...Cette paisible rumeur-là vient de
la ville ». Mouais... Il avait du écrire ça un jour de grève
et de couvre-feu, le père Paul. Comme ceux qui me suivent, vous
savez que je vis depuis quelque temps en ville. Enfin, en petite
ville puisque seules trois mille et quelques âmes la hantent.
Seulement, pour qui, depuis bientôt sept ans, avait connu le calme
tout à fait relatif de la pleine cambrousse, ce nouveau statut de
« citadin » apporte quelques nouveautés.
Si le calme de la campagne est souvent
troublé par les passages de tracteurs, le bruit plus ou moins
lointain des tronçonneuse, scies ou autres engins pétaradants, si
s'y entendent les chants du coq et de la poule, le mugissement des
bovins, le bêlement des ovins comme l'appel rauque des corbeaux, en
ville d'autres bruits se font entendre.
Un de ceux que j'avais oublié est
celui du voisinage. Ainsi bénéficié-je, surtout le week-end, des
sempiternelles disputes qui opposent une vieille et son fils (ou son
(presque) jeune amant, allez savoir, l'exemple venant de haut). Je
serais moins dérangé par des échanges d'une admirable violence que
suivraient de longues bouderies. Mais, hélas, il n'en est rien. A
part de courtes accalmies, ces braves gens s'adressent sans cesse
d'ineptes reproches. La brave dame s'est excusée auprès de moi des
hurlements à la mort que poussait son deuxième chien lorsqu'elle
sortait en le laissant seul. Bien sûr son cri est agaçant mais il
l'est nettement moins que les imbéciles chamailleries des maîtres
et elle ne sort pas si souvent...
Une autre nuisance est le bruit de la
circulation. Car le passage d'une auto ou d'un camion n'est plus le
fait rare qu'il était dans mon désert de verdure. Oh, ce n'est en
rien comparable au voisinage d'une autoroute ou du périphérique
parisien mais si l'embouteillage est chose inconnue, la différence
est toute de même sensible.
La pire épreuve sonore est celle
occasionnée par quelques jeunes qui, à l'aide de deux roues aux
échappements trafiqués, font des tours de pâtés de maisons dans un
concours de décibels. L'attrait que ressent l'adolescent moyen pour
les assourdissants autant qu'inutiles tours à mobylette (ou scooter)
ne date certes pas d'hier mais il demeure pour moi une énigme. Il
semble en outre que depuis leur interdiction, les échappements
bruyant ont beaucoup progressé.
Le rauque appel du corbeau a fait place
au piaillement des corneilles qui le soir n'en finissent pas de se
chamailler perchées sur les cheminées. Restent le chant de la
poule, car une autre voisine en possède quelques unes qui célèbrent
dûment leur ponte et, le mardi, du proche marché aux bestiaux,
veaux et moutons s'entend la cacophonie des veaux et des moutons.
N'empêche qu'il y existe des
avantages : si, comme l'exige la tradition, je constate au
retour de courses que j'ai oublié de faire l'emplette de telle ou
telle denrée indispensable, je n'ai plus à faire onze kilomètres
pour réparer ma distraction. Je peux même aller faire mes courses à
pied et je m'efforce d'en profiter.
On ne peut pas tout avoir.