Rien n’est plus important que les réformes. Tout politicien qui se respecte en a plein sa musette : réforme de la fiscalité (sectorielle ou générale), de la sécurité sociale, de la justice, de la police, des conditions d’entrée sur le territoire, de l’Éducation Nationale, de la Défense, du permis de chasse, des retraites, des compétences des assemblées territoriales, de l’hôpital, de la politique énergétique, etc. En dresser une liste exhaustive serait impossible. Des domaines essentiels aux plus négligeables, un consensus existe dans ce pays de mécontents : rien ne va et tout est à réformer.
Seulement, c’est sur la manière dont il faudrait réformer que les choses se compliquent. Tout gouvernement proposant réforme si infime soit-elle en quelque domaine que ce soit se verra confronté à une levée de boucliers de son opposition et de certains syndicats dont les adhérents seraient concernés par ladite réformette. Car le changement ne peut se faire que dans le sens d’un accroissement des avantages acquis. Qu’importe que le ledit avantage soit minime ou difficilement justifiable, que le service concerné accuse un déficit abyssal : y toucher serait criminel dans le pire des cas et totalement inutile dans le meilleur.
C’est indéniablement dans la fonction publique et dans les entreprises publiques que ces conflits éclatent le plus souvent. Si les agents de la SNCF ou de la RATP se mettent en grève ce n’est pas pour tenter de sauvegarder certains avantages acquis, mais pour défendre le salariat dans son ensemble. Ce n’est pas de leur faute, Dieu (ou la Nature) les a dotés d'âmes aussi désintéressées que généreuses. Enfin, surtout les conducteurs, ce qui permet à 10 % de grévistes de paralyser le pays.
Il existe, dans la fonction publique une foultitude de primes dont certaines, faute d’être conséquentes, n’en sont pas moins surprenantes. Ainsi existent dans certaines administrations une indemnité de chaussures et de petit équipement, une pour usage de la bicyclette, une pour l’utilisation d’une (ou plusieurs) langue(s) étrangère(s), et même une de panier qui couvre les frais de nourriture des fonctionnaires titulaires et agents non titulaires territoriaux de la filière culturelle (patrimoine) qui travaillent entre 21 heures et 6 heures pendant au moins 6 heures consécutives. Son montant est de 1,97 euro par nuit. Voir ici pour plus de détails.
Admettons qu’un ministre audacieux veuille réformer l’indemnité de chaussures et de petit équipement dans son ministère lesquelles se montent à 32,74 € par an chacune et sont cumulables. Elles peuvent être versées aux personnels qui, utilisant leurs propres chaussures et vêtements pour travailler constatent que ceux-ci s’usent anormalement vite. La somme est minime (5,45 € par mois) mais sa suppression provoquerait à n’en pas douter l’indignation de ceux qui en bénéficient. Une approche plus prudente de la question serait de vérifier que le versement de cette indemnité est justifié. On pourrait envisager qu’au moment de prendre son service, l’agent en question se voit équipé d’un podomètre qu’il remettrait à l’accueil lors de la pause déjeuner, reprendrait à son retour et restituerait en fin de journée. Il serait alors possible, dans un souci d’équité, de n’attribuer l’intégrité de la prime qu’à ceux qui effectueraient un nombre de pas annuel fixé par l’administration, que ceux qui le dépasseraient touchent une surprime et que ceux qui ne l’atteindraient pas ne recevraient qu’un prorata de l’indemnité. Pour ce qui est des vêtements ce serait plus délicat voire totalement impossible. En fait, l’introduction du podomètre soulèverait des protestations : flicage, atteinte aux libertés fondamentale, etc. En fait, un ministre avisé se garderait bien de s’attaquer à une telle réforme.
Ce long préambule pour mettre en évidence la difficulté à se lancer dans la moindre réforme. Malgré cela, tout aspirant ministre de l’Éducation Nationale se doit d’avoir dans sa giberne un projet de réforme susceptible de remettre sur pied notre système éducatif. Il va dégraisser le mammouth, renforcer l’apprentissage des fondamentaux, revoir la formation des maîtres, augmenter les effectifs (et/ou les salaires de ces derniers, faire baisser ceux des classes, bref, il a plus d’un tour dans son sac et on va voir ce que l’on va voir. Les ministres passent, les réformes passent, et, quel que soit son capitaine, le navire continue inéluctablement de sombrer. Car pour réformer une telle machine il faudrait considérer non seulement certains de ses aspects internes mais avoir une approche globale prenant en compte d’autres paramètres de la vie sociale.
J’y reviendrai.
En attendant, pour remercier ceux qui auraient eu la patience et la gentillesse de me lire jusqu’au bout, je leur offre ce bouquet de fleurs de mon jardin :
A ce sujet, on peut utilement lire "M le M" (Monsieur le Ministre) de BINET... Qui raillait déjà cette volonté de "réforme" de tout ministre nouvellement nommé.
RépondreSupprimerBien qu'amateur de Binet, je ne connaissais pas cet ouvrage. Je viens de commander les deux tomes. Merci Alix !
SupprimerPour que votre "indemnité de chaussures" ait eu la moindre chance de satisfaire le personnel, il eût fallu qu'elle s'accompagnât d'une "indemnité cirage" puisque tout le monde sait qu'un certain ministre faisait cirer ses chaussures à l'Élysée, sans doute pendant le loisir que lui laissaient les cirages de pompes imposés par sa fonction ?
RépondreSupprimerExcellente idée ! Une indemnité de cirage permettrait au fonctionnaire de mieux faire honneur à son administration.
SupprimerDans l'article que je mentionnais, il était indiqué que "Jusqu'au 1er janvier 2012, les sous-officiers et militaires du rang féminins pouvaient percevoir l'indemnité d'achat de... sous-vêtements !" Imaginez l'embarras qu'eut créé une soldate, une sergente ou une adjudante perdant sa jupe lors d'un défilé ! Il y a fort à parier qu'en un tel cas le public plutôt que la Marseillaise eût entonné "Elle a pas d'culotte" ce qui eût nui au prestige de nos armées en un temps où l'obscurantisme régnait encore sur les mœurs !
Comme vous êtes un charcutier amateur, que pensez-vous du nouveau disque des musiciens favoris des tripiers ?
RépondreSupprimerLe groupe suédois Abbats, et ses morceaux choisis :
Foie
Rognons
Ris de veau
Tripes à la mode de Caen
Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion d'écouter cet opus, mais je trouve l'aperçu que vous m'en donnez très alléchant. Si vous aviez l'amabilité de me faire parvenir un exemplaire du CD ainsi qu'une chaîne hifi* me permettant de l'écouter (je ne dispose hélas pas de cet équipement et je trouve l'équipement de ma voiture par trop médiocre), cette lacune serait comblée.
Supprimer* onen trouve d'assez bonne à moins de 1000 € !