rule Britannia » constitue le point culminant de la soirée :


Les remarques que je formulais concernant le morceau précédent s’appliquent également à celui-ci. Le talent vocal, le costume du XVIIIe siècle de la cantatrice, époque ou fut écrit et mis en musique le poème, sa longue vue, son bicorne la façon dont elle le tend au chef d’orchestre et sa manière dont elle dégaine ce que l’on croit d’abord un sabre mais qui s’avère être un Union Jack et déclenche les hourras de la foule quand elle le déploie, illustre bien ce mélange de perfection formelle, de distance amusée et de ferveur qui anime ce peuple qui se targua d’avoir inventé l’humour (voir ce qu’en dit Voltaire) et qui le pratique avec constance et talent.

Je reviendrai sur le texte, car il me semble être d’actualité en ces temps de Brexit. Britannia est la personnification allégorique de la nation Britannique : sa Marianne mais dotée d’un corps. Et que fait Britannia ? « Britannia règne, elle règne sur les flots ». Bien sûr le temps s’éloigne, qui vit sa marine régner sur les mers mais le vers qui suit, lui, garde toute son actualité : « Jamais, jamais, jamais les Britanniques ne seront esclaves ». Comment ne pas voir dans cette volonté proclamée la raison de leur départ d’une Union dont les directives prévalaient sur les lois de son parlement ?



lundi 13 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (1)


Ces temps me désespèrent. Je crains fort que mon attente de la réaction salvatrice qui arrêterait la course de mon pays vers l’abîme ne soit qu’une chimère. De plus en plus, j’en viens à penser que les Français n’ont que ce qu’ils méritent. Un ami me demanda récemment si ça ne me gênait pas d’avoir un débile pour président. Débile, c’est vite dit. Nul me paraîtrait plus adapté. Nul, comme l’ont été ses prédécesseurs, enchanteurs qui, depuis plus de quarante-cinq ans, mènent au son entraînant de la flûte les français vers la noyade finale. Je suis désolé, mais celui qu’ils ont choisi en 2017 ne me dérange ni plus ni moins que les autres. Il faut dire que qui que ce soit à sa place connaîtrait, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, le même rejet de la part d’un peuple devenu au fil du temps ingouvernable tant il est gangrené jusqu’à la moelle par un égalitarisme forcené né de l’envie auquel vient s’ajouter une haine de soi nourrie par la repentance et le rejet de ses racines.

On gueule contre l’Union Européenne, contre le gouvernement, mais que fait-on à part en attendre l’impossible ? On voudrait moins de taxes, moins de prélèvements mais plus de redistribution et de services dits « publics ». On veut le beurre, l’argent du beurre, le cul de la crémière et le sourire de son mari.

C’est pourquoi j’admire un pays voisin qui, sans être épargné par cette « modernité » folle qui ravage l’Occident et provoquera son inéluctable disparition, montre qu’il existe d’autres voies, que le déclin peut être ralenti, qu’il est encore possible de dire non à ce qui ne convient pas : le Royaume-Uni.

Madame Thatcher a su dompter l’ardeur destructrice des syndicats et du Labour. Un référendum, dont, curieusement, on a tenu compte, a permis aux électeurs d’exprimer son désir de quitter l’U E. Trois ans et demi plus tard, les électeurs, décidément tenaces, ont offert à M. Johnson la majorité nécessaire à mener à son terme le Brexit. Bien sûr, celui que ses détracteurs surnomment Bo-Jo est, comme Bozo (jeu de mot oh combien subtil !), un lamentable clown. Seulement, à Noël, tandis que nos ondes diffusaient à l’envie le silence du président Macron il prononça le bref message que voici :


Je vous le résume et donne la traduction de passages qui me semblent essentiels. Après avoir souhaité un joyeux Noël à tous, entouré de leurs proches, M. Johnson rappelle que cette fête est « d’abord et avant tout une célébration de la naissance de Jésus Christ » et souligne l’importance de cette fête pour des milliards de chrétiens à travers le monde. Ensuite, il salue au nom de la Nation tous ceux qui, en ce jour de fête, resteront au service des autres (soignants, policiers et aussi soldats en mission) avant d’ajouter  qu’ « en ce jour plus qu’en tout autre jour [il] veu[t] que nous nous souvenions de tous ces chrétiens qui dans le monde sont persécutés » et fêteront Noël dans la clandestinité. Sa détermination, en tant que Premier Ministre, à changer cela et à leur permettre de pratiquer leur foi est affirmée avant que, sur un ton badin il renouvelle son souhait d’heureuse fête à tous en leur demandant de ne pas trop se disputer avec leur belle-famille et de donner aux Britanniques rendez-vous pour le nouvel an.

Ce n’est pas en France qu’on entendrait de tels propos ! La France est laïque, .voilà sa gloire ! Elle n’est surtout pas chrétienne ! C’est si évident que le « bon » président Chirac ne pouvait, en 2004, que s’opposer à ce que les racines chrétiennes de l’Europe soient mentionnées dans le préambule à la Constitution Européenne. En France, nombre d’abrutis pensent que l’histoire et la culture (quand on admet qu’elle en a une) de la France ne commencent qu’avec la boucherie républicaine de 1789.

Un dirigeant qui à Noël s’exprime et rappelle le sens profond de cette fête, que ça plaise ou non, fait plaisir au non-croyant-de-culture-catholique que je suis.

mardi 7 janvier 2020

Comment j'ai dérivé


Comme bien des « boomers » (j’emploie ce terme pour faire jeune) de « bonne famille » (j’entends par là « petits-bourgeois catholiques de droite »), à l’adolescence, période où le cadre familial qui, à l’époque, était généralement bien moins conciliant qu’aujourd’hui, est souvent ressenti comme plus étouffant que protecteur, mon rejet des valeurs familiales prit un tour à la fois religieux et politique. Pour ce premier aspect, je crois que lors de la distribution de la foi, j’avais oublié d’apporter ma gamelle et qu’elle ne me fut pas donnée. Pour le second, les circonstances m’aidèrent.

Au lycée de Rambouillet où je passai mon année de terminale (1967-1968) nous bénéficiions d’un corps professoral qui semblait engagé dans un concours visant à déterminer celui ou celle de ses membres qui serait le plus communiste. Ils devaient, vu le public auquel ils s’adressaient (le prolétaire y était rare), se sentir en terre de mission et faisaient de leurs cours autant de tribunes d’où propager la bonne parole marxiste.

Arriva le joli mois de mai 1968 grand bazar auquel, comme je l’ai narré ici, je ne participai pas tant mon innocence juvénile m’amenait à ne pas assimiler chienlit et révolution. Il n’empêche que les graines semées dans mon esprit malléable d’adolescent tourmenté germèrent et que, quelques années durant, je professai des opinions très à gauche. Je rêvais alors d’un monde égalitaire et juste, ne discernant pas que ces deux termes étaient antinomiques. Cela m’amena même, par pur anticommunisme primaire (le totalitarisme n’étant pas ma tasse de thé), à adhérer un temps à la faction gauchiste du PS alors représentée par un Chevènement encore jeune. Ça ne dura pas car il n’est pas aisé de trouver plus chiant que des réunions de section.

Toujours est il que, jusqu’à ma vingt-sixième année, je me déclarais à gauche, et même très à gauche. C’est lors d’un « mouvement social » que cela prit fin. Je suivais les cours du Centre de Formation des Professeurs d’Enseignement Général des Collèges en la bonne ville de Tours. Un vent de révolte souffla sur notre promotion. Je m’y joignis et en devins une figure. Le problème était la sélection. Nombre de mes camarades tendaient à voir en l’examen de sortie une impitoyable trieuse à séparer le bon grain de l’ivraie. Comment accepter pareille chose ? Seulement, mon enthousiasme premier s’émoussa. Car en y regardant de près, la trieuse s’était en fait, les années passées, montrée très bonasse et ne rejetait quasiment pas d’ivraie. Quand on considérait le peu d’enthousiasme qu’une grande majorité de mes condisciples mettaient à étudier, on pouvait même être amené à penser que la lutte contre une sélection prétendue drastique n’était qu’un moyen d’obtenir un diplôme sans rien foutre. J’en arrivai à la triste conclusion que sous couvert de nobles revendications égalitaires, généreuses et irréalistes, le véritable but des protestataires est d’obtenir ou de conserver pour eux-mêmes des avantages indus. Ce n’est pas le conflit actuel des transports qui m’amènera à réviser ma position. Dès lors, je cessai de voter à gauche et de me syndiquer.

L’année suivante, j’obtins, outre mon diplôme de PEGC, une licence d’anglais, un DEUG de lettres et fus reçu major au concours des IPES de Lettres Modernes de l ‘Académie d’Orléans-Tours m’ouvrant la porte à trois années d’études supérieures rémunérées par la princesse. Il faut croire que plus que des actions collectives c’était de l’effort personnel qu’à mon humble niveau j’attendais l’amélioration de mon sort.

dimanche 5 janvier 2020

Pour sauver les retraites, abandonnons la réforme !


Il est urgent de mettre fin à la grève des transports parisiens. Puisque M. Martinez met pour condition à la reprise du travail par la poignée de conducteurs qui le suivent le retrait de la réforme envisagée, il faut, afin de ne pas amplifier un déséquilibre du système déjà préoccupant, accéder à ses exigences. Non parce qu’on les juge raisonnables ou justifiées mais parce que la continuation sur des mois et des années du mouvement aurait des répercussions économiques indirectes catastrophiques.

A quoi assistons-nous en effet ? Des millions de Parisiens et des banlieusards, privés de transports en commun, se mettent qui à marcher qui à pédaler, qui à trottinetter. C’est loin de leur déplaire, vu le soutien qu’ils apportent aux grévistes. Plutôt que de rester faire du gras au lit, ils se lèvent tôt et d’un mollet gaillard ils traversent Paris et sa banlieue. Quelques heures d’exercice quotidiennes auxquelles, une fois les premières fatigues dues au manque d’entraînement passées, si le conflit s’éternise, il finiront par prendre goût et qu’ils prolongeront la grève terminée.

Tout le monde le sait, la vie sédentaire est nocive. Elle entraîne toutes sortes de problèmes de santé. Que recommande le bon praticien à ses patients mous du genou ? De la marche, du vélo, de l’exercice ! Grace aux amis de M. Martinez, les Franciliens vont se trouver en meilleure santé. Qui dit meilleure santé dit augmentation de l’espérance de vie.

Et c’est là que le bât blesse car depuis que les Français ont pris la détestable habitude de vivre de longues années après avoir pris leur retraite*, il est difficile d’équilibrer les comptes des caisses. L’augmentation de la durée de vie est donc à éviter à tout prix. Des millions de Franciliens régénérés par l’exercice coûteront à terme bien plus que ne rapporteront les misérables économies réalisées par de timides réformes.

Puisse le gouvernement en prendre rapidement conscience.

*Notons au passage que si les Français avaient le bon goût de mourir à l’âge où il mouraient en 1944, date de parution du programme du CNR auquel M.Martinez , en homme de gauche, se doit d’être attaché, le financement des retraites serait probablement assuré.

samedi 4 janvier 2020

La géhenne de M. Martinez


M. Martinez est un homme bien. J’en veux pour preuve son imposante moustache. C’est même un homme très bien, vues ses belles écharpes. Comme ses prédécesseurs et ses successeurs à la tête de la CGT, c’est un homme de bon sens, chose rare de nos jours. Son éternel sourire, sa bienveillante bonhomie, son goût pour la plaisanterie fine en font un agréable compagnon. C’est pourquoi, par millions, les Français lui emboîtent le pas dès que la fantaisie le prend d’aller faire une promenade avec banderoles et slogans à travers les rues de la capitale, histoire de se tonifier les mollets tout en bouffant des merguez.

Cependant, et c’est là son dilemme, il est comme ses devanciers le dépositaire d’un redoutable secret celui que se transmettent les dirigeants de la CGT depuis sa fondation en 1895, je veux parler du PPBUSTP (Plan Pour le Bonheur Universel et la Solution de Tout Problème) . Ce plan qui, selon la légende, aurait été apporté au dirigeant d’alors par l’archange Saint-Michel n’a qu’un défaut : il est, a été et doit demeurer secret jusqu’à ce que celui qui détient la combinaison du coffre où il se trouve gardé dans le bunker aménagé sous l’immeuble du siège à Montreuil soit appelé à présider aux destinées de la France et assure bonheur et prospérité à tous. C’est là que le bât blesse.

En effet, faute de pouvoir dévoiler ses solutions miracles, M. Martinez, comme ses prédécesseurs, se voit contraint à s’enfermer dans un refus systématique de toutes les réformes ce qui, comme ses prédécesseurs, tend à le faire passer pour un esprit négatif et l’empêche, malgré toutes ses qualités, d’accéder ne serait-ce qu’aux marches du pouvoir. Quel dommage !

A cause de l’actuel conflit qui oppose quelques conducteurs de métro et de trains à un président ayant pour seul but de réduire le peuple de France à la misère afin d’être triomphalement réélu en 2022, M. Martinez enrage. Il sait de quelle manière on pourrait augmenter le montant des retraites en abaissant l’âge de départ et le niveau des cotisations mais il ne peut le dire ! On comprend ainsi pourquoi il se refuse à toute négociation.

Homme d’honneur, il ne saurait révéler un secret. Et, le ferait-il que ça ne changerait rien car le gouvernement, quel qu’il soit, nous le savons bien, n’a pour but que d’aggraver la paupérisation du peuple. Il est là pour créer des problèmes et non pour les résoudre. S’il avait accès au PPBUSTP, il s’empresserait de le détruire et d’en effacer jusqu’au souvenir.

Ainsi, M. Martinez, homme de progrès,se voit-il réduit, faute de tenir les manettes, à prêcher un immobilisme que ses détracteurs utilisent pour le discréditer. Le serpent se mord la queue et si M. Martinez en faisait autant on ne saurait lui en vouloir. On devrait plutôt, dans ce geste de rageuse frustration, saluer la souplesse d’un homme injustement taxé de rigidité.

jeudi 2 janvier 2020

Sacré Carlos !


Dire qu’il ait l’air particulièrement sympathique serait aller un peu loin. Ce brave M. Ghosn est plutôt du genre à rire quand il se brûle qu’à entraîner une bande de joyeux fêtards dans une chenille endiablée ou à déclencher les rires avec son répertoire de blagues belges. D’un autre côté, il est peut-être plus convenable de la part du dirigeant d’une puissante multinationale d’affecter une contenance un brin austère que de se comporter comme le cousin Léon quand il en a un coup dans le nez…

Malgré cela, quand hier matin j’ai appris qu’il avait, probablement avec un léger pincement au cœur car tous les départs, même les plus souhaités, ont leur mélancolie, quitté ce Japon qui après l’avoir encensé était allé jusqu’à lui offrir le gîte et le couvert dans un de ses établissement publics, j’ai bien ri. Pas chien, Carlos avait su exprimer sa reconnaissance à ses hôtes en leur adressant un petit chèque de 14 millions d’Euros, soit un peu plus d’un an de son salaire brut. Les petits cadeaux entretiennent l’amitié !

Que ce soit dans une caisse censée contenir des instruments de musique ou grimé en Papou afin de passer inaperçu, c’est en toute discrétion que M. Ghosn a pris congé de ses amis nippons avant de s’envoler pour le Liban via la Turquie. J’y vois, au-delà de la farce jouée, la marque d’un tact raffiné : sachant que son départ serait de nature à chagriner les autorités japonaises, afin de leur éviter d’inutiles tentatives de le retenir (sa décision étant irréversible), il a préféré partir sur la pointe des pieds. La grande classe !

Certains esprits chagrins, trop perméables aux racontars, diront que ce départ n’avait pour but que d’échapper au zèle tatillon des juges du pays qui l’auraient soupçonné de je ne sais quelles malversations. Que ce n’est pas bien. Que toute faute mérite sa peine et qu’un homme honnête et responsable ne craint aucunement la justice qui, en ce pays comme partout ailleurs, ne saurait poursuivre d’autres buts que de consolider l’ordre public. Que, bénéficiant de moyens financiers considérables et forcément coupable de ce fait, il aura pu échapper à une juste sanction alors que le vulgus pecus, s’il traverse en dehors des clous ou vole un croûton de pain tant la faim le tenaille se retrouve illico presto envoyé au bagne de Cayenne sans espoir de retour. Je ne les suis pas.

Pour moi, la soi-disant justice n’a rien de sacré. Elle est humaine et donc imparfaite. Il lui est déjà arrivé, ici ou là, de couronner le crime et de châtier la vertu. « Je te plains de tomber en ses mains redoutables » s’écriait la Jézabel de Racine. Bien qu’elle parlât d’autre chose, cette phrase s’applique bien à cette institution à laquelle l’innocent n’a pas intérêt à avoir affaire. Un procès aura lieu. Blanchi ou condamné, à tort ou à raison, M. Ghosn en sera absent. Dans tous les cas, les envieux continueront de le détester. Il n’empêche qu’à sa place et si j’en avais eu les moyens, entre risquer de passer des années voire de finir ma vie derrière les barreaux d’une prison nippone ou autre et vivre parmi les miens le reste de mon âge, je n’aurais pas non plus hésité.