L’autre jour, je m’en fus voir mon bon docteur. Dans la
salle d’attente j’eus droit à un épisode inédit des Deschiens. En live et
gratuit. Un vieux et une vieille qui faisaient succéder des salves de « Y’a
plus rien qui va ! C’était pas comme ça dans le temps ! » aux
anecdotes du temps où tout allait et où
c’était pas comme maintenant. Le récit des
petites bêtises de leur jeunesse les faisait rire aux éclats. Un « on s’amusait,
c’était pas méchant » venait les ponctuer comme il soulignait l’écart
entre le bon vieux temps d’alors et le mauvais temps de maintenant. A l’école,
au catéchisme, voire à la messe, ils semblaient s’amuser (sans méchanceté) comme
petit fou et petite folle. Quant à la politique, pas de doute, il était nul ce
président. Au lieu de faire des conneries, il aurait dû tout laisser comme c’était !
Tout un programme…
Mon tour finit par arriver. Le bon docteur me demanda
comment ça allait. Je lui fis part des découvertes du gastro-entérologue
concernant mon foie. Il n’en fut pas étonné vu qu’il pensait que j’étais
moi-même au courant de cette conséquence logique de mon hygiène de vie. Nous
conversâmes du rôle du médecin, plus conseiller selon lui que prescripteur-moralisateur.
Cette formalité expédiée, nous pûmes passer aux choses
sérieuses : il avait reçu le roman de Michel Desgranges que je lui avais
chaudement recommandé mais n’en avait encore entamé la lecture. Il commenta le curieux mélange d’angoisse et d’humour source
du « cynisme » qu’il m’attribue.
Bref, la bien agréable routine qui s’est établie entre nous. Je lui
exprimai mon inquiétude vis-à-vis de « notre » avenir. Car ce médecin
selon mon cœur a un défaut capital : il a mon âge.
Être né en 1950 n’est pas une tare en soi mais a une
inéluctable conséquence : l’an prochain il fêtera ses 65 ans et en
profitera sournoisement pour prendre sa retraite. Bien que passionné par son
métier et parfaitement à l’aise dans son environnement rural, il voudrait, l’égoïste,
profiter un peu de la vie. Il se plaint, ce fainéant, de devenir moins
dynamique, de se fatiguer plus vite, que sais-je encore ?
On me dira que je suis mal placé pour le critiquer, que ce
calme auquel il aspire j’aurai commencé à en jouir plus de quatre ans avant lui. Et alors ?
Il m’a fallu plus de soixante ans pour rencontrer le médecin de ma vie et
Monsieur, sous d’infimes prétextes me planterait là ? N’y aurait-il point
de justice ? N’a-t-il point de cœur ?
La moindre des corrections n’eût-elle
pas dû lui faire attendre ma mort ou mon départ du secteur pour oser se retirer ?
Inutile d’argumenter : il n’en fera qu’à sa tête et
emportera avec lui les regrets de sa nombreuse clientèle. Qui le remplacera ?
Sera-t-il seulement remplacé ? Me faudra-t-il aller consulter à la ville
voisine ? Avoir affaire à un jeune qui me parlera comme à un gamin rebelle ?
Les perspectives sont sombres !
En plus, les vieux et vieilles étant probablement à moitié sourds ne savent plus parler normalement, ils glapissent!
RépondreSupprimerJ'ai la même inquiétude avec mes ophtalmologue et dentiste que je fréquente depuis trente ans, en voyant la neige s'installer sur leurs cheveux et en me demandant s'ils seront encore là dans six mois.
Ayant eu les cheveux blancs depuis mes quarante ans, il y a (peut-être) de l'espoir avec vos praticiens.
SupprimerMon médecin "référent" va se retirer très bientôt après un accident cardiaque. Il ne sera pas remplacé. Il ne me reste plus qu'une solution être en bonne santé jusqu'à ce que mort s'ensuive.
RépondreSupprimerÇa me paraît un bon plan.
SupprimerMoi ce sont mon généraliste et mon cardiologue, dont je redoute la retraite…
RépondreSupprimerPour le cardiologue, ça ira : il ne me paraît pas très âgé et de plus pourrait partir sans que je le pleure.
SupprimerPfffft.... Arrêtez de gémir. Vos médecins ont été jeunes, ils n'étaient pas moins bons... Et dites-vous que les jeunes sont plus formés aux techniques modernes... Et si ça ne fonctionne pas, faites comme le dit Pangloss, ne tombez plus malades. C'est vrai, quoi !
RépondreSupprimer(on se croirait dans un blog hospice, non mais sérieux !)
Mais, chère Suzanne, je me contrefous des techniques modernes ! Tout ce que je demande à un médecin c'est de m'inspirer confiance et de ne pas trop m'agacer.
SupprimerMoi itou! Je suis tombée récemment sur une remplaçante de la généraliste qui a commencé à me sermonner parce que je fume. Je lui ai signifié clairement de s'occuper de ses oignons. Elle a piqué une crise (C'EST MON BOULOT, ÇA, MADAME!). Ne tenant pas à m'attarder dans cet antre hygiéniste, j'ai coupé court mais elle a trouvé moyen de m'asséner une dernière phrase; elle jubilait d'avoir eu le dernier mot et je me suis retenue à quatre pour ne pas lui dire "comme mon chien".
SupprimerOrage a raison, c'est le problème avec les nouveaux médecins : ils se croient obligés de vous "prendre en main" ! Les miens savent bien que ce n'est pas la peine de me faire la morale, ni de me renseigner sur les méfaits de l'alcool et du tabac. À la place, on parle de littérature…
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RépondreSupprimerPour être en bonne santé, rappelons ce précieux conseil de Winston Churchill :
RépondreSupprimer--No sport !
(Mais il faut fumer).
Ça devrait donc aller !
SupprimerCela révèle chez votre futur ex-médecin un égoïsme en parfaite contradiction avec le serment d'Hypocrate, croyez moi laissez le à son triste sort, il finira bourrelé de remords une existence qui aurait pu le conduire au Paradis...
RépondreSupprimerCroyez moi, choisissez en un jeune, j'irais presque jusqu'à dire "une" mais je doute que ce soit une bonne idée.
Quand je dis jeune, je veux dire un qui soit susceptible de nous enterrer sans toutefois trop activer la manœuvre.
Amitiés.
Il est probable que la damnation l'attend, comme vous le dites.
SupprimerLa longévité du médecin n'est pas toujours très grande. Certains jeunes sont peu résistants. Et puis les jeunes répugnent à s'installer à la campagne...
Pour la médecine, la campagne, c'est pas le bon plan. Avec un peu de chance, vous aurez droit à une Roumaine diplômée de Bucarest, embauchée par la municipalité pour freiner la perte de lien social et humain de la commune. Encore un peu de chance et elle parlera un peu français.
RépondreSupprimerAvec moins de chance, la mairie embauchera un Burkinabé, fraîchement lauréat de la faculté de Bobo-Dioulasso, qui forme d'excellents praticiens. Ca tombe bien, ils sont de plus en plus nécessaires pour pratiquer dans les règles les excisions désormais nécessaires en grand nombre dans la jeunesse féminine de feu notre pays. Evidemment, ce détail est sans importance pour votre suivi hépatique et vos conversations.
Bon courage !