Je suis de ceux qui ont délibérément fait le choix de rejoindre
le Parti d’en rire. Ne serait-ce que parce que pousser de grands cris d’indignation,
de rage ou de douleur n’a jamais servi à grand-chose et que faire semblant de s’en
foutre et de prendre les choses à la rigolade me paraît plus digne. Ainsi
lorsque suite à un accident de la route je suis arrivé sur une civière à l’hôpital
de Brive, n’ai-je rien trouvé de mieux, entre deux halètement causés par la
douleur, alors que l’infirmière m’annonçait que j’allais passer à la radio, de lui déclarer :
« La célébrité, enfin ! ». Cela m’a amené à des malentendus,
certains interlocuteurs prenant mes antiphrases ironiques pour des opinions sincères. Voilà le risque que l’on
prend à vouloir faire le malin.
Il m’est arrivé hier une mésaventure qui ne peut s’expliquer
que par l’horizon d’attente que crée un comportement habituel. De quelqu’un qui
porte ordinairement nez rouge, vêtements multicolores, perruque orange et chapeau
ridicule, on attend des propos de clown. C’est pourquoi, quand sur les conseils
de Corto je suis allé voir la dernière vidéo d’Archischmok, j’ai fait un sacré
contresens. Il faut dire que depuis pas mal de temps je suis un fan d’Archi.
Ses vidéos m’amusent. Jusque récemment, elles commençaient par un « Ave ! »
suivi d’un bras d’honneur et se terminaient par un «Ouh, j’vais te dire mon p’tit gars ! » prononcé
en venant se mettre le nez contre la caméra. Entre les deux, un discours bien
déjanté, bien réac, plein de trouvailles comme je les aime. Il a récemment
supprimé l’Ave introductif.
La vidéo en question s’appelait « Claude Verlon ».
Le nom ne m’a rien dit. Ma mémoire en ce domaine comme en bien d’autre est mauvaise.
Archi apparut l’air défait. Chapeau l’artiste, c’était du crédible ! Il se
mit à parler de Claude Verlon. Je réalisai bien vite qu’il s’agissait du
technicien tué au Mali. Il se disait
ravagé par sa mort, il en disait du bien. Et moi, j’attendais le gag : qu’est-ce
qu’il va bien pouvoir trouver comme galipette pour faire éclater mon rire, ce
con ? Le discours avançant, mon attente alla croissante. Sacré Archi !
Il sait ménager ses effets, le bougre !
La fin de la vidéo approchant, je finis par avoir des doutes. Il
évoquait une amitié de quarante-six ans, parlait d’un presque frère… et la fin arriva, sans le moindre changement de ton. J’en fus comme deux ronds
de flan. J’attendais une grosse connerie et il s’agissait en fait de l’expression
de la douleur sincère d’un gars qui vient de perdre un vieux copain, son
meilleur ami, peut-être...
Dire que j’ai eu honte de moi, que l’envie m’a pris d’aller
me cacher dans un trou de souris serait faux. J’ai juste réalisé à quel point
on peut enfermer les autres dans une vision de soi qui empêche d’attendre du
rigolo autre chose que le rire. On a du mal à croire que l’hypocondriaque
puisse être atteint d’un mal fatal, que les personnes austères aient des
moments de joie. Et on fait des erreurs…
Je ne présenterai pas mes condoléances à Archi (comment
porterais-je le deuil de quelqu’un que je ne connais pas ?), je voudrais
simplement lui dire mon souhait que cette douleur s’estompe bien vite, qu’il garde sans tristesse le souvenir de cette amitié
et que le deuil passé il revienne nous faire rire.
Je n'aurai pas mieux dit car c'est exactement ce qui m est arrivé en regardant sa vidéo . Surpris et ému par Archi, j ai pas su quoi dire ou écrire. tu l as fait pour moi. Merci
RépondreSupprimerDe rien Corto. Je pense que nous n'avons pas été les seuls à commettre cette erreur d'appréciation.
SupprimerJe ne dirais rien sur une vidéo que je n'ai pas vu. En revanche votre bon mot à l'hôpital de Brive me rappelle cette anecdote à propos de Ronald Reagan.
RépondreSupprimerLorsqu'il entra au bloc opératoire avec une balle dans la poitrine après avoir été victime d'une tentative d'assassinat, en mars 1981, il aurait demandé à l'équipe de chirurgiens : "j'espère que vous êtes tous Républicains ici?"
Vous voyez, vous êtes en bonne compagnie.
Je crois que c'est dans certaines situations que l'on voit si les gens ont vraiment un peu d'humour...
SupprimerMoi aussi, je ne dis rien sur cette "video" que je n'ai pas vue car hier, j'ai regardé "Vautrin", film de Pierre Billon, 1942 -- je pense que cela n'a aucun rapport.
RépondreSupprimerSans avoir vu "Vautrin", je pense que vous avez raison...
SupprimerLe vieux débat "message et messager" !
RépondreSupprimerEn effet. par exemple, si M. Hollande se mettait à parler en président de la république, il ne serait pas crédible...
SupprimerIl faut reconnaître qu'on pouvait aisément s'y tromper. Et puis ça rappelle
RépondreSupprimerBrassens "en rigolant pour faire semblant de ne pas pleurer".
Mais des fois on peut pas...
Amitiés.
J'ai pensé à propos de ce malentendu à la chanson "Les Quat'zarts" de Brassens également (http://www.youtube.com/watch?v=JUQdczfrJ94).
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