Comme tout bon Français, la mort de M. Mandela m’a complètement
chamboulé. Le visage raviné de larmes, j’erre sans but de maison en jardin.
Parfois la rage l’emporte sur la peine et, tendant le poing au ciel, je m’écrie :
« Pourquoi, mon Dieu, pourquoi nous
l’avoir enlevé ? » La fermière,
ramenant ses vaches du pré ne les traite plus de « Putains de carnes ! » qu’entre deux sanglots et, quand
elles s’aventurent à boulotter ma haie, c’est d’un coup de bâton bien mou qu’elle
les rappelle à plus de tenue.
Je n’ai plus goût à rien et plus rien n’a de goût. Noyés de
mes larmes, mes whiskies vespéraux ont perdu tout arôme. Alors, écrire des
billets…
Je me ferai plus rare car je vais tenter d’oublier ma peine
en me noyant dans le travail. Dès lundi, j’achèterai des matériaux pour isoler thermiquement ma cabane
rénovée que je nommerai désormais Madiba House.
Madame Taubira a su bien mieux que je ne saurais mettre des
mots sur notre peine. Je lui laisserai donc la parole : « Ses cheveux en grains de poivre. Ses
mains à la peau glabre et satinée, tendue, aux doigts replets. Ses poings
fermés et pourtant doux comme deux amphores d'huile sacrée moulées de terre
glaise pétrie et polie. La terre de Qunu. »
« Je pleure, je
ris, je frémis, je scande en écoutant Amandla! Miles Davis cherche, poursuit,
aspire de sa trompette le saxophone de Kenny Garrett, Marcus Miller flatte
vigoureusement sa basse, Joe Sample extorque à son piano des notes sans
vacillation, et Bashiri Johnson percute, percute. »
Ces courts extraits d’un texte
magistral montrent si nécessaire à quel point la douleur confond l’esprit mais
aussi arrache au cœur nobles de poétiques lamentos repoussant les frontières de
l’excellence Lyrique. Reste à espérer que Miles n’aura pas, emporté par sa
fougue, avalé le saxo de Kenny et que la terre de Qunu gardera à jamais sa douceur.
Là-dessus, je m’éloigne du clavier, de peur que les larmes
dont je l’arrose ne provoquent sa ruine.
A bientôt peut-être, mes frères et sœurs en affliction.
je compatis à votre douleur, cher Jacques, perdre dans la même journée un phare de l humanité et deux amphores d'huile sacrée, y a de quoi être tout chamboulé.
RépondreSupprimerCette histoire d'"amphores d'huile sacrée" me tarabuste un peu. Comme ce Miles dont la trompette avale un saxo. Je me demande si le fournisseur en hallucinogène du ministère de la justice ne tendrait pas à couper sa marchandise de trucs un peu suspects.
SupprimerAfin de conserver la douceur de Qunu, puis-je suggérer une crème corps veloutée figue de Barbarie.
RépondreSupprimerHeureux de vous voir de retour ! Et merci de cette suggestion qui me paraît raisonnable.
SupprimerVous avez raison, vivre va devenir très dur, à présent qu'IL n'est plus avec nous…
RépondreSupprimerLugan lui fait une belle oraison.
SupprimerDéjà que quand IL était là ce n'était pas facile... J'ai un temps envisagé le suicide mais j'ai su calmer in extremis mon impatience de le retrouver.
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RépondreSupprimerHi hi hi !!!
Ceci dit vous devriez boire moins de Whisky : vous finirez par avoir un sang de Bourbon.
Du Bourbon, non juste du scotch et avec une modération qui rend possible la montée de l'escalier...
SupprimerMontée qui comme le disait Clemenceau est le meilleur moment en amour.
Supprimerqui rend possible la montée de l'escalier...
SupprimerVous habitez un immeuble à la campagne ?
Un sang de Bourbon... koltchak aurait compris lui.
Pour le sang de Bourbon, j'avais compris...
SupprimerPor ce qui est de l'escalier, figurez-vous que ma maison dispose d'un étage et qu'un escalier en rend l'accès bien plus aisé.
D'où l'expression pleurer des rivières, peut être que grâce à la mort du saint homme, vos arbres retrouveront une chevelure de jeune homme,
RépondreSupprimerPar contre , je n'ai pas pleuré allez savoir suis je devenu insensible mais je n'ai jamais aimé les icônes et pourtant je suis un amateur de l'art religieux.
Peut-être ne vous reste-t-il plus de larmes ? Après la perte de Hessel, ce serait compréhensible...
SupprimerLe seul Heysel, est celui survenu le 29 mai 1985 à Bruxelles en Belgique et là aussi je n' ai pas pleuré quant à la personne que vous évoquez, je ne la connais pas.
SupprimerCourage, mes frères en affliction, il nous reste Christiane Taubira. Elle aussi a la peau glabre et qui semble satinée (la transpiration peut-être?) ainsi que les doigts replets. Elle sera notre nouvelle amphore d'huile sacrée pour pétrir nos Qunu.
RépondreSupprimerEnfin, je veux dire... je ne sais plus... pardonnez-moi, la douleur m'égare.
Eh oui, c'est bien compréhensible, cher Aristide. La douleur peut entraîner l'égarement. Heureusement, Mme Taubira est là pour nous montrer qu'elle peut aussi être source d'une inspiration lyrique parfaitement contrôlée.
SupprimerMagnifique énumération de grands jazzmen. Manque quand même Cab Calloway, l'inventeur du scat. Il aurait pu nous ravir d'un magnifique et sonore : "Madiba doubidoubidouwapdouwap".
RépondreSupprimerÇ'aurait été plus intelligent que ce qu'on entend à présent...
SupprimerC'est ça, rigolez, rigolez.
RépondreSupprimerDemain, au 3ème jour, vous rigolerez moins quand IL aura ressuscité. Car IL s'est sacrifié -à 95 ans quand même- pour racheter nos affreuses pensées de racistes nauséabonds.
Un journaliste anglais (dans un quotidien conservateur) l'a comparé à Jésus. Premier degré, je précise.
RépondreSupprimerMaintenant, nommer Madiba House une cabane à outils, je pense que ça vous vaudra une convocation à la gendarmerie. Pourquoi ne pas lui dédier les chiottes au fond du jardin, aussi ?
RépondreSupprimerJe sens l'incident bananier à mille lieues.
@Noix Vomique : J'attends mais ne vois rien venir...
RépondreSupprimer@ Robert : "Pourquoi ne pas lui dédier les chiottes au fond du jardin, aussi ?" Eh bien, cher Robert parce que de chiottes au fond du jardin, il n'y a pas. En revanche, il en existe deux DANS la maison. Le mode de vie des riches surprend toujours...
Allez, mon cher Jacques, séchez vos larmes et remettez-vous, enfin. Vous me faites de la peine à trainer ce titre de billet sur les différentes blogolistes que je consulte...
RépondreSupprimerLes sécher ? Impossible, je ne puis que les éponger ! Mais j'ai pris sur moi et ce titre désespérant a cédé la place à une interrogation.
SupprimerIl vont nous gaver encore une semaine, ça me déprime...
RépondreSupprimerJe sombre encore plus lorsque j'imagine le cirque que la mort du dalaï-lama lama provoquera.
Quand Jacques Chirac mourra, on nous enquiquinera deux ou trois jours, normalement pas plus, et cela sera quand même plus justifié.
@ Al West, la folie médiatique qu'a déclenché la mort de ce vieil homme est proprement insupportable, à 95 ans, il est normal qu'il meure, qu'il y ait un hommage c'est normal mais c'est monstrueux de démesure.
Et le plus mignon sera Hollande et Sarko côte à côte séchant leurs larmes^^^^
Avec le Dalaï Lama, je pense qu'on s'en tirera mieux. Après tout, le Tibet est le cadet de nos soucis (ou des soucis qu'on aimerait nous voir avoir) tandis que la lutte contre le racisme est le premier.
SupprimerEn effet, c'est indicible...tenez moi, j'ai failli en faire pipi dans ma culotte, de chagrin!
RépondreSupprimerEh oui... Certaines douleurs ont des conséquences inattendues...
SupprimerQuand je me rendais aux chiottes et qu'on me demandait où j'allais, j'avais pour habitude de répondre que j'allais libérer Mandela. Falloir que je trouve un autre truc.
RépondreSupprimerAh, c'est fin. Sans compter qu'il était libéré depuis belle lurette.
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