Ça a commencé comme ça : ce matin, ayant terminé une grille, je refermai ma revue de mots croisés et, guidé par je ne sais quel démon, je lus la légende de sa photo de couverture. J’appris ainsi que cet impressionnant bâtiment se trouvait être la tombe de Humayun, sise à Dehli, en Inde. Ma curiosité en fut piquée. Qui pouvait être cet Humayun pour qu’on lui construisît un tel tombeau ? Un restaurateur ayant fait fortune à Londres ? Un gros exportateur de saris ? Je googlai et appris qu’il était le second empereur Moghol, fils et successeur de Bâbur (« Le tigre »’ comme il fut surnommé probablement à cause de sa grande mansuétude), fondateur de l’empire et père d’Akbar. L’héritage que lui laissa son « Tigre » de père, grand conquérant descendant des célèbres Turco-Mongols Genghis Khan et Tamerlan de triste mémoire mais piètre administrateur était un cadeau empoisonné qu’il perdit avant de le reconquérir après bien des vicissitudes que je vous épargnerai.
Ayant lu les articles consacrés aux trois premiers empereurs moghols ainsi qu’à leurs lointains ancêtres Genghis Kahn et Timour Lan (alias Tamerlan), je fus saisi par une sorte de tournis. Je m’étais, il y a plus de 20 ans intéressé l’aventure des Turco-Mongols qui fondèrent le plus grand empire territorial de tous les temps et connut son apogée au XIIIe siècle, sous Kubilaï, s’étendant du Pacifique à la Méditerranée, des steppes de Russie au nord de l’Inde avant de se diviser en quatre régions gouvernées par les petits-fils de Genghis. J’avais, bien entendu, tout oublié si ce n’est qu’avait existé un empire comme on n’en vit et n’en verra peut-être jamais**.
Je parle de tournis car face à l’accumulation des noms étranges, des lieux inconnus, des dates aussi cruciales qu’ignorées, je prenais à la lecture de ces articles une conscience plus nette que d’ordinaire de la totale incapacité qu’a tout homme d’acquérir un savoir universel. Pic de la Mirandole, fut réputé savoir tout de ce qu’on pouvait connaître en son temps. En fait, il se consacra principalement à la théologie et à la philosophie, soit deux domaines de connaissances qui, quel que soit l’intérêt qu’on leur porte, ne sont qu’une partie infime des champs de savoir envisageables. Savait-il planter un clou, préparer une soupe au chou ? NOUS L’IGNORONS.
Même s’il devient suite à une vie de durs travaux LE spécialiste mondial d’un domaine ultra-restreint, l’homme demeure un ignorant. Alors, pourquoi passer son temps à tenter d’orner son esprit de nouvelles connaissances ? Parce que ça passe le temps… J’écris bien des articles qui enfoncent des portes ouvertes...
*Ce titre, calqué sur celui de l’ouvrage de Grimmelshausen Les Aventures de Simplicius Simplicissimus que j’avais étudié dans le cadre d’une Unité de Valeur de Littérature Comparée en compagnie de divers romans picaresques espagnols et du Gil Blas de Santillane de Lesage ainsi que sur le mot pseudo-latin forgé par Toinette lors d’un dialogue avec Argan dans Le Malade imaginaire, tend à décrire le statut de connaissance que peut atteindre celui que l’on appelle à tort « homo sapiens sapiens » et qui en fait ne sait pas grand-chose.
** A moins qu’à l’avenir les Chinois ne nous réservent une grosse surprise.