Hier soir, j'ai pris plaisir à suivre, chez un pélicanidé avide de plaisir, un débat entre partisans de plus ou moins d'état dans les domaines de la santé et de l'éducation. Les participants étaient de qualité et les échanges très généralement courtois. D'un côté on prônait la suppression pure et simple du "service" public, de l'autre on expliquait l'impossibilité d'un tel bouleversement. Personnellement, j'aurais tendance à être d'accord avec les deux camps : d'une part le système étatique nous mène dans le mur et devrait donc être supprimé et d'autre part sa suppression est impossible.
Porte nawak, vous exclamerez vous (si vous ête djeun') ! Votre goût du paradoxe, vous perdra, me diront d'autres. Je vais pourtant tenter de m'expliquer. Et pour ce faire je prendrai une double métaphore : celle du youpala et des stabilisateurs.
Le youpala (ou trotteur), pour ceux qui l'ignoreraient, est un appareil composé d'un cadre à roulettes et d'un dispositif destiné à soutenir le corps et les jambes d'un jeune enfant dans l'apprentissage de la marche.Les stabilisateurs de vélo se compose de deux petites roulettes que l'on fixe à la roue arrière d'un vélo d'enfant afin d'éviter les chutes en attendant que l'enfant ait dominé l'équilibre nécessaire à la circulation sur deux roues.
Je ne suis pas certain que ni l'un ni l'autre ne soient nécessaires, ni même utiles à l'apprentissage qui de la marche qui du vélo. Ce sont des prothèses qui donnent l'illusion aux parents et/ou à l'enfant qu''il domine ces deux activités alors qu'il n'en est rien. Dès que l'enfant sait marcher, adieu le youpala, dès qu''il sait rouler, on démonte les roulettes. Beaucoup n'utilisent même jamais ces prothèses.
Cela dit, imaginons que plutôt que d'apprendre à rouler à vélo et à marcher on décide que ces appareils sont indispensable et que les enfants, les enfants de ces enfants et leurs descendants prennent l'habitude de ne se déplacer qu'à leur aide. Imaginons que grosso-modo cet usage se soit établi depuis plus de 6 décennies. Imaginons encore que des réformateurs audacieux décident du jour au lendemain la suppression du youpala et des stabilisateurs. Que se passerait-il ? Les gens se révolteraient. Et à juste raison. Non préparés, le sens de l'équilibre atrophié, ils se casseraient la gueule en masse, forcément. Et plus on est âgé, plus se vautrer fait peur et mal.
Si on tentait de supprimer brutalement aux français le youpala de la sécu et les stabilisateurs de l’Éducation nationale, plus rien n'irait. Aussi sont-ils prêts à dépenser jusqu'à leur dernier sou pour les garder. On les comprend. Il est impossible de réformer en profondeur sans l'assentiment de la population. Sans qu'une pédagogie précède l'action.
Or à quoi assistons-nous ? Il existe un consensus quasi-général sur le système youpala-stabilisateur. A droite, on dit qu'on le sauvera en réduisant d'un poil la taille des roues, à gauche on prétend (hypocritement) qu'on peut sans problèmes les équiper de roues de plus grand diamètre en allant chercher l'argent "là oùsqu'elle est". Et bien sûr ça ne marche pas. Youpala et stabilisateurs continuent leur brimbalant chemin avec de plus en plus de jeu dans les rouges.
La solution ? Elle viendra d'elle même. C'est comme quand on a une bagnole pourrie : on trouve qu'elle rend quand même service, on se ruine en réparations diverses, on 'a pas les moyens de s'en payer une autre, et puis un jour elle vous lâche en rase campagne, le garagiste dit qu'elle est morte de chez morte, vous annonce un montant de réparations tel qu'avec ça on pourrait acquérir un véhicule décent. Alors,tout compte fait, on la laisse à la casse, et on s'en paye une autre. Ou on se met à la marche à pied, au vélo ou aux transports en commun...