L’autre
jour, je m’interrogeais sur l’opportunité de relire M. Simenon. J’y fus
encouragé mais, attendant de renouveler mon abonnement à la médiathèque, j’ai
repoussé à plus tard ces lectures. En revanche, l’ayant sous la main, ou plus
exactement en rayonnages, je me suis lancé dans la relecture de Cinoche d’Alphonse Boudard où je savais
se trouver un portrait à peine déguisé de Georges Simenon. Bien m’en a pris !
Il y a beau temps que je n’avais tant ri !
Ce roman à clés raconte les heurs et surtout malheurs du
brave Alphonse alors qu’il travaille en tant que scénariste-dialoguiste sur un
film de Luc Galano, heureux époux de
Gloria Sylvène et fils du célébrissime et richissime peintre Ralph Galano. Sous
ces masques qui ne trompent personne se reconnaissent aisément Marc Simenon, Mylène Demongeot et Georges
Simenon. Rien ne manque : l’alcoolisme
de Marc, la ménagerie de sa femme, les péchés mignons du grand écrivain.
Boudard en fait de pathétiques gugusses dont l’idiotie, la folie, l’obsession
sexuelle, le snobisme, le niais suivisme, l’avarice, la futilité, la vanité et
autres menus défauts vous arrachent par surprise,au détour d’une phrase, de
francs éclats de rire.
L’autre fil conducteur
du récit est l’évolution d’un scénario qui devait au départ narrer les
aventures truandes d’un malfrat cacochyme. Au gré des changements de
producteurs, tous aussi croquignols les uns que les autres, on abandonne progressivement
le vieux malfrat pour une non-histoire sans queue ni tête qu’Alphonse tente de
corser un peu avant qu’un dernier ne reprenne l’affaire pour le transformer en
instrument de publicité pour son village de vacances.
Ces producteurs, valent leur pesant de cacahuètes. Le premier, un rastacouère doté d’une syntaxe
et d’un accent inénarrables, adore les starlettes qui « soucent
perfectionne » mais n’a aucune
intention de financer l’imbécile Luc. Le
second, homosexuel adipeux, est surtout préoccupé de sponsoriser les délires
esthétisants de son petit ami. Seulement, il n’a pas le premier rond pour le
faire et l’aventure se termine façon catastrophe avec les deux amants en
prison, l’un pour chèques en bois, l’autre pour détournement de mineur. Le
salut arrive, inattendu, sous la forme d’un Allemand aussi riche qu’ivrogne qui
croit dur comme fer au succès de ce qui s’avèrera un bide mérité après que le
Luc eut remanié l’histoire à sa sauce.
Faire un parallèle entre Céline et Boudard est enfoncer une
porte ouverte. Le problème est que l’un a précédé l’autre et qu’on a tendance à
faire d’Alphonse une sorte de sous-Louis-Ferdinand. Les ingrédients sont les
mêmes : autobiographie revisitée, tentative de reconstitution du langage
parlé populaire, recours aux points de
suspension et d’exclamation pour rendre
l’émotion. Nier qu’il y ait filiation,
voire imitation serait vain. Qu’importe au fond que Boudard emprunte à Céline s’il
fait à sa langue de beaux enfants ? Et puis l’ancien malfrat a sur le médecin
l’avantage d’une authenticité certaine et d’un humour désabusé. Je n’y
peux rien, je préfèrerai toujours le rire distancié à l’indignée
grandiloquence. Voilà pourquoi, je recommanderais sans états d’âme la lecture d’Alphonse
Boudard à ceux qu’un bon moment de lecture intéresse.
Zéro commentaires pour l'Boudard, trente-deux pour la rosawelle dans le billet d'après...
RépondreSupprimerNous gagnerons par la pensée, par nos idées (roulement de tambour), par la culture (la race, quoi!!?, le divertissement?!? bouh caca!), par l'élégance (sonnent les trompettes), oui m'sieur!, vive la France!
("tentative de reconstitution du langage parlé populaire")
Peut-être que M. Boudard n'intéresse personne ?
SupprimerBoudard ne se cachait pas de l'importance de la prose de Céline sur son propre style.
RépondreSupprimerMais Boudard reste singulier car c'est un merveilleux raconteur d'histoires tirées sur le vif et ce dans un même roman avec en plus l'emploi de l'argot qu'il n'avait pas appris dans les livres mais dans la rue au gré de ses pérégrinations.
Celine lui est un immense romancier de la noirceur. Certes l'argot est là les néologismes aussi mais c'est plus désespéré.
En résumé :
Boudard est un conteur amusé désabusé et distancié
Celine est un romancier halluciné
Je suis assez d'accord avec vous. Boudard est un voyou. Céline une sorte d'imposteur lyrique.
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