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jeudi 17 mai 2012

Telfers meat pies (2)


Quand la machine découpe le plastique, cela laisse une légère cicatrice. Vous pouvez vérifier...



Comme beaucoup, vous vous demandez comment  et à partir de quoi sont fabriquées les saucisses de Francfort (ou de Strasbourg).  Vous êtes sur le bon blog.

Me voici donc à un nouveau poste chez M. Telfer. Il s’agit de préparer le mélange qui remplira les boyaux de plastique qui donnent leur forme à cette délicate charcuterie.  Une machine munie d’un gros cylindre propulse la pâte dans le boyau, faisant  jaillir un long serpent  de saucisse. Ce « serpent » est ensuite amené à une machine qui fait des nœuds tous les 15-20 cm. On cuit ensuite, dans de grandes bassines d’eau,  le serpent de boudins ainsi obtenus puis une dernière machine insuffle de l’air dans le boyau faisant sauter les nœuds tandis qu’une lame découpe le plastique. On n’a plus qu’à emballer  les saucisses sous blister. C’est à ce prix que vous bouffez des saucisses en Europe !

Le mélange donc : on nous apporte des sortes d’auges contenant des produits difficilement identifiables dont un peu de viande, du colorant et du conservateur. On hache d'abord les rognures la viande puis on verse tous les ingrédients dans un gros mixer d’une cinquantaine de litres, on rajoute un seau d’eau, on fait tourner le temps nécessaire puis on verse la pâte gluante dans des bacs que l’on apporte à l'énorme fausse blonde  qui s’occupe de la machine au piston. Quand elle est en panne de mélange, elle m’apostrophe d’un « Tu viens me remplir, p’tit gars ! » qui me fait osciller entre l’horreur et l’amusement.

Nous sommes deux pour accomplir cette noble tâche. Mon premier partenaire est un copain de mon sauveur. Ecossais comme lui. Il est gentil comme tout malgré un petit défaut : il parle avec un « broad glaswegian accent », un accent de Glasgow à couper au couteau. Je ne comprends pas un traitre mot de ce qu’il peut bien dire. Ça ne pose pas trop de problèmes, vu qu’il parle sans arrêt. Je me contente d’un signe de tête vaguement approbateur que confirme un « Mm… » de temps en temps. Sauf qu’une fois qu’il me demandait l’heure il fut surpris de ma réponse réitérée et s'en agaça un peu…

Il ne tarda pas à disparaître et fut remplacé par un jeune noir originaire de Guyana (Ex-Guyane Britannique). Je m’entendais très bien avec ce garçon intelligent qui, en dehors de ses plaintes concernant une société britannique n’offrant aucune chance aux gens de sa race, était d’humeur joyeuse et de conversation agréable. Le contremaître qui nous supervisait, venant du même pays, l’avait un peu pris sous son aile et l’exhortait à plus d’optimisme, lui  expliquant que lui-même était parvenu à se hisser à un niveau de vie supérieur à celui de bien des britanniques et que le racisme des imbéciles, il fallait s’en moquer. Le jeune admettait parfois que le vieux avait raison…

Cette relation quasi-filiale n’était pas sans avantages. Pendant que nous bavardions de ceci ou de cela, nous arrêtions de travailler  et le temps passait plus vite.

Le Président Nixon, suite à l’affaire du Watergate venait de démissionner. Or notre contremaître était un fan du vieux Richard. Il suffisait de le choper au passage et de critiquer Nixon pour qu’il se lance dans un long discours argumenté sur les nombreux mérites de son président chéri.  Ça nous faisait des vacances…

Seulement, il arrivait que le brave homme au tyrolien blanc ne soit pas d’humeur causante. Pour obtenir une pause, nous devions nous rabattre sur le plan B. Nous nous étions aperçu qu’en remplissant notre beau mixer  un peu au-dessus du niveau maximum, cela faisait sauter les plombs de l’atelier ce qui, le temps qu’on trouve l’électricien et qu’il répare, nous offrait  un temps de repos  bienvenu. En cas de mutisme contremaîtresque, nous surchargions de temps en temps. Pas trop souvent, histoire de ne pas se faire repérer.

Il arriva un jour un « incident » regrettable. En fin de journée, nous nous aperçûmes qu’il nous restait  un flacon de conservateur en trop. Nous avions donc oublié d’en mettre dans un des lots de saucisses. Mais lequel ? Signaler cette anomalie aurait logiquement dû entraîner la destruction d’un jour de production de tout l’atelier. Avec pour probable corolaire d’aller nous faire voir chez Plumeau.  Que faire ? Mon collègue n’hésita pas longtemps. Il alla vider le flacon dans  le caniveau. Je n’allais pas le balancer. Pendant quelque temps, je surveillai les nouvelles histoire de voir si on ne signalait pas une épidémie d’empoisonnement à la bonne Francfort de chez Telfers.  En l’absence de scandale, je finis par me dire que tout s’était bien passé…

13 commentaires:

  1. Eh bien, je peux dire que je suis plutôt bien inspirée de ne JAMAIS manger des saucisses ni de Francfort, ni de Strasbourg, ailleurs qu'à Francfort ou a Strasbourg, où d'ailleurs je ne mets jamais les pieds.

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    1. Voyez-vous, Mildred, bien qu'au courant de leur mode de fabrication j'aime les saucisses cocktail.

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    1. Je plaide non-coupable ! N'importe comment, i y a prescription.

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  3. Cher Jacques-Etienne,

    Après la lecture de votre biller, je suis allé regarder où mes saucisses de Francfort avaient été produites, l' honneur est sauf en Chine donc en bon petit chinois bien gouleyant.

    A propos de l' accent des écossais , ma fille cadette me disait qu' ils roulaient les "RRRRR".

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    1. Elles viennent de Chine ? Vous êtes sûr ? N'importe comment l'usine a été transférée et ils ne fabriquent plus que des sandwiches.

      A Glasgow, ils roulent non seulement les R mais parlent un dialecte incompréhensible au commun des anglais.

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    2. Absolument, il s' agit de "Nem Chua", excellentes avec du riz cantonais ou pas.

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    3. Je me souviens que la première fois, j'ai cru que l'écossais était une langue nordique. C'est moche - et rigolo - comme du norvégien !
      Le type disait "maybe he's fucking dead"... j'entendais un truc du genre "maille-bi hisse fockin' did"
      En tout cas, pas d'inquiétude, il n'était de toute façon pas mort : c'était un film sur Arte.
      Phoque !

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    4. Vous voulez dire qu'Eva Joly parle une sorte d'écossais ?

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  4. Je m'apprête à aller passer le week-end en Alsace. Où je mangerai de vraies “knacks” et boirai des vins sublimes. À votre santé, bien entendu.

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    1. Ça existe, des vrais "knacks" ? Et c'est bon ? Pour les vins, pas de problème : je les sais excellents!

      Je vous souhaite une très bon week-end!

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  5. Comme quoi, finalement, le principe de précaution n'est
    qu'une grosse supercherie!
    Amitiés.

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    1. L'excès de prudence, du moins en certains domaines, me paraît faire partie des grands défauts de notre époque !

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