Lors de ma récente excursion en terres
collaborationnistes, cheminant de lien en lien, je tombai par hasard
sur une allusion à Maurice Sachs, « Juif-collabo ». Le
nom me dit quelque chose. Je ne tardai pas à trouver parmi mes
livres « Le Sabbat » qu'il écrivit en 1939. Je n'en
gardais bien entendu aucun souvenir. Comme j'en avais alors
l'habitude, j'avais indiqué sur la première page la date et le lieu
de cette lecture : « le 17 juin 1972, à Thiès* ».
Bientôt 44 ans. Ça ne nous rajeunit pas et ça excuse l'oubli.
J'entrepris une relecture. Curieuse
autobiographie d'un bien curieux personnage. Ça tient des
Confessions de Jean-Jacques, c'est larmoyant à souhait,
débordant d'apitoiement sur soi. Le bon Maurice ne cesse de
poursuivre la Vertu, l'Honnêteté, la Paix intérieure mais pour
toujours retomber dans les ornières du vice, de la tromperie, de la
flagornerie... Le livre est bâti à la va-comme-je-te-pousse.
L'auteur s'attarde sur certains épisodes, en traverse d'autres en
trombe, sans qu'on comprenne le pourquoi de ces soudaines ruptures de
rythme. On a du mal à cerner un personnage qui semble tout de même
avoir joué un rôle dans le milieu littéraire de l'entre deux
guerres. On y croise, entre autres, Jean Cocteau, Jacques Maritain,
André Gide Gide, Soutine, Max Jacob, Pierre Fresnay. Il en trace des
portraits souvent flatteurs, parfois vengeurs. Cocteau y es dépeint
de manière peu flattée, sous la forme d'un mauvais génie et d'un
usurpateur de talents exploitant les mérites d'autrui. D'autres se
voient plus gâtés, parés de toutes ces hautes vertus que l'auteur
vise d'atteindre mais que sa profonde indignité lui interdit en
attendant qu'une nouvelle crise d'aspiration au Bien ne lui fasse
espérer les conquérir. Dans ce chemin de croix d'un snob
auto-flagellateur, les chutes se multiplient, immanquablement suivies
de temporaires et illusoires remises sur pied. Il semblerait que le chemin de
Maurice Sachs se soit terminé sur une route d'Allemagne, en avril
1945, alors qu'on évacuait sa prison par une chute qu'une balle
tirée dans sa nuque par un SS rendit fatale. Triste épilogue d'une
triste existence.
Le livre refermé, j'en retire une
impression mitigée. On y trouve des pépites, comme ce chapitre
XXXII où est décrite la curieuse faune de l'hôtel miteux sur la
destinée duquel règne le brave Joachim Le Plouharet. On aurait pu
s'attendre à une riche peinture d'un milieu que l'auteur a connu
intimement. Même si le talent affleure ci et là, c'est par trop
inégal pour qu'on ne demeure pas sur sa faim.
Mais peut-être suis-je un peu
sévère... Et puis le personnage vaut quand même le détour tant il
tranche, pas vraiment en bien, sur le lot commun.
*Sénégal. Ne pas confondre avec Thiais (Val-de-Marne).
Z'auriez décidé de faire concurrence à Didier Goux que vous ne vous y prendriez pas autrement ! Tout y est : le vieux bouquin oublié tiré de derrière les fagots, le nauséabond qui eut son heure de gloire littéraire mais dont plus personne ne parle, "des pépites", histoire de mettre la langue à la bouche, comme disait ma nièce.
RépondreSupprimerManquent plus que les 95 commentaires !
95 commentaires sur un billet dédié aux livres, je crains que Didier n'ait jamais vu cela. Pour obtenir de nombreux commentaires, il faut parler de politique mais vu qu'il n'y a pas que cela dans la vie...
SupprimerBen oui ! Chacun ses péchés mignons, regardez les migrants de Cologne !
RépondreSupprimerUn ami dentiste avait coutume de me dire : "Pourquoi tu es si incisive ?"
Certaines ville de l'Île-de-France ressemblent de plus en plus au Sénégal.
RépondreSupprimerLe soleil en moins...
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