Du temps de ma lointaine jeunesse, j’étais fan du vieux
Leonard. J’écoutais en boucle ses trente-trois tours sur mon Teppaz. Pour les
jeunes qui ne connaîtraient pas, le Teppaz était un petit tourne-disque qu’il
devait être obligatoire de posséder vu que tout le monde en avait un (un
nouveau règlement a du venir l’interdire, vu qu’on n’en voit plus). On aurait
dit une petite valise et quand on l’ouvrait, apparaissait, ô merveilles, un
plateau couvert de caoutchouc, un bras comportant une tête munie d’un saphir,
une manette permettant de régler la vitesse (33, 45 ou 78 tours par minute), un
potentiomètre permettant de régler le son et, dans le couvercle, un
haut-parleur ! Une fois branché sur
le secteur, l’interrupteur tourné, la galette de vinyle dument posée sur le plateau,
la vitesse réglée, il suffisait de tirer en arrière le bras pour que le disque se mît à
tourner puis de poser délicatement la tête sur le début du sillon pour que
sorte du haut parleur les mélodies attendues. C’était très simple (sauf pour
qui souffrait de la maladie de Parkinson).
Donc, mollement allongé sur un tapis garni de coussins, je
pouvais grâce à cette petite merveille de la technologie moderne écouter
messieurs Brassens, Brel, Halliday*, Ferré,
ou mesdames Barbara, Sauvage ou Sylvestre. Et bien sûr le génial Leonard
dont certaines paroles échappèrent un temps à mon entendement à cause d’une
imparfaite connaissance de l’anglais avant que mes progrès en cette langue n’en
levassent le mystère. M. Cohen satisfaisait pleinement mon goût prononcé d’alors
pour la délectation morose. Sa voix rauque, son rythme lent, le côté lugubre de
ses textes convenaient parfaitement à mon humeur d’adolescent attardé autant
que mélancolique du début des années soixante-dix. Je connaissais par cœur toutes
les chansons de ses quatre premiers albums. Avec, peut-être, une légère
préférence pour Songs from a room et
un moindre enthousiasme pour Songs of
love and hate. En 74, je
fis l’emplette de New skin for the old
ceremony. Ensuite, je m’en lassai peu à peu. Il faut croire que ses
héroïnes suicidaires ou à moitié folles, que la sinistrose qui parcouraient,
tel un fil rouge, ses textes ne correspondaient plus à la vision positive de la
vie qui devenait progressivement mienne.
Il ne fut pas seul à passer à la trappe. Le style
outrageusement déclamatoire de Ferré que ses « opinions » ne
faisaient qu’aggraver, le prêchi-prêcha de Brel, le côté kitch de Barbara me
les firent délaisser. Seul surnagea jusque aujourd’hui le bon tonton Georges
dont les textes continuent de me séduire. Il faut croire que je suis suis
infidèle par nature…
Et voilà que la radio m’apprend que pour ses quatre-vingt
ans, le vieux père Cohen va nous sortir une nouvelle fournée de ses hilarantes
facéties. On peut même en écouter une ici. Même si je ne m’attendais pas à un
remake canadien de « Viens Poupoule » ou de « Papayou », je
dois dire que pépère fait fort dans le lugubre, que sa voix devient plus rauque
encore et que point de vue rythme et entrain ce n’est pas lui qui nous fera
oublier la lambada. Leonard demeure fidèle à lui-même.
J’ai du mal à concevoir
que l’âge ne mène à une sérénité teintée d’amusement face au spectacle qu’offre
le monde. Franchouillard, infidèle,
futile, irresponsable et même pas malheureux, voilà le triste sire que je suis
devenu…
*Sans être un fan, depuis belle lurette, j’apprécie ce
chanteur. Quand je vous dis que je suis incurablement Franchouillard !
Alors là, vous me laissez sans voix, ce qui est bien dans la ligne de votre ex-idole.
RépondreSupprimerQu'ai-je donc écrit qui vous fasse tel effet ?
SupprimerAlors attention ! On ne se moque pas impunément de Léonard Cohen ( ceci à l'intention de commentateurs à venir).
RépondreSupprimerLéonard Cohen, c'est Léonard Cohen, inimitable, indémodable, égal à lui-même pendant toute sa carrière. Bref un grand de ce style de musique mi-folk, mi-country, mi-rock (et tant pis si ça fait trois mi).
L'une de ses chansons que je préfère c'est Tacoma Trailer, peut-être bien d'ailleurs parce que sur cette simplissime mais superbe mélodie au piano, il ne chante pas. Mais j 'adore et si je ne devais en garder qu une ce serait celle-là ! ( http://youtu.be/l475gwnuV9k )
Désolé d'avoir pissé sur tes violettes !
SupprimerMa très solide méconnaissance du patois grand-breton m'a préservé efficacement des complaintes dormitives de votre Québécois anglophone. Pour le reste des chanteurs que vous citez, nous sommes presque entièrement d'accord sur nos désaffections provoquées par l'âge. La différence essentielle est que Brassens ne provoque plus chez moi qu'un léger ennui, ce qui est tout de même mieux que la détestation qui m'est venue de Brel.
RépondreSupprimerEn fait, pour moi, Trenet reste à peu près seul à briller (avec tout de même un accessit à Aznavour…), alors que, bizarrement, je l'ai ignoré durant toute mon adolescence. Mais ceci explique peut-être cela : Trenet est un chanteur "pour adultes", malgré les superficielles apparences.
J'ai bien souvent pu lire votre admiration pour Trenet. Bien que je reconnaisse beaucoup d'intérêt à nombre de ses chansons, il n'a jamais accédé à mon Panthéon. L'idolâtrie, comme bien d'autres choses, ne se commande pas.
SupprimerDu haut (hum) de mes 35 ans, je connais le Teppaz, figure-toi que le 33T et le vintage étant fort à la mode ces derniers temps, c'est la über-classe pour le hipster qui se respecte d'avoir un engin pareil! :) Quant à ces classiques je les connais pas trop mal, j'avoue que Léonard Cohen me déprime, je n'ai donc jamais réussi à écouter, mais une de mes chansons préférées pour pleurnicher est "mon mari est parti" d'Anne Sylvestre!
RépondreSupprimerTeppaz, le retour ? On aura vraiment tout vu !
SupprimerOn se souvient tous de son appareil à crin-crin.
RépondreSupprimerLe mien était un "mange disque", espèce aujourd'hui disparue, offert pour je ne sais quelle occasion avec un disque du "Sirop typhon". Ecoutez cette chanson une fois, vous avez la semaine pour vous en dépétrer !
Buvons, buvons, buvons, ....
Ah ! Ah ! je t'imagine avec Géronte pour un karaoké des Marchés de Provence de Gilbert Bécaud ...
SupprimerSirop typhon !!! crénom, me voila prendre au moins 30 ans de moins !
SupprimerSuperbe chanson que le sirop Typhon (l'universelle panacé-é-ée). les chansons avaient du sens en ce temps-là...
SupprimerBonjour !
RépondreSupprimerAinsi donc cher Jacques, nous (du moins mes grands-parents) avions un Teppaz (nom à consonance bretonne ...) tandis que j'en ignorais le nom, mais le descriptif est fidèle ...
Quand à Léonard Cohen, déjà en 1982 un ami le raillait en disant que chacun de ses nouveaux disques laissait à penser que ce serait le dernier, dans le sens funèbre que vous devinez.
Pour Georges Brassens l'un de mes amis belges ne comprenait pas que l'on puisse le comparer à Jacques Brel qui pour lui était de loin le meilleur.
Et comme par ailleurs il ne comprenait pas pourquoi le Général de Gaulle qu'il considérait comme un personnage mineur avait une telle aura chez nous, un soir de discussion avec ce qu'il fallait de bouteilles sur la table entre nous, j'en suis venu à lui dire que Brassens avait fait un disque avec des discours de de Gaulle en chansons !
Je dus être convaincant, ou lui suffisamment gai pour me croire ...
Vous devriez arrêter les amis belges : ça peut être toxique, à la longue.
SupprimerBrassens chantant les discours de De gaulle ? Hélas, il est trop tard pour que ça se fasse maintenant !
SupprimerApprécier Johnny Hallyday est un signe d'équilibre spirituel en même temps que d'indépendance d'esprit. En effet il y a peu de choses qui vont prêter plus à la moquerie devant certaines personnes que de faire une telle confession.
RépondreSupprimerMais qui peut prétendre aimer la France et les Français et se moquer de Johnny ? Qui ?
Tout à fait d'accord !
SupprimerD'autant plus que d'origine 100 % belge et se prévalant yankee à ses débuts ...
SupprimerCurieux cette Susan dans un propos sur Léonard Cohen ...
SupprimerDans un style un peu semblable à Barbara, voici une chanteuse mélancolique, pas commerciale pour un sous et assez méconnue des années 60 (je trouve qu'elle a beaucoup de talent):
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=oP_fsCJ1EGc
On comprend l'absence total de succès de cette dame…
SupprimertotalE, plutôt !
SupprimerElle m'aurait fait davantage penser à Anne Sylvestre (en moins bien à mon avis). Mes recherches m'ont amené à penser que cette dame dont j'ignorais l'existence semble toujours être de ce monde et jusque récemment tenait blog chez M. Médiapart (http://blogs.mediapart.fr/blog/lise-medini)
SupprimerLéonard, cela n' a jamais été mon truc de plus je croyais qu'il était mort, tiens on devrait jouer à un jeu sur certaines personnalités de la chanson ou du cinéma que l'on nommerait : " Mort ou vivant"
RépondreSupprimerJ'ai moi-même longtemps pensé qu'il était mort et surtout complètement oublié. Ce n'est pas du tout le cas...
SupprimerLe jeu que vous proposez serait intéressant...
Ce jeu pourrait aussi s'appeler Reward ...
SupprimerEt quid de Clint Eastwood ?
Clint Eastwood, vivant 84 ans
SupprimerAldo maccione?
Maureen O'Hara, Mickey Rooney, Danielle Darrieux, Kirk Douglas, Micheline Presle, Patrick McNee…
SupprimerJ'ai écouté, mais c'est postérieur à ma péride LC et ça ne change pas mon avis...
RépondreSupprimerLC attaqué au postérieur par les piérides ?????
RépondreSupprimerLe dénommé Tchetnik constate que les juifs étaient de toutes les révolutions. Ce qui est vrai. Mais il n'en tire pas les bonnes conclusions. S'il y a quelque chose de génétique chez les juifs, c'est bien de se trouver à travers les âges du côté de la justice contre l'injustice. Si bien que nous les retrouvons contre toutes les tyrannies quelles soient de droit divin, ecclésiastiques, franquistes etc...
RépondreSupprimerAu début, au tout début de la révolution française était la Hollande. Et Spinoza. Un Juif. Grand inspirateur de nos philosophes des lumières, accoucheur de 1789.
Plus proche de nous et plus contestable il y a BHL qui, de Syrie en Ukraine, ne ménage pas sa peine.
j'ai eu mon Tépaz en 1961 avec un disque de Johnny et une étude de Chopin,c' était pour mon anniversaire, c'était super de pouvoir le trimbaler chez mes copains qui n'en avaient pas encore, mon 3 eme disque c'était les Beatles, puis je suis passée à Léo, Brel Brassens Barbara, Aznavour , je n'aimait pas trop les chanteurs anglais où Américains, ne comprenant pas l'anglais , je suis par contre restée fidèle à mes choix d’antan , à part Johnny qui m’énerve, c'est drôle ce que dit Aemi plus haut, car ma fille m'a reproché de ne pas avoir gardé cet appareil " super génial " et elle en recherche dans les brocantes , ça se négocie, parait-il assez cher !
RépondreSupprimerCurieux qu'au bout du fil il n'y ait point eu Téléphone ...
SupprimerJe ne me souviens plus de quand ni où j'ai bien pu me débarrasser du mien ! Me dire qu'en le conservant ma fortune aurait été assurée m'emplit de regrets...
SupprimerCher Robert Marchenoir !
RépondreSupprimerEn espérant que vous savez tout le respect que j'ai pour vous (du moins si le message vous a été transmis), permettez-moi de vous faire part de mon étonnement quant à l'importance que de part cette contribution vous attribuez à ce pignouf et aux "twitts" qui sont le degré zéro de la communication et de la pensée ...
Et comme le chantait presque Jacques Higelin (mort ou vivant ?):
"Que tu sois beau, beau ou biolaid ..."
Cher Bob le Trabendiste,
RépondreSupprimerVous êtes bien aimable. Je suis navré de ne pas avoir répondu à votre message, qui ne m'est pas parvenu.
C'est justement parce que Biolay plonge au-dessous de la ligne de flottaison que c'est digne d'être relevé.
Effectivement, Higelin ce n'est pas la même catégorie. Bon, je suppose qu'il est de gauche, mais c'est normal, c'est un artiste, personne n'est parfait.