Peu de gens connaissent ce que fut la vie, à bien des égards exemplaire,
de Saint Marcelin. Il était grand temps que cette lacune fût comblée. C’est ce
que nous nous proposons de faire dans cette nouvelle série propre à orner de
nouvelles connaissances l’esprit des véritables amateurs d’histoire. De patientes études sur chartes et chroniques de
la seconde moitié du Xe siècle et du XIe commençant nous ont permis de
synthétiser ce que furent les principaux faits marquants d’une existence si
riche qu’une biographie exhaustive exigerait qu’on y consacrât de nombreux volumes
ce qui risquerait de lasser la patience du plus avide de science de nos
lecteurs.
Le 6 avril
on fête Saint-Marcellin, nous jugeons utile de rappeler à nos lecteurs qu’il
n’existe aucun rapport entre ce saint et le patron du village Baugeois qui fait
l’objet de nos chroniques.
Notre but
n’est pas de rabaisser l’obscur légat d’Honorius, ami de saint Augustin qui
mourut victime des donatistes à Carthage en 413. Que le fils de Sainte Monique
ait jugé bon d’écrire son « De remissio peccatorum » et d’autres ouvrages en
réponse aux questions de Marcellin, qu’il lui ait dédié « La Cité de Dieu »,
qu’il soit intervenu afin d’éviter son martyre n’y change rien : Marcelin, lui,
était homme d’une toute autre envergure.
Certains mettront
en avant le fait qu’il est absent de tout calendrier, qu’en tout et pour tout
deux villages de France portent son nom (l’un d’entre eux suite à une faute
d’orthographe) et que Rome ignore jusqu’à son existence pour minimiser son
importance. Ils ont tort.
Si dans le
Baugeois il est l’objet d’un culte fervent, il nous paraît cependant bon de
rappeler aux moins érudits de nos lecteurs étrangers au pays les faits les plus
marquants de sa longue existence.
Marcelin
naquit dans une famille de hobereaux baugeois en l’an de grâce 927. Son père,
Philipe Brasfort, seigneur de Montaleux et sa Mère Isabèle de Bois-Rasquin
formaient un couple uni par une profonde foi chrétienne et une haine
héréditaire des consonnes doublées. Comme tous les jeunes de sa caste, Marcelin
mena une jeunesse dédiée à l’apprentissage du maniement des armes. A douze ans,
bien que de petite taille, il faisait preuve d’une force herculéenne. Un jour,
poursuivant le sanglier à courre, il tomba de sa monture. Le solitaire qu’il
chassait le chargea. Plutôt que fuir, Marcelin fit face et, le saisissant à la
gorge il entreprit de l’étrangler, puis saisi de pitié pour la souffrance
qu’exprimaient les cris de la pauvre bête, il lui broya le crâne d’un seul coup
de poing. Il chargea sa victime sur son épaule et revint à pied au château où le
monstre de quatre cents livres fournit la viande d’un grand banquet. Certains
voulurent voir dans cet exploit le premier des miracles de Saint Marcelin. Ce
serait exagéré, vu qu’à partir de ce jour le jeune homme décida de ne plus
chasser qu’ainsi et que ses prises se multiplièrent au point que son père, las
de manger du cochon finit par lui conseiller d’aller à la pêche.
Rien de
bien marquant ne se passa jusqu’à sa vingtième année au cours de laquelle il
eut le malheur de perdre ses parents lors de l’incendie du donjon de bois qui
dominait leur motte féodale. Fou de douleur, le jeune Marcelin se lança alors
dans une vie de débauche effrénée. Les incessantes fêtes qu’il offrait à tout
ce que le pays comptait de seigneurs paillards et de grasses ribaudes vinrent
vite à bout de la maigre fortune héritée de ses parents. Qu’importe ! Il
pressura d’impôts ses serfs. Comme il ne leur laissait même pas de quoi
subsister, ceux-ci moururent de disette. En compagnie des débauchés qui
formaient sa suite il se mit alors à razzier les alentours. Monastères,
châteaux, humbles chaumières, il pillait et brûlait tout avant d’égorger les
témoins de ses méfaits.
Emu de
voir le Baugeois ainsi ravagé, l’évêque Rainier de Corbinville décida
d’intervenir. Les menaces d’excommunication se montrant inopérantes, il décida
d’agir plus finement. La perspective d’un riche mariage parviendrait peut-être
à ramener à la raison ce seigneur brigand. Or il se trouvait qu’une sienne
nièce, Damoiselle Guenièvre de La Riche Motte, suite au décès accidentel de ses
parents, morts dans l’incendie du donjon de bois qui dominait leur motte
castrale* se trouvait à la tête d’une fortune appréciable. Le ciel lui avait en
outre fait don d’une remarquable beauté. Pieuse, sage et douce, victime du même
malheur, La gente Guenièvre saurait peut-être convertir le jeune homme…
Un
émissaire convainquit Marcelin de se rendre sans escorte et sans armes au
château de la dame. Rainier jurait sur sa foi que rien ne serait entrepris
contre lui. Il voulait simplement que les jeunes gens se rencontrassent.
Lorsque de
loin il aperçut la motte de Guenièvre, Marcelin manqua défaillir. Jamais il
n’en avait vues d’aussi vaste et puissante. Lorsque monté dans le donjon de
pierre et introduit en la grande salle il vit la jeune Dame, il se mit à
trembler d’émotion. Oncques n’avait vu plus belle damoiselle. Lorsqu’elle le
pria de s’asseoir à son côté, il trouva à sa voix des accents angéliques. Il ne
sut balbutier en réponse que de vagues compliments.
Mais
dès lors il sut que sa vie avait basculé…
Il en alla de même pour la pieuse Guenièvre.
« Il était
laid, les traits austères,
La main plus rude que le gant
Mais l’amour a bien des mystères
Et la nonne aima le brigand.
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers… »
La main plus rude que le gant
Mais l’amour a bien des mystères
Et la nonne aima le brigand.
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers… »
Si ce
vieux cochon de Victor avait remplacé « nonne » par belle, cet extrait aurait
parfaitement décrit ce qui se passa entre les deux jeunes gens.
Nous
n’entrerons pas dans les détails. Disons qu’après l’souper bien arrosé qu’on
leur servit, la biche eut tout loisir d’apprécier la vigueur du sanglier qui
lui-même pensa que les ribaudes gagneraient à suivre un stage chez les nièces
d’évêques, histoire de se décoincer un peu.
*Jusqu’à
ce qu’on inventât la cheminée à âtre et conduit de pierre, les incendies de
donjons firent de nombreuses victimes, d’où l’abondance au cours des IXe et Xe
siècles des toponymes « Ardenta
motta » (La Motte en feu) ou Cramata
motta (Motte cramée).
Y a-t-il un rapport entre ce saint et le fromage du même nom (hors consonne double)? Qu'y a-t-il de vrai dans cette affirmation selon laquelle la consommation de ce fromage après celle du péché de chair donnerait droit à une indulgence plénière?
RépondreSupprimerA mon avis, cette indulgence est un coup de marketing !
SupprimerC'est tout à fait édifiant, en effet...la vie des saints nous enrichit toujours le spirituel et parfois la méfiance vis à vis des donjons de bois, Dieu merci beaucoup plus rares de nos jours.
RépondreSupprimerAmitiés.
Il est vrai qu'il se construit de moins en moins de donjons de bois ces dernières années. Peut-être la dureté des temps les remettra-t-elle à la mode ?
SupprimerMerci, c'est très amusant !
RépondreSupprimerC'est moi qui vous remercie !
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