Il y a quelques jours, un commentateur anonyme me rappela d’anciennes
rencontres Dunoises. Cela me plongea dans
un abîme de conjectures dont je sortis bien vite, l’anonyme m’ayant recontacté pour
m’éclairer sur son identité. Il s’agissait d’un ancien élève, du temps où j’étais
professeur-documentaliste. Nous parlions à l’époque de Terry Pratchett un auteur
anglais dont j’avais traduit un roman et qu’il lisait en français. Il m’indiqua
m’avoir envoyé un message sur Facebook. Je ne l’avais pas vu passer. Il m’apprit
qu’il existait dans les messages une
rubrique « autre » et j’y trouvai son message qui me permit de
comprendre que, lecteur d’Elisabeth Lévy et de Philippe Muray, il puisse
apprécier mes bavardages.
Dans cette rubrique « autre » j’eus la surprise de
trouver une vingtaine d’autres messages.
Offre de fortune héritée, âme solitaire séduite par mon profil, courriers de
groupes auxquels je ne me souviens même pas d’avoir appartenu, et aussi un
message signé d’un nom qui me disait vaguement quelque chose. Je le lus. Il
émanait d’un ancien élève de l’institution pour jeunes en grande difficulté où
j’avais enseigné le français 9 ans durant. Mes souvenirs, douze ou quinze ans
plus tard, étaient bien vagues… Je
répondis pourtant, disant que j’étais bien celui qu’il me soupçonnait d’être. S’ensuivirent des échanges où j’appris que ce
garçon était maintenant marié, père de trois enfants et à la tête de deux
magasins de motoculture. Ça fait toujours plaisir de voir un « petit gars » réussir. Et puis des souvenirs me
revinrent de rédactions loufoques dont la lecture, malgré des imperfections de
forme, déclenchait parfois mon hilarité. Ce matin, je trouvai dans ma BAL, un
mail de ce garçon. Il m’avoua avoir gardé un très bon souvenir de moi, de ma
passion, de ma culture. Un des deux profs qui avaient marqué sa scolarité !
Rien que ça !
J’avoue que ce témoignage fait sourdre en moi des sentiments
mitigés. Mérite-t-on jamais de tels compliments ? Je n’ai jamais été de
ces profs proches de l’élève, copinant avec eux. Je gardais une distance certaine,
pensant que mon rôle était, si possible, d’instruire pas d’être aimé. Malgré
mon caractère parfois rugueux, et un autoritarisme
certain, quelques rares élèves parvenaient quand même à m’apprécier. Comme
quoi, hein…
J’ai toujours pensé que les enseignants ne jouaient pas un
rôle décisif dans l’évolution des élèves qu’on leur confie. Dans de rares cas, certains marquent un peu,
en bien ou en mal, quelques-uns d’entre eux. C’est tout. Tel marquera celui-ci
en bien et cet autre en mal. Tel autre ne marquera personne. On n’est pas le
Louis d’or, on ne peut pas plaire à tout le monde…
Pourtant la mode est au prof consensuel, populaire si
possible. S’il offre des bonbons aux ‘tits n’enfants, on lui pardonnera de ne
pas enseigner grand-chose. L’important étant que les ‘tits n’enfants soient
contents, à l’aise dans leur baskets. Les pousser à se dépasser, se montrer
exigeant, est parfois mal perçu. Je me
souviens de ce jeune congolais, dans la même institution qui me demandait
pourquoi je ne lui mettais pas de
meilleures notes. Je lui expliquai qu’il allait passer au lycée, qu’on y exigerait
davantage de lui, que le surnoter
maintenant risquerait d’entraîner désillusions et démotivations futures.
Quelques années plus tard, alors qu’il était en licence de philosophie, on me
dit qu’il me cherchait pour me remercier à la fête de l’école. Je n’allais
jamais à cette fête.
Alors, bon, mauvais prof ? Je n’en sais rien. Bon pour certains, mauvais pour d’autres.
Comme dans la vie, quoi…
Moi élève, il s'agit des coups de règle sur le bout des doigts qui m'ont marqué mais il est vrai que je ne fus jamais un bon élève enfin pas aussi bon que mes parents l' auraient désiré.
RépondreSupprimerPourtant une fois mais une seule après je n' ai plus recommencer, j' ai obtenu le 10 éme prix, un petit livre, pourquoi? Je ne sais pas peut être que l' Ecole en avait trop commandé.
Sinon aucun instituteur ni professeur n'ont influencé cursus scolaire , je n' avais de mauvais enseignants, j' étais simplement un parmi tant d'autres dans le ventre mou de l' Education nationale.
J' ai de plus mal fini, je suis fonctionnaire.
Bonne journée
Mauvais élève ? Fonctionnaire ? N'avez-vous pas honte ?
SupprimerPourquoi, je devrais! Pourtant je suis devenu un homme de lettre.
SupprimerA vous lire, je m'aperçois tout à coup, que bon ou mauvais, je n'ai jamais eu de vrai prof.
RépondreSupprimerEt je peux vous dire que ça vient de me ficher un coup !
Pourriez-vous développer ce que vous entendez par "vrai prof" ?
SupprimerTiens, vous avez traduit un roman de Pratchett ? Lequel était-ce ?
RépondreSupprimer"Reaper man" qui est paru chez Atalante sous le titre "Le Faucheur" mais traduit par un autre. Je l'avais traduit en 1992 ou 1993 quand j'étais en Angleterre. Revenu en France, j'ai proposé mes services à Atalante, mais ils venaient de changer de traducteur et tenaient à une cohérence dans la traduction.
SupprimerJ'ai également raté le coche avec Robert Rankin. Quand j'eus fini de traduire "Snuff Fiction", toujours non publié en français, j'ai vu que les éditions Bragelonne venaient de commencer à publier les romans de RR. Je les ai tout de même contactés mais le traducteur étant un des éditeurs, ce fut en vain. Ayant commencé de traduire "Raiders of the Lost Car Park" (les Aventuriers du parking perdu) j'ai pu comparer ma version avec celle parue. Ce n'était pas si mal quoiqu'on puisse y noter quelques erreurs grossières plutôt étonnantes.
N'importe comment, les dossiers numériques contenant mes traductions ont disparu : "Le grand faucheur" pour cause de disquettes fautives et "Les aventuriers" avec l'ordinateur que mon voisin ne m'a jamais rendu alors qu'il m'avait dit savoir le réparer. N'en restent que des copies papier.
Certaines brillantes carrières meurent dans l’œuf !
De lieu de transmission des savoirs, l'école est devenu lieu de vie...Tout "naturellement" ce que l'on attend du prof a changé. Ceci explique la dramatique dégradation du niveau.
RépondreSupprimerPour ma part ce que j'ai demandé aux enseignants de mes enfants reste ce qu'on attendait d'eux avant cette funeste évolution dont les parents sont autant responsables que les maitres. Je leur demandais d'instruire mes enfants et non de les éduquer ou de les "câliner", ça je m'en charge !!!
Vous imaginez bien qu'avec mes critères datant d'un autre siècle, j'en ai trouvé assez peu de vraiment bons...
Il me semble que votre pratique aurait trouvé grâce à mes yeux !!!
Bonne journée
On voit sur le sondage ci-dessus que les parents attendent qu'un enseignant "cocoone" plus qu'il n'enseigne. Les élèves se montre un chouïa plus exigeants, mais sans excès.
SupprimerOui, ce sondage est l'une des raisons pour lesquelles toute réforme d'ensemble de l'éducation nationale dans le sens d'une exigence accrue me semble vouée à l'échec : il y a trop peu de demandeurs.
SupprimerLe seul remède serait davantage de liberté qui permettrait de faire émerger quelques établissements où se regrouperaient ceux qui ne voudraient pas être "cocoonés".
Mais on est en France, hein? alors la liberté...
D'après ce que je viens de lire, un "vrai prof" parle à ses élèves : "nous parlions de Terry Pratchett". "S'ensuivirent des échanges", je n'ai jamais eu le moindre échange avec un prof quel qu'il soit.
RépondreSupprimer"Il m'avoua avoir gardé un très bon souvenir de moi, de ma passion, de ma culture. Un des deux profs qui avaient marqué sa scolarité." Je n'ai gardé ni bon, ni mauvais souvenir d'aucun, car aucun n'avait ni passion, ni culture, ni n'a marqué ma scolarité en aucune manière.
Pourtant je me souviens du nom de tous ou plutôt de toutes, puisque c'étaient des religieuses assez bornées originaires de familles paysannes de l'Aveyron, pour la plupart.
Leur ordre avait son origine à Estaing, dont à l'époque elles possédaient même le château, que paraît-il l'ex- président s'était rendu acquéreur, sans doute à cause du nom.
Leur pensionnat était sis à Nice où il existe toujours, peut-être sous une autre forme et avec moins de personnel religieux.
Je dis ça mais au fond je n'en sais rien.
Je comprends mieux...
SupprimerBon, admettons que ces profs aient un peu manqué de charisme; ils ne vous en ont pas moins légué un bon niveau de syntaxe, de morphologie et de vocabulaire. Ce n'est pas si mal, non ?
SupprimerVous avez parfaitement raison. Elles ont fait de moi une personne dont la langue est le français. Je leur en serai éternellement reconnaissante, compte tenu du fait que le français était ma troisième langue.
SupprimerDe plus elles ont développé chez moi une sorte de besoin de transgression, qui m'a amené à m'intéresser à toutes sortes de lectures interdites qui prenaient le contre-pied des niaiseries qu'elles nous mettaient dans les mains.
En revanche, pour ce qui est des classiques elles étaient sans rivales.
Et même en anglais, elles ne craignaient pas de nous faire traduire "Paradise lost" ou Chaucer.
Je pense qu'en matière d'instruction, seul le résultat compte. Mais, aujourd'hui, l'école se propose d'éduquer...
Supprimer"dont paraît-il l'ex-président..."
RépondreSupprimerOh-oh, vous êtes donc sur fesse-bouc?
RépondreSupprimerVous n'êtes peut-être pas si arriéré que vous en avez l'air^^.
Et sinon je suis d'accord avec vous sur le fait qu'un prof ne doit surtout pas chercher à être aimé.
Ce qui ne veut pas dire qu'il doit chercher à être détesté, bien sûr.
L’arriération est chez moi une caractéristique secondaire.
SupprimerIl est difficile de se faire détester par tout le monde ! Regardez Hollande !
Moi, l'ancien glandeur-bon élève (de ceux que les profs n'aimaient trop, souvent sanctionnés d'un "peut mieux faire"), j'avais en horreur les profs qu'on tutoyait, les cools, les potes.
RépondreSupprimerMes préférés ? Les autoritaires un peu bourrus non dénués d'humour à froid.
Les potes, je les préférais de mon âge.
Comme je vous comprends !
SupprimerJ'ai moi-même passé beaucoup de temps à pouvoir mieux faire jusqu'au jour, bien plus tard, où je me suis mis à faire mieux. Je raconterai peut-être un jour...
Ca a l'air assez positif, comme bilan, les élèves n'oublient jamais les bons profs. Les mauvais, oui,
RépondreSupprimerfussent ils bassement démagogues.