Réjouissez-vous, Français ! Vous serez bientôt en mesure de savoir à qui vous devez votre existence
en tant que membre d’une nation. Un ouvrage va vous l’enseigner :
Ce titre me paraît être d’une rare malhonnêteté. Je ne
reviendrai pas sur l’histoire des diverses vagues d’étrangers (invasions,
immigrations) qui au fil des siècles sont venus s’amalgamer à une population
préexistante, je renverrai au récent billet
de Michel Desgranges qui en trace les grands lignes comme il souligne avec
justesse que lorsque commença l’immigration de masse, la France était déjà FAITE et ce depuis belle lurette.
France Inter, Radio de Service Comique ™, se devait de saluer
un tel ouvrage. Salut qui lui permettait au passage de cirer les pompes de
notre cher M. Valls, lequel s’y voit consacré une entrée et avait tenu à
participer à son lancement, hier, au Musée de l’histoire de l’immigration (ce
qui m’a au moins permis d’apprendre l’existence de ce musée).
L’historien Pascal Ory
qui dirigea la réaction du dictionnaire rappela le fameux chiffre selon lequel au moins 25% des français ont des ascendants étrangers.
C’est très bien. Mais ça dit aussi que 75% n’en ont pas. Et puis surtout la
question n’est pas là.
Ce qi me semble important est de corriger le titre. Ces
étrangers n’ont pas FAIT la France : celle-ci leur préexistait. Loin de
nier que certains d’entre eux aient participé à sa richesse intellectuelle
comme économique, que ce soit à un humble ou éminent niveau, on est en droit de
se demander si, de son côté, la France n’a
pas de son côté apporté à ceux qu’elle accueillait un refuge ou un cadre où
leur talent a été à même de mieux se développer que ne le leur aurait permis leur pays d’origine.
Je vois sur la couverture du dictionnaire bien des visages
connus. Mon cher Roman Kacew, allias Romain Gary, allias Émile Ajar, que serait-il advenu de lui, si sa mère, amoureuse
de la France, ne l’avait emmené loin de sa Lituanie d’origine ? M. Picasso aurait-il pu, dans l’Espagne devenue
franquiste, exercer son talent avec autant de liberté ? Mme Curie
aurait-elle bénéficié dans sa Pologne natale des mêmes facilités pour
poursuivre ses recherches ? M.
Zitrone aurait-il si bien commenté les mariages princiers sous Khrouchtchev
ou Brejnev ; y aurait-il été à même d’animer Interkolkhozes ? Sans vouloir rabaisser la Belgique et la Suisse, on peut se demander quelle aurait été la gloire de MM Cendrars et
Simenon sans la « caisse de résonnance » que constitua la France pour
leurs écrits. L’Amérique ségrégationniste aurait-elle permis en 1925 à
Joséphine Baker de connaître le même succès? Et un Aznavour chantant en Arménien, ça l'amènerait où ? Et cetera…
A un humble niveau, les polonais, les belges, les siciliens qui
descendirent en nos mines l’ont-il fait par pure bonté d’âme ou parce que notre
pays leur offrait les conditions d’une vie meilleure ?
Ces gens n’ont pas FAIT la France. Ils y ont trouvé un cadre où s’épanouir.
Leur talent, si immense ou si humble fût-il, y trouva la possibilité de s’y
développer parce qu’y existait un terrain fertile. Si la France leur doit
beaucoup (mais pas TOUT comme pourrait le laisser croire un tel titre), leur
dette vis-à-vis d’elle est à proportion.
N’importe comment, ces illustres (ou anonymes) aînés ne voient exalté
leur mérite que parce qu’ils servent à justifier les discours modernes de ceux
qui, pour des raisons qui m’échappent ne trouvent à TOUTE immigration et quel
que soit son nombre que qualités et avantages.
Ils ont fait la France? Disons plutôt que la France les a faits en leur offrant un cadre propre à faire éclore leurs talents..
RépondreSupprimerOn peut dire ça comme ça...
SupprimerBien dit, cher Jacques. J'ajouterai que si Manuel gaz veut exercer ses talents de socialiste en Espagne, qu'il y aille. Il ne me manquera pas. Et si Filipetti veut faire de la culture en Corée du Nord, itou. Je ne la retiens pas. Et Taubira, allez zou, au Venezuela ! Et NJB : bingo, retour au bled, elle pourra tant faire pour (nozamis) les homosessouels.
RépondreSupprimerNous priver de telles richesses ? Vous n'y pensez pas, cher Al !
Supprimer"J'essaime, donc je suis" ne ferait-il pas une belle devise pour notre petit Président ?
SupprimerBravo , bravo pour ce billet, Jacques !
RépondreSupprimerDire que cette horreur est publiée dans la collection Bouquins, créée par Guy Schoeller dont l'amitiè m'honorait.
Mais Schoeller est mort, et de tristes crétins s'emploient à tuer ce qui fut une admirable collection.
Merci Michel ! Il est vrai que la présentation qu'on donne de ce livre sur le site de l'éditeur (http://www.bouquins.tm.fr/site/dictionnaire_des_etrangers_qui_ont_fait_la_france_&100&9782221113165.html) fait montre d'un certain manque de rigueur.
SupprimerQuel racolage de la part de ces auteurs et de cet éditeur. Cela ne les honore pas.
RépondreSupprimerDe plus, il y a enrôlement de force, le plus souvent sur des morts qui ne peuvent se défendre. Ils me semble que des Sarraute, des Gary ou des Aznavour se trouveraient gravement insultés si on voyaient en eux des "étrangers".
RépondreSupprimerQuant à Géraldine Chaplin, j'aimerais qu'on m'explique en quoi elle a "fait" la France…
Certes. Gary cultivait un patriotisme plutôt exacerbé. Quant à Picasso et Dali, on ne voit pas très bien ce qu'ils viennent faire là car tout le monde les considère comme des peintres espagnols. Autant dire que Houellebecq ou Déon sont des écrivains ont beaucoup fait pour la littérature irlandaise ou andalouse.
SupprimerQuand le français est-il devenu la langue maternelle des enfants de France nés en province ? J'ai connu quelques bretons (morts maintenant) qui comprenaient assez mal le français, et j'en connais encore (peu, il est vrai, et quasi centenaires pour la plupart) dont le breton est la langue maternelle.
RépondreSupprimerC'était le cas de mon père, né en 1920 à Louannec, Côtes du Nord (ou d'Armor maintenant), qui apprit le français à l'école. Quant à ses parents, illettrés, leur français fut toujours très approximatif... Dire que la France ne nous ait pas ouvert de plus larges perspectives que n'en offrait la Bretagne serait mentir.
SupprimerEt est-ce qu'on peut dire que les Bretons ont fait la France? Bardamu disait que la France n'était qu'un ramassis de groupes et de peuples pouilleux chassés, chassant, acculés par des batailles et s'accroupissant près des frontières (ce ne sont pas les termes de Céline, mais vous voyez où je veux en venir). Enfin bref, on ne va pas renvoyer tous les immigrés qui se sont installés chez nous au siècle dernier à la mer. Mais si, grondent certains qui n'hésitent pourtant pas à pousser la trahison nationale jusqu'à n'héberger chez eux que des chiens suisses. Quant à prétendre que la France ayant intégré les Bretons, Basques, Occitans, Flamands et Lorrains peut intégrer n'importe qui d'autre, faut voir.
SupprimerIl y avait en 1965 un bidonville de dix mille immigrés à Nanterre, en majorité des Portugais dont on disait alors que le catholicisme archaïque était un frein à une véritable intégration. En 58, Le Pen disait le plus grand bien de l'islam et des musulmans, rapprochant les morales chrétienne et musulmane, et demandait qu'il en vînt encore et encore davantage chez nous. Et il en vint, il en vint... Autre époque, autres discours...
Je suis hors sujet, mais vous me semblez bien rigoureux dans la défense de nos origines gauloises. La réalité des annuaires téléphoniques est là: Martinez est le trentième nom parmi les plus courants en France, pour ne parlerque de celui-là et que des Portugais. Donc, qu'un Français sur quatre ait des maintenant des racines étrangères (même si européennes) n'est pas improbable du tout...
Je crois que vous n'avez pas bien compris mon propos : il ne s'agit pas de nier l'immigration mais de contester qu'elle ait FAIT la France. Que des étrangers ASSIMILÉS y aient joué un rôle positif, je le reconnais. Je dis seulement qu'ils doivent au moins autant à la France que la France que la France ne leur doit.
SupprimerSi si si, j'ai compris votre propos. Je réponds avec trois billets de retard (à cause du tourbillon d'la vie...) mais je persiste. Les Martinez ont fait la France. C'est récent, je vous l'accorde, mais le fils du maçon Martinez qui est devenu instituteur, et sa fille qui est pédiatre, et son neveu qui a publié une thèse sur les mutation des coccinelles à proximité des fabriques d'acétylène, ils font la France. Houari Z, le professeur de mathématiques de mon fils, fait la France comme mes voisins agriculteur ou directeur du Conseil Général.
SupprimerBon, et une fois qu'on a dit ça ?
Eh bien je n'irai même pas feuilleter ce dictionnaire. L'intention, le procédé, sont stupides. Il y a quelques années, on répondait à ceux qui se plaignaient de l'islam: oui, ben les Arabes ils ont inventé le zéro, sans eux on ne saurait pas compter, ils ont préservé les textes des Grecs, et à l'heure où l'Europe était plongée dans les ténèbres d'un catholicisme étouffant, eux ils avaient une immense civilisation vachement raffinée dont on a profité sans la moindre reconnaissance. Avec ça, on était bien avancé, fallait plus parler des dangers de l'islam, rompez. Vous remarquerez d'ailleurs que l'emploi de ce type d'argument s'est estompé et a disparu.
Pourquoi élaborer des listes des étrangers qui auraient "fait" la France, sinon pour lutter contre la xénophobie nauséabonde et le péril grandissant des idées fascistes ? Est-ce que ça a beaucoup d'importance que Montand ait été italien, Machin libanais et ainsi de suite ? En quoi ça démontre que les islamistes dont on se plaint vont devenir de braves petits français si on les laisse s'imprégner de la douceur et de l'excellence de nos principes ?
Ceux qui ont fait la France, c'est tous ceux qui étaient là, c'est la langue française, c'est l'architecte des cathédrales, le bougnat en sabots, Louis XI, Clovis, et avant les Celtes, les Romains et les Grecs. Il n'y a pas eu de moment figé : eh, les gars, maintenant on fait la France et on zyeute attentivement les participants, par ici les inscriptions, registre spécial pour les estrangers. Que dans le passé se soient mêlés et intégrés des savoirs (je pense aux médecins juifs ou arabes, par exemple) venus d'ailleurs, qu'est-ce que ça change pour maintenant ? Nos médecins, dans les hopitaux, sont en très grande proportion étrangers. Et alors ?
Je suis française, et ce qui a fait ma France, c'est Bayard, le roi Arthur, mes maîtresses d'école, les ponts, les églises, les pompiers, la deux-chevaux, les paysages, La Fontaine, Sartre, Proust, Colette et Maupassant, tout une foule d'écrivains, de poètes, de monuments et aussi Landru, la bande à Bonnot, la peste, l'occupation nazie, les monuments aux morts, l'école publique, les laboratoires de recherche médicale et le boeuf bourguignon.
Je leur suggèrerais bien d'enchaîner sur "Le dictionnaire de ces enc...qui ont foutu la France par terre" mais ils seraient obligés de s'y inclure, leur modestie s'y opposerait donc.
RépondreSupprimerAmitiés.
Excellent titre ! Quoique, si on se voulait exhaustif, ça ferait un paquet de volumes depuis le siècle des "lumières".
SupprimerDire que l'assassin Marat, grand pousseur au crime devant l'éternel, a sa place dans ce livre en tant que Suisse alors qu'il était né dans la principauté de Neufchatel, alors prussienne ! Il faut croire que les plus excités terroristes ont eux aussi "fait" la France ! Dans cette logique, Gorgulov, assassin du président Doumer y aurait sa place...
Le titre est stupide parce que personne ne fait un pays, et certainement pas un pays comme la France.
RépondreSupprimerReste que c'est parce que la France est la France que ces gens là sont venus et y ont exprimés leur talent permettant ainsi à la France de continuer à être la France c'est à dire aussi une terre d'accueil pour les talents du monde entier.
Mon cher Jacques, vous exprimez exactement ce que j'ai pensé ce matin en écoutant la même radio que vous.
RépondreSupprimerMerci.
Nous avons de bien mauvaises fréquentations !
SupprimerMoi aussi, j'ai entendu ça, ce matin en allant bosser... Et je partage votre agacement: ces étrangers n'ont pas fait la France; c'est au contraire la France qui leur a permis de devenir ce qu'ils sont devenus...
RépondreSupprimerTiens, je constate qu'il manque Djamel Debbouze sur la couverture. Ça, c'est bizarre.
C'est vrai ! Ils ont oublié Djamel ! Et ça se veut complet !
SupprimerMoi, qui suis une étrangère qui s'est faite en France, au mieux de ses possibilités, malheureusement limitées, je trouve tout à fait scandaleux ce titre d'un livre qui nous parle d'étrangers pleins de talent qui ont pu l'exprimer comme ils l'ont fait parce qu'ils étaient en France et pas ailleurs.
RépondreSupprimerIls ont apporté à la France ce que la France leur a donné l'occasion de lui apporter, et en retour ils auront sa reconnaissance éternelle pour l'oeuvre dont elle aura elle-même permis la réalisation.
Nous sommes bien d'accord mais vous êtes trop modeste.
SupprimerC'est comme tous les étrangers qui ont libéré la France durant les derniers conflits, mon grand père qui a fait le Chemin des Dames doit se retourner dans sa tombe , lui qui a eu les pieds gelés certainement en jouant au bilboquet.
RépondreSupprimerParmi les personnes qui ont fait la France citées par ce dico, il y aurait (selon l'article de service de presse) Brel, Annie Cordy et Hergé.
RépondreSupprimerQue Brel et Annie Cordy aient fait la plus grande partie de leur carrière en France, c'est une évidence et à ce titre, même si l'expression "faire la France" est assez impropre, ils ont joué un rôle dans la vie française:
on pense ce qu'on veut de leur talent - je ne suis pas fan d'Annie Cordy, mais elle n'a jamais renié la Belgique, aime la famille royale et a certainement été très heureuse de devenir baronne sous son vrai nom, ce qui me la rend plutôt sympathique.
Mais Hergé, quel rapport avec la France ?
S'agit-il d'une pitoyable tentative d'annexer sa personne à la France parce qu'il était d'expression française?
Parler de la France alors qu'il s'agit, même pas de culture française, mais de langue, me semble absurde.
Quant à Casanova, pourtant incarnation du Vénitien, aussi annexé "à la France" parce qu'il a écrit ses Mémoires en français, il était à part cela sans grande sympathie pour la nouvelle France qui naissait à l'époque de la Révolution, et c'est en italien qu'il écrit à un de ses correspondants:
Que Dieu me tienne éloigné d'un pays qu'il a frappé de sa malédiction !
Et quand il écrit, vers 1795,"Que dieu protège la République", c'est de son pays qu'il parle et pas de la République française.
Quant à Marat, admettons qu'il a joué un certain rôle dans l'histoire de France... mais qu'il ne fait honneur ni à la France ni à la principauté de Neuchâtel.
Je préfère de beaucoup Benjamin Constant , vaudois qui essaya d'apporter en vain un grain de sagesse suisse aux Français et n'y réussit pas !