Un récent
billet et des échanges sur Facebook m’ont permis de réaliser à quel point,
entre qui pose un regard apaisé sur son passé et qui se débat au milieu de
problèmes aussi actuels que douloureux, la différence est grande. A condition
de ne pas passer son temps à ressasser ses douleurs et déconvenues passées, à
condition aussi que le bilan que l’on dresse de son existence apparaisse « globalement
positif », toutes les périodes sombres que l’on a pu traverser, sans pour
autant paraître aimables, se transforment en simples expériences plus ou moins
riches en enseignements voire sources de renforcement. « Tout ce qui ne nous
tue pas rend plus fort » disait le bon Friedrich… Ouais… Du moins rétrospectivement
et à condition que tout finisse bien. Quand on est en pleine tourmente, la
douleur affaiblit et il arrive que l’espoir s’étiole.
Quand Dudule s’enfonce par mégarde un gros clou dans le
pied, il est aisé au sage de lui dire que dans quelques heures, quelques jours,
quelques mois (s’il réchappe à un subséquent tétanos) cette maladresse se
transformera en plaisante anecdote dont il sera le premier à sourire. N’empêche
que Dudule aura bien du mal à écouter le sage, vu qu’il se trouve présentement
occupé à hurler comme une bête et qu’une douleur atroce le rend fou.
Et c’est ce qui fait les limites de l’exemple ou du
souvenir. Allez expliquer à celle ou celui dont le monde s’écroule, qui voit s’évanouir
tout ce en quoi il avait cru, qu'à celle ou celui qui lui avait offert amour,
soutien, projets d’avenir infinis il ou elle n'inspire plus que haine, mépris et
défiance, allez lui expliquer que dans quelques années tout cela sera sinon oublié
du moins apaisé…
J’ai eu la « chance » de tout perdre d’un coup :
emploi, femme, logement, patrie. Ne me restaient qu’un gros paquet de dettes.
Je m’en suis tiré. Le fait d’avoir tant bien que mal été capable de tout
reconstruire m’a certes beaucoup apporté en termes de confiance en moi. J’ai ainsi
acquis la certitude que, quoi qu’il
arrive, je m’en sortirais et que les petits soucis qui nous affligent ne sont
qu’anecdotiques. Cette assurance ne peut se transmettre à autrui. C’est bien
dommage mais c’est ainsi. Sinon, chacun prendrait tout ce qui lui arrive en
bien comme en mal avec un sage recul teinté peut-être de cynisme. Adieu
enthousiasme et douleur, bonjour la paix du stoïcisme lequel, selon Romain Gary,
consiste à « avoir tellement peur de tout perdre qu’on se dépêche de tout
perdre pour ne plus avoir peur ».
Ceux qui traversent des périodes troublées on ne peut que les assurer d’un amical soutien (matériel
si nécessaire) et leur conseiller de ne pas perdre leur Nord, c'est-à-dire ce
qui donne son sens à leur vie, ce qui est essentiel. C’est eux qui auront à se
colleter avec les détails. Ça n’ira en général pas sans douleurs, sans périodes
de découragement. Le résultat final, quels que soient les efforts déployés, n’est
même pas garanti… En revanche, si on lâche la rampe l’échec est assuré. Ça rend
le choix simple…
Bonjour, je te lis régulièrement mais je n'avais jamais laissé de commentaires, mais là... comme je te comprend! Et comme cette phrase de Romain Gary résonne pour moi!!! Il y a différentes façons de "tout" perdre: j'ai commencé par la manière passive (sensiblement pour les mêmes raisons que toi), puis je suis passée à la manière active (le minimalisme: mon blog!) Effectivement, quand on n'a rien, on n'a plus rien à perdre!
RépondreSupprimerMerci de ta fidélité. J'avais remarqué tes visites et noté que mon blog apparaissait dans la liste de ceux que tu aimes et en compagnie bien diverse... Je t'ajoute à ma blogroll par réciprocité et aussi pour me remémorer de te rendre visite plus régulièrement.
SupprimerLe choix est simple, certes; mais c'est sa mise en application qui donne quelquefois envie de baisser les bras.
RépondreSupprimerLe tout est d'avoir une toute petite réserve d'énergie à utiliser en espérant qu'elle suffira à passer le cap.
rien n'est jamais simple, les pertes matérielles sont terribles mais on s'en remet , même si parfois il faut ramer dur, je le sais, mais les " pertes" émotionnelles, les blessures de coeur , les trahisons familiales, filiales , il en reste toujours une profonde trace au fond de soi, qu'on ne peut pas effacer même si la carapace semble sans fissure, connaissez vous le beau poème de Sully Prudhomme " le vase brisé "
RépondreSupprimerJe ne connais pas ce poème. Je vais le chercher...
SupprimerPour le reste, je suis d'accord avec vous. Mais la carapace se fait épaisse avec le temps, même si ce qu'elle protège a été altéré.
Bon, disons que je prends ça un peu personnellement (smiley clin d’œil toussa). Alors je vous rassure, je ne suis pas du genre à baisser les bras. Mais le cuir ne s'épaissit pas en un jour. Hier j'étais abasourdi, aujourd'hui je vais parfaitement bien. Il faut juste se laisser le temps de digérer...
RépondreSupprimerMais Amiral, je fais totalement confiance à votre résilience ! Ne serait-ce que parce qu'on n'atteint pas votre grade sans avoir fait preuve de force d'âme... Sérieusement, j'ai écrit ce billet parce que nos échanges d'hier m'ont amené à réaliser clairement que toute expérience est intransmissible et qu'en dehors d'un signe amical on avait pas grand chose à offrir en cas de désarroi...
SupprimerDécidément ce blog est patrouillé par des survivors !
RépondreSupprimerJe ne vous raconte pas la mienne, certains d'entre vous vivent dans des étages élevés.
A+
un mien ami anglais disait que passé 40 ans on est TOUS des "survivors"...
SupprimerSoyons clairs : pour en arriver à ce degré de sagesse il faut avoir pris pas mal de carat, l'histoire de Dudule
RépondreSupprimer(dont vous ne précisez pas s'il s'agit du titulaire de l'énorme objet célébré par la fameuse chanson) apparaît
tout à fait significative à cet égard, il est difficile de faire admettre à l'intéressé qu'il en rigolera plus tard, à
condition de réchapper au tétanos. Cependant, les jeunes gens peuvent parfois écouter leurs aînés et s'en
trouver rassérénés. Voilà en quoi la démarche est louable.
Amitiés.
il ne s'agissait pas du Dudule de la chanson (lequel aurait pu du même malheureux coup de marteau endommager en plus de son pied ce qui lui valut tant d'amour !). Cela dit, je pense que lorsque l'on fait, avec sincérité, état d'expériences vécues, ça peut en effet aider un petit peu...
SupprimerVoilà un très beau billet. Vous réussissez à être optimiste sur une piste pourtant savonneuse.
RépondreSupprimerMerci, Al. C'est toute l'idée...
SupprimerIl est bien difficile d'alléger la souffrance d'autrui, mais un bon conseil, s'il est écouté, peut s'avérer fort utile. C'est en cela que nous pouvons faire usage de l'expérience des autres me semble-t-il.
RépondreSupprimerTout à fait !
SupprimerBelle analyse, tellement juste.
RépondreSupprimerSalut à tous ceux qui souffrent et cherchent, ou attendent, des solutions, c'est selon les problèmes.
Qu'ils les trouvent vite.