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lundi 4 novembre 2013

Du nez rouge et de ses dangers



Je suis de ceux qui ont délibérément fait le choix de rejoindre le Parti d’en rire. Ne serait-ce que parce que pousser de grands cris d’indignation, de rage ou de douleur n’a jamais servi à grand-chose et que faire semblant de s’en foutre et de prendre les choses à la rigolade me paraît plus digne. Ainsi lorsque suite à un accident de la route je suis arrivé sur une civière à l’hôpital de Brive, n’ai-je rien trouvé de mieux, entre deux halètement causés par la douleur,  alors que l’infirmière m’annonçait  que j’allais passer à la radio, de lui déclarer : « La célébrité, enfin ! ». Cela m’a amené à des malentendus, certains interlocuteurs prenant mes antiphrases ironiques pour  des opinions sincères. Voilà le risque que l’on prend à vouloir faire le malin.

Il m’est arrivé hier une mésaventure qui ne peut s’expliquer que par l’horizon d’attente que crée un comportement habituel. De quelqu’un qui porte ordinairement nez rouge, vêtements  multicolores, perruque orange et chapeau ridicule, on attend des propos de clown. C’est pourquoi, quand sur les conseils de Corto je suis allé voir la dernière vidéo d’Archischmok, j’ai fait un sacré contresens. Il faut dire que depuis pas mal de temps je suis un fan d’Archi. Ses vidéos m’amusent. Jusque récemment, elles commençaient par un « Ave ! » suivi d’un bras d’honneur et se terminaient par un «Ouh, j’vais  te dire mon p’tit gars ! » prononcé en venant se mettre le nez contre la caméra. Entre les deux, un discours bien déjanté, bien réac, plein de trouvailles comme je les aime. Il a récemment supprimé l’Ave introductif.

La vidéo en question s’appelait « Claude Verlon ». Le nom ne m’a rien dit. Ma mémoire en ce domaine comme en bien d’autre est mauvaise. Archi apparut l’air défait. Chapeau l’artiste, c’était du crédible ! Il se mit à parler de Claude Verlon. Je réalisai bien vite qu’il s’agissait du technicien tué au Mali.  Il se disait ravagé par sa mort, il en disait du bien. Et moi, j’attendais le gag : qu’est-ce qu’il va bien pouvoir trouver comme galipette pour faire éclater mon rire, ce con ? Le discours avançant, mon attente alla croissante. Sacré Archi ! Il sait ménager ses effets, le bougre !  La fin de la vidéo approchant, je finis par avoir des doutes. Il évoquait une amitié de quarante-six ans, parlait d’un presque frère…  et la fin arriva, sans le moindre  changement de ton. J’en fus comme deux ronds de flan. J’attendais une grosse connerie et il s’agissait en fait de l’expression de la douleur sincère d’un gars qui vient de perdre un vieux copain, son meilleur ami, peut-être...

Dire que j’ai eu honte de moi, que l’envie m’a pris d’aller me cacher dans un trou de souris serait faux. J’ai juste réalisé à quel point on peut enfermer les autres dans une vision de soi qui empêche d’attendre du rigolo autre chose que le rire. On a du mal à croire que l’hypocondriaque puisse être atteint d’un mal fatal, que les personnes austères aient des moments de joie. Et on fait des erreurs…

Je ne présenterai pas mes condoléances à Archi (comment porterais-je le deuil de quelqu’un que je ne connais pas ?), je voudrais simplement lui dire mon souhait que cette douleur s’estompe bien vite, qu’il  garde sans tristesse le souvenir de cette amitié et que le deuil passé il revienne nous faire rire.

10 commentaires:

  1. Je n'aurai pas mieux dit car c'est exactement ce qui m est arrivé en regardant sa vidéo . Surpris et ému par Archi, j ai pas su quoi dire ou écrire. tu l as fait pour moi. Merci

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    1. De rien Corto. Je pense que nous n'avons pas été les seuls à commettre cette erreur d'appréciation.

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  2. Je ne dirais rien sur une vidéo que je n'ai pas vu. En revanche votre bon mot à l'hôpital de Brive me rappelle cette anecdote à propos de Ronald Reagan.
    Lorsqu'il entra au bloc opératoire avec une balle dans la poitrine après avoir été victime d'une tentative d'assassinat, en mars 1981, il aurait demandé à l'équipe de chirurgiens : "j'espère que vous êtes tous Républicains ici?"
    Vous voyez, vous êtes en bonne compagnie.

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    1. Je crois que c'est dans certaines situations que l'on voit si les gens ont vraiment un peu d'humour...

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  3. Moi aussi, je ne dis rien sur cette "video" que je n'ai pas vue car hier, j'ai regardé "Vautrin", film de Pierre Billon, 1942 -- je pense que cela n'a aucun rapport.

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    1. Sans avoir vu "Vautrin", je pense que vous avez raison...

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  4. Le vieux débat "message et messager" !

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    1. En effet. par exemple, si M. Hollande se mettait à parler en président de la république, il ne serait pas crédible...

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  5. Il faut reconnaître qu'on pouvait aisément s'y tromper. Et puis ça rappelle
    Brassens "en rigolant pour faire semblant de ne pas pleurer".
    Mais des fois on peut pas...
    Amitiés.

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  6. J'ai pensé à propos de ce malentendu à la chanson "Les Quat'zarts" de Brassens également (http://www.youtube.com/watch?v=JUQdczfrJ94).

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