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mercredi 18 décembre 2013

Banques, ministères, etc. (3)



Un autre banquier, travaillant pour une banque américaine cette fois, me fit acquérir une notion assez exacte de ce que pouvait recouvrir le terme « burnout ». C’était un homme très sympathique, charmant et plein d’enthousiasme. Le formateur qui m’avait précédé lui avait fait, à travers la lecture de La Femme du boulanger, découvrir le talent de Pagnol.  Il me suggéra donc que nos cours fussent basés sur la poursuite de cette lecture. Je n’y vis pas plus d’inconvénient que si ses préférences l’avaient poussé vers l’étude de l’annuaire téléphonique de la Haute-Loire (édition de1963) : keep the customer satisfied est une de mes maximes.

Seulement, de menus problèmes venaient perturber notre progression à travers les heurs et malheurs du cocu provençal. D’une part, d’incessants appels téléphoniques venaient le troubler et, en cas d’accalmie, il avait une fâcheuse tendance à bailler puis à s’endormir. Je le voyais lutter désespérément contre l’alourdissement de ses  paupières et craignais de devoir le quitter dans les bras de Morphée, le front posé sur le livre du bon Marcel. Une telle mésaventure n’aurait pas plaidé en faveur du côté stimulant de ma pédagogie…

Nos cours ayant lieu en soirée, il me demanda de les transférer au matin. J’accédai à sa demande. Cela ne changea rien car s’il tombait de sommeil le soir, le matin il n’était pas réveillé. Il me raconta quelques mésaventures que lui occasionnait sa  grande fatigue. Entre autres étourderies, il lui arriva un beau matin de remplir le réservoir de sa Porsche de gazole, avec les regrettables conséquences que l’on devine.  Ce qui me turlupinait quand même un peu, bien que cela ne me concernât pas vraiment, c’était que cet homme qui semblait traverser ses journées dans un état semi-comateux, était quand même en charge, si j’en croyais la teneur des appels que je l’entendais recevoir, de gérer des millions de Livres. Espérons que ce faisant, il se montrait moins distrait qu’à la station service…

Un jour, il se déclara trop occupé et fatigué pour poursuivre les cours. Quand il aurait récupéré la forme, il me recontacterait avec plaisir. Je n’en entendis plus jamais parler…

Cadre d’une banque japonaise, M. Y  m’apprit beaucoup sur la civilisation nippone. Outre de précieuses informations sur les mœurs et coutumes, bizarres à mes yeux d’occidental, du peuple japonais, sa fréquentation me laissa trois souvenirs marquants.

Le premier fut la visite d’un ponte de Tokyo à la branche londonienne de la banque. Ce jour-là, Y m’attendit au rez-de-chaussée et m’invita à monter à son étage par l’escalier m’expliquant qu’au cas où l’importantissime personnage eût désiré quitter la banque, il eût été inconvenant de le retarder en occupant l’ascenseur. D’ailleurs, personne n’eut l’outrecuidance de se servir de cet équipement  jusqu’au départ du Tokyoïte.

J’assistai à ce départ, scène mémorable. Toute l’équipe dirigeante le raccompagna jusqu’à l’ascenseur dans lequel il monta seul. Dans un silence total, je vis les divers responsables faire moult et moult courbettes devant la porte fermée de l’appareil et les courbettes continuèrent bien après que le personnage ait disparu. Je pense que le grand homme était déjà installé dans sa limousine quand cessèrent les révérences. On dira ce qu’on voudra, mais les japonais ont un sens et un respect de la hiérarchie que nous sommes loin d’égaler.

Le second souvenir fut le départ pour le Japon du directeur de la branche. Ce fut l’occasion de grandes libations auxquelles participa activement mon disciple. Lesquelles se poursuivirent pendant une bonne semaine. Assis à attendre Y dans le hall de l’étage de direction, j’apercevais dans une vaste salle de réunion tout ce qui comptait dans la banque porter maints et maints toast à la santé et prospérité du dirigeant, en vidant force coupes de saké. Quand Y finissait par me rejoindre, il en avait un bon coup dans les carreaux. Un jour il faillit tomber de son siège, un autre il s’endormit carrément.

Le dernier fut qu’un jour, ayant quelque consigne à y donner , Y m’amena aux quartiers des esclaves (ou salle des marchés), toujours patriote, il me fit remarquer qu’alors que la journée de travail était officiellement terminée, seuls les japonais continuaient, et en nombre,  de travailler. J’aperçus pourtant une chevelure blonde dépasser du dossier d’un fauteuil. Je le fis remarquer à Y que cette singulière nouvelle intrigua. Nous nous approchâmes du brave Européen pour constater qu’il dormait d’un profond sommeil…

5 commentaires:

  1. Toujours un plaisir de lire vos histoires, pour les japonais et leur courbette appuyée, j'en fus témoin durant plus d'une année , ayant vécu avec une demoiselle nippone, j'eu l'occasion à maintes reprises d'assister à cette gymnastique corporelle qui pour un occidental est du plus haut comique.

    Mais à chacun ces coutumes qui peuvent aux étrangers pour bizarres.

    Le plus difficile pour moi dans la culture, ce ne fut pas leur extrême politesse mais de se lever après s' être avaler moult verres d'alcool et manger assis en tailleur durant 3 heures mais cela fait des souvenirs.

    Par contre j 'ai remarqué que plus la dose d'alcool ingurgitée est importante, plus la barrière des langues se dilue., vérification effectuée plusieurs fois et souvent avec des japonais de rencontre lors de mon petit séjour au pays du soleil levant.

    Bien à vous

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    1. Merci d'avoir confirmé mes observations et d'y avoir ajouté les vôtres.

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  2. Lourdes de symboles, vos aventures, notamment celle de l'Européen endormi au beau milieu des asiatiques qui bossent, un vrai résumé de tous nos ennuis actuels.
    Amitiés.

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    1. Je n'y avais pas pensé, mais la métaphore est adaptée. Même si le Japon connaît depuis des lustres une stagnation économique certaine.

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  3. ma dernière fille a fait parti de ces " esclaves" de salles de marché, elle était épuisée, jusqu'à ce que l'agenc e Reuters pour laquelle elle étudiait les cours mondiaux colle tout le monde au chômage de Londres à Paris il y a 3 ans, depuis elle a changé de boulot, son esclavage est différent, moins payée mais sans chaines

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