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samedi 5 juillet 2014

Délit de non délation



Un certain Etienne Marteaux, représentant du parquet dans les Vosges de son état (on se demande d’ailleurs de quoi ce VRP en parqueterie se mêle), serait, selon un article du Figaro, pour qu’on poursuivît les proches de conducteurs qui n’auraient pas signalé aux autorités le manque d’aptitude à la conduite de leur père, grand père, cousin, conjoint, âme damnée ou relation d’un soir.  Tout cela parce qu’un homme de quatre-vingt-neuf ans atteint de démence a malencontreusement renversé la moto d’un père de famille (eût-il été un célibataire, c’eût été anodin) avec pour conséquence le décès dudit motard et de graves blessures pour son fils de treize ans qu’il ramenait de l’école. Il nous est par ailleurs utilement précisé que le malheureux motocycliste laissait « derrière lui sa femme Christelle et leurs trois enfants. »  Ben oui, il n’eût plus manqué qu’ils eussent partagé son fatal destin. On peut d’ailleurs se demander si le fait que sa femme se soit prénommée Christelle change grand-chose au problème…

Vu qu’à tout malheur il faut un responsable et que le vieillard,  n’ayant plus sa tête, ne pouvait l’être, M. Marteaux (son nom l’inscrit-il dans une longue lignée de déments ?) considéra donc qu’il serait logique que ses proches soient reconnus responsables de l’accident. Pour ce faire « Il s'appuie sur l'article R.221-14 du Code de la route. Une disposition qui permet aux gendarmes, à un tuteur ou un membre de la famille de saisir le préfet d'une demande de contrôle médical pour un automobiliste dont l'état physique peut mettre en danger la vie d'autrui. À la suite de quoi, si l'inaptitude est constatée par un médecin, le préfet peut prendre une mesure de suspension du permis de conduire. »  avant d’ajouter : «Or dès lors que cette procédure est connue, j'estime que le proche d'un conducteur extrêmement dangereux au volant peut voir sa responsabilité engagée avec un lien de causalité indirect».

Il se trouve que je me suis trouvé confronté à ce genre de problème avec mon père. Le pauvre vieux fut atteint à soixante et quinze ans de la maladie de Parkinson ; elle n’alla pas en s’arrangeant et finit par l’emporter seize ans plus tard. Cela n’allait pas sans affecter sa capacité de conduite, laquelle n’avait jamais été bien fameuse. Même dans la force de l’âge, tout voyage avec lui au volant était éprouvant pour les nerfs les mieux maîtrisés. Avec mon frère aîné, nous en vînmes à la conclusion qu’il serait peut être judicieux de lui conseiller de renoncer à prendre la route. Seulement, vu le caractère du bonhomme que je qualifierais de « fortement breton », l’entreprise s’annonçait délicate. Je décidai cependant de m’y lancer, vu que j’entretenais avec lui des rapports apaisés. Un beau jour, ayant rassemblé tout mon courage, je l’appelai, bien décidé à aborder l’épineuse question. Seulement, avant que je n’aie eu le temps de le faire, le brave vieux, tout guilleret, m’annonça une bonne nouvelle : il venait de s’acheter une voiture neuve ! A cette annonce, je perdis tous mes moyens. Qu’aurais-je dû faire ? Le dénoncer sournoisement à la Kommandantur ?  Le problème trouva finalement une solution : lassée par ses embardées et diverses montées sur les trottoirs sa compagne finit par refuser de monter dans son véhicule et lui-même en vint à regret à la conclusion que ses qualités de pilote n’étaient plus ce qu’elles avaient été. Il vendit sa belle auto avant d’avoir envoyé ad patres ou à l’hôpital qui que ce soit.
Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas que menacer de poursuites quiconque n’aurait pas dénoncé un proche soit la solution. D’abord, sur quoi se baserait-on pour le faire ? Est-on spécialiste en ces matières ? A part dans des cas manifestes d’incapacité ne risque-t-on pas, après expertise, de se voir accusé de non-dénonciation d’une personne dont l’incapacité nous avait échappé ?

La solution serait, comme dans d’autres pays d’instituer un contrôle d’aptitude à la conduite des seniors. Reste à savoir quel serait l’âge à partir duquel il s’effectuerait, qui le ferait subir  et quels critères  seraient retenus. Jusqu’ici, nos chers politiciens, peu désireux de perdre les suffrages des anciens, préfèrent s’abstenir de proposer une quelconque réglementation. Suivre les préconisations de M. Marteaux ne serait pas nécessairement plus porteur et risquerait de nuire à une harmonie familiale souvent fragile. Allez, M. Hollande, un peu de courage : le changement, c’est maintenant et vu ce que vous avez à perdre…

24 commentaires:

  1. Robert Marchenoir5 juillet 2014 à 14:27

    L'incompétence juridique de ce procureur est flagrante. Il n'existe absolument aucune base légale pour punir les membres d'une famille qui ne dénoncent pas aux autorités leur parent trop âgé pour conduire. Et en particulier pas l'article de loi qu'il cite, lequel instaure une possibilité et non une obligation -- excusez la nuance.

    La baisse de niveau intellectuel et moral de nos zélits est vertigineuse. Ici, un procureur se permet de se transformer en politicien ou en militant, et piétine allègrement le droit qu'il est censé protéger. N'importe quel magistrat s'autorise désormais de son titre pour faire valoir son opinion et gagner des points médiatiques.

    Mais on s'en fout, de l'opinion du procureur Duchemol. Il n'est pas payé pour donner son opinion.

    La désinvolture et le narcissisme règnent en maître désormais, et les mêmes qui se gargarisent de "valeurs républicaines" et "d'Etat de droit" passent leur temps à piétiner ces notions.

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    1. Qu'une possibilité se transforme en obligation répressive et délatrice est assez dans les moeurs actuelles.
      Quant au"contrôle d'aptitude" pour les vieillards, voilà qui pourrait mettre en danger les sorties d'une Daimler, surtout si "l'aptitude" est déterminée par l'adhésion au credo sécuritaire.

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    2. Alors ça c'est bas comme attaque !
      Prendre en otage une automobile gérontocratique en laissant croire qu'elle ne tiendrait pas la route, on dirait la concierge sous l'Occupation signalant le défaut d'étoile jaune au quatrième !
      Je vais finir le Chiva Regal avant de sortir ma Porsche !

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    3. Sans compter que dans certaines familles un peu conflictuelles (ça s'est vu), on pourrait dénoncer les vieux juste histoire de leur pourrir un peu la vie !

      @Michel : Vous pensez qu'un gamin de mon âge pourrait se voir soumis à un quelconque examen ?

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  2. "Un contrôle d'aptitude à la conduite des seniors". Ben voyons! Et ça va empêcher les 10% (dit-on) de conducteurs, seniors ou juniors, qui roulent sans permis de prendre le volant?

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    1. Ben non... A moins qu'on organise une chasse aux vieux systématique. Mais ça reviendrait à un délit de faciès, ce qui n'est pas bien.

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  3. Nous sommes nombreux à être confrontés à ce dilemme, bien délicat à résoudre. Heureusement, dans la plupart des cas, nos vieux parents, malgré nos craintes, ne sont pas responsables d'accidents graves.
    Les accidents provoqués par les personnes âgées sont proportionnellement moins nombreux et moins graves que ceux provoqués par les jeunes !

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    1. C'est une vérité profonde : la plupart des accidents possibles ne se produisent pas.

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  4. Dussé-je chagriner bien de vos lecteurs, il me semble qu'il ne serait pas extravagant d'instaurer un contrôle des aptitudes à continuer à conduire à partir de 70 ans.
    Ce contrôle pourrait être effectué par une commission médicale ad-hoc, et pourrait s'effectuer tous les deux ans, dans le cadre d'une visite médicale remboursée par les compagnies d'assurances.

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    1. Certes
      Commençons par la totomobile
      On continuera par la politrouk, où l'on voit et entend d'écumants séniles faire des propositions désopilantes
      Mais tant qu'à causer de permis de conduire ( travailler/soigner/séjour) ,prenons le cas du permis de politrouk
      Par la grâce d'une élection, on voit de jeunes crétins, qui de leur vie n'ont rien foutu, en tout cas pas gagné un seul fifrelin, s'imaginer régir nos existences....
      Leurs noms, on les connait, pas besoin de vous les infliger
      Leurs prétentions, par contre....
      Ce serait risible si nous n'étions concernés....

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    2. C'est le ad-hoc qui m'inquiète. L'expression voile une intention.
      Où veut-on aboutir, après les grandes phrases sur le père de famille écrasé dans le futur par Gilbert Montagné ?
      Staatssicherheit Ersatz !

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    3. Plus j'y réfléchis, plus je me dis que sauf cas extrême un tel contrôle serait stupide. Envisagerait-on de faire subir un examen ad hoc aux imbéciles ? Et puis cette obsession de la sécurité est idiote.

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    4. Je savais que j'allais semer le trouble. Pourtant ce contrôle médical pour raison de santé existe bel et bien, mais comme personne n'en parle tant pis pour ceux qui ne le savent pas;

      " Ce contrôle médical est à la propre initiative du conducteur ou du candidat au permis de conduire, s’il rencontre un problème de santé. En effet, certaines affections médicales (problèmes cardio-vasculaires, altérations visuelles, troubles de l'équilibre, pratiques addictives, diabète, épilepsie,...) :

      sont incompatibles avec la conduite ;
      peuvent donner lieu à la délivrance d'un permis de durée de validité limitée ;
      nécessitent un aménagement du véhicule ou un avis spécialisé avant la délivrance du permis.

      Le conducteur qui omet de se soumettre à un contrôle médical imposé par son état de santé est considéré comme une personne conduisant sans permis de conduire et ayant fait une fausse déclaration. De plus, en cas d'accident dû à une pathologie incompatible avec la conduire, l’assurance auto ne couvre pas le responsable."

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    5. Étant supposé avoir un problème cardio-vasculaire, ayant une addiction au whisky (en dehors de mes heures de conduite depuis quelques années), je devrais aller me dénoncer à la kommandantur. Mais il y a 45 ans qu'un permis définitif m'a été délivré (probablement à tort). Je m'aperçois que selon vous, il y a des lustres que je conduis sans permis et que je ne suis pas couvert par mon assurance. Devrais-je m'empresser de la résilier ?

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    6. Ce n'est pas selon moi, c'est la loi.
      Tapez contrôle médical permis de conduire et allez sur le site du gouvernement.
      Il me semble qu'une visite médicale tous les deux ans après 70 ans serait moins hypocrite que cette loi.
      Après tout on fait bien des contrôles techniques des véhicules.
      Cela aurait aussi l'avantage d'obliger les gens qui, en règle générale ne vont jamais chez le médecin, d'être suivis médicalement.
      Il me semble d'ailleurs qu'en Suisse - pays que d'aucuns admirent - ça se passe comme ça.

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  5. vu mon grand âge, boire où conduire, il faut choisir parait-il, j'ai choisi, j'ai plus de voiture, je ne sais pas pourquoi ça a bien fait rire mes descendants

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    1. Vu que vous vivez à Paris, on peut admettre que vous n'ayez pas de voiture. Essayer de survivre ainsi dans mes collines serait aléatoire...

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  6. Je suis bien heureux que vous abordiez vous-même ce sujet. Voilà un bout de temps en effet que je cherche le courage de vous apprendre la cruelle vérité : après des décennies de recherches approfondies, la Faculté est désormais formelle, la conduite d'une daimler est strictement incompatible avec la consommation de whisky. Tout particulièrement le Label 5 accompagné de glaçons.
    Je sais maitre Jacques, c'est dur, mais consolez-vous il existe bien d'autres marques de voiture dont la conduite vous reste possible : Tata, Dacia, Fiat, et bien sûr tous les fauteuils roulants électriques.

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    1. Vous me rassurez, cher Aristide ! Je me voyais déjà, au nom du sacro-saint principe de précaution,banni de toute conduite. Pouvoir encore me pavaner au volant d'une prestigieuse Tata ou au guidon d'un fauteuil électrique me comble d'aise !

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  7. Robert Marchenoir5 juillet 2014 à 23:19

    Evidemment, il ne serait pas absurde d'imposer un examen médical à partir d'un certain âge, et d'ailleurs certains pays le font. Mais le procureur Machinchose ne dit pas que la loi devrait imposer un examen ; il menace les citoyens en les incitant à la dénonciation de leurs parents sur des bases juridiques fortement contestables, pour ne pas dire imaginaires.

    Autrement dit, il se livre à cette lâcheté très en vogue en France depuis un certain temps : refuser d'assumer ses responsabilités en exerçant un chantage.

    Il serait très simple, en effet, d'imposer un examen médical périodique à partir d'un certain âge. Mesure simple, débat simple, pour, contre, blabla, on discute, blabla, on vote, c'est fini.

    Mais ce serait trop simple. Il faudrait pour cela que les hommes politiques, ainsi que Monsieur Machinchose, acceptent de passer pour de gros fachos envers une population nombreuse et qui vote. Il faudrait qu'ils se présentent devant le peuple ou ses représentants, avec une proposition claire, et qu'ils acceptent le verdict démocratique.

    On va donc menacer les citoyens : moi je suis un gentil, moi je ne vous impose rien, mais si jamais votre père se plante en voiture et fait des blessés, à partir d'un certain âge (et vous ne savez pas lequel) je me réserve le droit de vous poursuivre. Vous ne savez pas si je vais gagner ? Moi non plus, et je m'en fous. Mais j'ai réussi à vous culpabiliser et à vous angoisser pour la vie, et c'est bien là le but.

    Une population stressée est une population qui file droit. Tout le monde est présumé coupable, à moins qu'il ne puisse convaincre les autorités qu'il est innocent. C'est la définition de la dictature.

    Bon vous m'excusez, c'est pas que je m'ennuie avec vous, mais maintenant je dois aller prendre l'apéro avec mes amis du Rotary.

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  8. Robert Marchenoir5 juillet 2014 à 23:31

    En plus, vous remarquerez que la menace du procureur Trucmuche correspond à cette autre méthode favorite de toutes les dictatures, nazie, communistes ou autres : faire dénoncer les parents par leurs enfants.

    Même si un vieillard est effectivement trop diminué pour conduire et s'obstine à le faire, quel genre de personnage serait assez pervers pour mettre légalement la charge de son empêchement entre les mains de ses enfants ? Imagine-t-on la situation psychologique et morale dans laquelle la déclaration du procureur Duchemol met les familles ? Nous autorisera-t-on à réclamer une once de respect pour la dignité des uns comme des autres, avant de songer à la sacro-sainte sécurité routière ?

    L'humanité la plus élémentaire, en pareil cas, commande de confier cette tâche à une partie extérieure et neutre : un médecin s'appuyant sur une loi, claire et simple.

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  9. Ne faudrait-il pas aussi poursuivre les proches des personnes "déséquilibrées" qui assassinent les institutrices?
    Ne faudrait-il pas que l'Etat et les institutions judiciaires ou psychiatriques aient des comptes à rendre pour avoir laissé dans la nature une personne aussi potentiellement dangereuse qu'un nonagénaire au volant de sa voiture?
    Je fais des parallèles, des rapprochements et je m'interroge.

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