Vu qu'il n'y a pas de petites économies, qu'il ne se passe pas grand chose dans notre beau pays et que c'est avec du vieux qu'on fait du neuf, je me permets de recycler cet article publié sur Facebook le 11 mars 2011 alors que de bons vieux dictateurs voyaient leur trône vaciller. Plutôt que de me livrer sans retenue à la joie qui inonde le cœur de tout bon démocrate à l'annonce d'une révolution (qu'elle soit de jasmin, de bergamote ou à la menthe), j'y envisageais les affres que pouvait traverser tout dictateur qui se respecte.
Admettons
que je sois un dictateur sanguinaire (et corrompu, bien sûr). Comment suis-je
parvenu au pouvoir, déjà ? Disons que mon pays était en pleine anarchie et que
mes compagnons d'armes, tous bègues, suite au petit coup d'état que nous avions
organisé ensemble m'ont poussé vers le devant de la scène parce que je causais
bien dans le poste. Ou alors que mon prédécesseur, lui même dictateur
sanguinaire et dont j'étais le chouchou, avait tourné gâteux. A moins
qu'il ne se soit fait dégommer par un exalté au cri d'Allahou akbar (mort au
tyran!) !
Bref me voici
dictateur sanguinaire. Je gouverne donc, comme il se doit, le dos au mur, une
mitraillette à la main, prêt à faire feu sur toute velléité d'opposition. Pour
employer une métaphore. Je ne suis pas réellement adossé à un mur, je sais
simplement que si je baisse ma garde, ce qui m'attend c'est dans le
meilleur cas l'exil (si je cours vite) et dans le pire un nombre variable
de balles dans la peau. Les démocrates n'aiment pas vraiment les dictateurs
sanguinaires. C'est d'ailleurs réciproque. La mitraillette métaphorique n'est
pas non plus dans mes mains. Elle symbolise les forces de l'ordre,
police et armée à qui je délègue le maintien de l'ordre. Le tout, c'est
d'éviter que les chefs de mon bras armé ne me renversent. Et mettent celui
d'entre eux qui cause bien à ma place. Je me méfie donc. Tout boulot a ses
aléas...
Pour le
reste, je fais ce que je peux.
J'essaie de
faire en sorte que mon peuple (que j'aime tant et qui ne me le rend pas
toujours bien) ne crève pas trop de faim. Ventre affamé n'a pas d'oreilles
et comme j'aime à faire des discours, un peuple sourd me frustrerait. De
plus, la faim fait sortir le loup du bois comme l'émeutier de son taudis. Bref,
on se développe un peu. Au passage, je me remplis les fouilles et j'invite mes
partisans, à tous les niveaux, à en faire autant afin qu'ils sachent bien
de quel côté leurs tartines sont beurrées.
J'organise
de jolies fêtes qui célèbrent ma révolution. Le peuple aime les jolies fêtes,
les défilés. Dans les démocraties, il en organise même spontanément sous des prétextes
divers afin de pouvoir jouir du fin plaisir de marcher ensemble en braillant
des conneries. Mes défilés sont militaires plus que revendicatifs. Ils
montrent au peuple que leur argent est sagement utilisé et les rappelle à la
plus élémentaire des prudences sachant que même intérieur l'ennemi reste
l'ennemi et n'a qu'à bien se tenir...
Bref tout
serait parfait si ne se posait la question de mon éventuel départ. Dans les
démocraties, la solution est simple: il suffit d'être battu aux élections
ou de ne pas se représenter. Mais dans une dictature... Pas d'élections
possibles ou du moins pas d'élections susceptibles de mener à un changement
quelconque. Quand à l'abandon du pouvoir, il peut mener à l'exil comme au
poteau. On peut laisser le pouvoir à son fils quand on en a un pas trop naze.
Ou à son fils "spirituel"... Ça marche parfois, pas toujours.
Du coup, on
reste. Faute de solution valable, on s'incruste. On se fait vieux et la
gachette se fait molle... Le peuple s'impatiente... Les alliés démocrates
se découvrent des réticences... Ça branle dans le manche... Si on ne
meurt pas avant, ça se termine très mal...
Combien
de dictateurs respectés et fêtés dans le monde entier on fini dans les
poubelles de l'histoire ? Citez m'en UN SEUL que l'on révère en dehors
d'un cercle restreint de nostalgiques fanatiques ? UN SEUL !
Le gros
problème des dictateurs et des dictatures c'est : comment on (s') en sort ?
Fastoche : Tito -et en plus il avait un nom sympa comme un surnom. Même pas la peine de lui donner du petit père des peuples, qui ont, eux, déjà leur opium :)
RépondreSupprimerVa pour Tito, mais c'est bien parce que c'est vous...
SupprimerOh ! combien de marins, combien de capitaines
RépondreSupprimerQui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !
Etc…etc…
Victor HUGO (Oceano vox)
467 marins, 25 capitaines. Beaucoup plus on disparu mais ils n'étaient pas franchement joyeux. Voilà mon petit Victor. Il suffit de demander...
SupprimerExcellent texte.
RépondreSupprimerMais Lénine est-il tombé dans les poubelles de l'Histoire ?
Et l'un des producteurs du film tamoul regardé hier (et de 2012) se nomme "Stalin" car au Tamil Nadu, on continue à donner à des nouveaux nés les prénoms révérés de "Lenin" et "Stalin"...
Le Tamoul est volontiers bolchévique autant que conservateur !
SupprimerKim Il-sung , s'il en fallait qu'un, le voilà.
RépondreSupprimerVous savez, Staline a eu pendant longtemps des myriades d'afficionados inconditionnels maintenant ça s'émousse un peu, forcément, la grande faucheuse s'occupe aussi des bons camarades.
RépondreSupprimerMais Mao, lui, en a toujours plein...Mélanchon, tenez, pour ne citer que lui.