En ce moment, un peu avant huit heures, sur la RSC™, on nous
offre le temps d’un été l’occasion de passer quelques instants en compagnie de
Baudelaire. Vu qu’à cette heure je finis généralement mon bol de café au lait
en remplissant une grille de mots croisés de Michel Laclos, l’oreille que je
lui prête est un brin distraite. Surtout que l’idée de passer un été avec ce
pauvre Charles ne me dit rien qui vaille.
Comme tout adolescent, j’ai ressenti un choc à la découverte
de ses Fleurs du mal. Et c’est bien
naturel pour un jeune qui, étouffant dans une famille micro-bourgeoise et ultra
catholique, trouve dans les livres une porte de secours donnant sur les étoiles.
Comme le disait si bien Arthur, on n’est
pas sérieux quand on a dix-sept ans (à moins qu’on ne le soit trop) :
on rêve plus qu’on ne vit, on se fait des films, on se voit romantique,
héroïque, passionné. On s’imaginerait même du talent… On se sent Nerval de
banlieue, Rimbaud en vadrouille, tel un albatros rongé de spleen, on est à l’aise
dans sa vie comme une grenouille dans une meule de paille. Et puis, le Charles,
il habille d’une forme superbe ce fond qu’on s’imagine partager…
Seulement, le temps passe, inéluctable. On ne va pas rester
ado à jamais, vu qu’on n’est pas poète. Il y a un temps pour chaque chose comme
dit l’Ecclésiaste. On se construit une vie, pas plus vraie que celle des
livres, souvent moins haute en couleur, on se trouve un Harar de pacotille où
on mène ses petites affaires. Comme Rimbaud, on oublie les poètes ou plutôt, on
en conserve un vague souvenir. Ils sont toujours là, comme des papillons
épinglés dans leur boîte, morts mais gardant leur éclat. Baudelaire, Rimbaud,
Verlaine, Nerval chatoient sur leur fond de liège, le top de la
collection ! Et puis dans d’autres boites Lamartine, Vigny, Hugo, La
Fontaine, du Bellay, Ronsard, Marot, Villon, jusqu’à Rutebeuf et quelques
moindres seigneurs continuent de charmer. Tout est bien rangé, comme un service
de table à fleurs qui ne sert plus mais qu’on garde Dieu sait pourquoi.
Et puis voila que le transistor vous raconte Baudelaire. On
se met à y repenser et le constat est triste. On se fout bien de savoir que le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis ou qu’exilé sur le sol au milieu des huées les ailes de l’albatros l’empêchent de marcher. On n’est pas
mort à quarante-six ans après une vie somme toute assez triste. On n’a plus le
temps de s’ennuyer. Les ailes de géant, dans une crise de lucidité, on se les
est coupées (si tant est qu’on en ait jamais eu) et depuis on n’en marche que
mieux. On se fait vieux. Et puis surtout, on est heureux, autant qu’on saurait
l’être. Alors un été avec ce joyeux drille de Baudelaire, on laisse cela aux esthètes
amateurs de délectation morose et on va cueillir ses haricots…
Mazette, ça démythifie, ici ! On se croirait sur les grands boulevards de Didier -encore lui !
RépondreSupprimer??????????????????????????????????????????????????????????,
RépondreSupprimerJe crois que M. West fait allusion à mien petit texte, inclus dans En territoire ennemi, dans lequel je décortiquais plaisamment la chanson de Montand, Les Grands Boulevards…
SupprimerMême maintenant que vous le dites je ne saisis pas bien le rapport avec votre excellent texte qui était plein de verve alors que celui-ci est plutôt mélancolique.
SupprimerAh, mais je n'ai pas dit que je le saisissais, ce rapport !
SupprimerJe ne sais que répondre, je me vois rouge de honte ! J'avais ressenti dans votre billet, Didier, un retournement (de l'allégresse au sinistre) réalisé avec un humour grinçant, je ressens le même retournement (des envolées poétiques à une forme de cynisme). Il est urgent que je me repose manifestement.
SupprimerPas du tout ! Vous avez parfaitement le droit de voir ou de sentir ce que vous voulez dans les textes que vous lisez !
SupprimerLa RSC ? La radio de service cublic ?
RépondreSupprimerJe note que vous possédez un transistor, ce qui trahit votre âge. De mon temps, les radios étaient à lampes.
Il faut dire que suite à une panne de mon poste à galène je me suis vu contraint de me moderniser....
SupprimerRSC = Radio de Service Comique = France Inter (où "La voix est libre" mais seulement pour certains.)
SupprimerExilé sur le sol… et non "isolé".
RépondreSupprimerDésolé, comme dirait Duga.
Ben oui, comment pourrait-on être "isolé au milieu des huées" ? Ma mémoire me joue des tours... Merci, je corrige.
SupprimerBaudelaire sur France-Inter? Bof! Ce n'est pas si désagréable. Il y a bien pire sur cette radio.
RépondreSupprimerJe vous interdit d'insulter Mme Fourest !
SupprimerIl y a pas mal d'années, F. inter rediffusait l'été "Les maîtres du mystère", accompagné d'une musique appropriée, bien angoissante. Quelqu'un s'en souvient-il? Je les avais enregistrés en cassettes.
RépondreSupprimerJe ne m'en souviens pas.
SupprimerIl est certain que la cueillette des haricots du jardin offre des satisfactions bien plus concrètes et
RépondreSupprimerbien plus saines que la lecture des poètes ou, encore pire, que la déclamation radiophonique de
leurs œuvres par des intermittents du spectacle ravis de l'aubaine.
Bon, cela dit, Baudelaire c'est tout de même quelque chose...enfin vous voyez ce que je veux dire.
Amitiés.
C'est vrai, il lui arrive de surpasser la cueillette des haricots...
SupprimerEt dire que vous n'avez trouvé que la cueillette des haricots pour justifier ce texte !
RépondreSupprimerOn justifie ce qu'on peut avec ce que l'on a.
SupprimerJamais lu Baudelaire, à 17 ans, je ne sais ce que lisais , peut être Spirou et Fantasio ou alors des ouvrages sur les guerres, toutes les guerres.
RépondreSupprimerMais je lisais également les aventures de Spirou et Fantasio. L'un ne devrait pas empêcher l'autre.
SupprimerBaudelaire, c'est pas ce type qui a la même tête que Houellebecq ?
RépondreSupprimerNon, on dit ailleurs que c'est Céline ! Mais peut-être, en plissant les yeux sur une photo floue ?
SupprimerCéline, c'est depuis que Houellebecq a décidé de ne plus mettre de dentier. Avant il y avait un petit côté Baudelaire, je trouve.
SupprimerVu que je n'ai pas une image précise en tête de M. Houellebecq, je vous laisse mener votre débat.
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