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dimanche 10 avril 2022

Le commandant S.

 En prolongement de mon article d'hier, je recycle ce texte publié le 5 décembre 2011. Il montre clairement, je pense, que la guerre n'est jamais une affaire de boy-scouts et de jolis sentiments.

Quand il est entré au Canari, ma cantine d’alors, nous étions en train de prendre l’apéro avec Susan, mon amie. De taille moyenne, la quarantaine robuste, le gaillard portait un stetson d’un blanc immaculé comme son costume trois pièces, cravate noire et tenait à la main une canne à fin pommeau d’or. Une élégance rare, celle d’un gentleman sorti tout droit de Dixieland. A un détail près cependant : il était noir. Ce qui n’avait rien d’étonnant, vu que nous étions à Thiès, au Sénégal.

Il salua à la cantonade, et je ne sais comment, s’invita ensuite à notre table, s’enquit de savoir si nous déjeunerions ici et nous proposa de partager notre repas avec sa compagne, jolie métis afro-asiatique qui venait de le rejoindre et sur la profession de laquelle ne s’interrogeraient que ceux qui pensent que les filles qu’ont voit court-vêtues au bord des routes sont tombées en panne avec leur fourgon et font du stop. L’homme m’intriguant, j’acceptai volontiers.

Il se présenta : Commandant S. De naturel rigolard, avant de nous raconter sa vie, il nous demanda qui nous étions, ce que nous faisions, et chacune de nos réponses déclenchait son hilarité. Il ponctuait ses rires d’un « Décidément, je suis formidable !» sans que nous voyions clairement ce qui pouvait justifier ces envolées d’autosatisfaction. Cette phrase allait au fur à mesure de l’avancement du repas et de nos libations, devenir un véritable leitmotiv. Il l’accompagnait parfois d’une pression de la main sur le genou de ma compagne, ce qui me m’agaçait un peu. J’étais très jeune.

Le commandant nous raconta, avec moult éclats de rires, qu’il avait été dans l’armée française avant que l’indépendance lui fasse rejoindre celle du Sénégal. Tout cela était bougrement réjouissant. Il avait bien entendu fait la guerre d’Algérie. C’est à ce point que son récit se fit rude. Il nous raconta qu’il lui arrivait, avec ses hommes de traverser des villages. Les femmes sortaient pour voir passer l’armée et poussaient des youyous. Seulement, sous leurs amples robes qu’est-ce qui garantissait que ne se cachait pas un terroriste prêt à faire feu ou à lancer une grenade sur le convoi ? Prudence étant mère de sûreté, il nous expliqua, hilare, que sa troupe tirait dans le tas !

Décidément, le commandant S. était formidable !

7 commentaires:

  1. Peut-être eussiez-vous été mieux inspiré en recyclant le premier article sur lequel je suis tombée en cliquant sur l'année 2011 : "America ? No thanks !" disiez-vous.

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    1. J'ai retrouvé ce texte qui n'était pas enregistré dans mon dossier "Textes de blog". Je persiste à penser que celui que j'ai choisi s'inscrit mieux dans la perspective de celui d'hier.

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  2. Bon, bon, puisqu'on est dans les horreurs de la guerre, quand j'étais gamin en Algérie un légionnaire nous a raconté que les femmes pour se prémunir contre le viol s'introduisaient un bouchon muni d'une lame de rasoir en travers, il fallait y penser...

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    1. J'ai également entendu parler de ça.

      Pour en revenir au bon Commandant S., il se peut que sa "précaution n'ait pas été injustifiée. C'est ça le pire...

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    2. Pourquoi "en violant" alors qu'en consentant à un rapport on pouvait causer les mêmes dommages à l'ennemi ?

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  3. La routine en somme... Ce que vous ne dites pas c'est la nature de votre agacement de "jeunesse" : La conviction que pour ce genre d'hommes le genou est une sorte de trophée rohmerien ? La conviction que ce genre de genou est particulièrement riches en terminaisons nerveuses remontant loin dans la structure histologique féminine ? La certitude, déjà, que ce genre de genou ne prend son sexe qu'avec la main qui le touche (air connu) ?

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    1. Je voulais simplement dire que je trouvais déplacé qu'on touche à "mes affaires". Une forme de jalousie puérile : c'est ta moi pas ta toi !

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