Il ne s’agit pas ici de fable mais de réalité. Ce vendredi, tandis que je faisais mon tour de
potager matinal, abîmé dans la contemplation de quelque fleur de patate, un son
vint m’arracher à ma rêverie : celui d’un bourdonnement. Quoi de plus
commun qu’un bourdonnement quand abeilles, guêpes, frelons ou sphinx colibris emplissent
l’air du bruit de leur vol ? Seulement, celui-ci était continu. Qu’il soit
de passage ou qu’il butine l’insecte s’éloigne ou s’interrompt de temps à
autre. Ce son est donc éphémère ou saccadé. Tel n’était pas le cas. Mon regard
se tourna vers sa source et je vis sortir et rentrer du sol un flot plus ou
moins continu de ces charmants insectes dont la piqure est susceptible de m’envoyer
ad patres. Il fallait agir. Je me rendis d’abord chez le voisin Raymond, homme
d’expérience et de service. Il n’eut aucune solution à me proposer mais me
conseilla d’appeler la mairie du bourg voisin pour savoir si, moyennant
sonnantes comme trébuchantes espèces, les pompiers seraient susceptibles de m’en
débarrasser. J’appelai et m’entendis
dire que le temps du pompier guêpicide était révolu. Cependant me fut donné le
nom d’entreprises qui se chargeaient de ces besognes. J’en contactai une et,
sans tarder, un technicien me rappela : il pouvait, pour une somme de 120
à 130 Euros résoudre le problème pas plus tard qu’en fin d’après-midi. Veni
destructor, le priai-je !
Comme il ne devait venir qu’en fin d’après midi, je
descendis au bourg afin de m’y procurer le kit nécessaire à combattre l’œdème qu’une
piqure pourrait provoquer. Le pharmacien me répondit qu’un tel produit n’était délivré
que sur ordonnance, que de toute manière ils n’en avaient pas et que, suite à une forte demande, les laboratoires étaient en rupture de stock.
C’est donc le cœur amer et l’esprit ruminant de sombres pensées que je remontai
vers mon paradis souillé d’hyménoptères. Y arrivant, je vis un fourgon garé sur
mon parking. Avec une bonne heure d’avance, mon sauveur était arrivé. Après
quelques mots échangés, je lui montrai la source de mes tourments. C’est alors
qu’une forte averse débuta. Je me réfugiai donc à la maison.
Quelques minutes plus tard j’entendis qu’on frappait. Je
descendis ouvrir. L’homme m’annonça avoir mené sa mission à bien. Un peu
surpris par le peu de temps qu’il lui avait fallu, je le priai de s’assoir afin
que nous réglions nos comptes. Sortant de son blouson un carnet de facturation,
le visage du guêpicide se fit soucieux. De ce ton las qu’on prend pour annoncer
des malheurs aussi profonds qu’incontournables, il m’annonça qu’aux 120 Euros
de base viendraient s’en ajouter 24 de TVA. Tandis qu’in petto je m’écriais « Merde !
Ils s’font pas chier, les mecs (les fortes émotions entraînent parfois un
relâchement du langage), 144 Euros pour un quart d’heure de boulot, je veux
bien qu’il y ait le produit et le déplacement, mais quand même ! »,
je sus dissimuler mon trouble et de la voix guillerette du bon contribuable toujours
anxieux de participer au redressement des finances du pays, je l’assurai de mon
ravissement à l’annonce d’une telle nouvelle. Le brave homme ne partagea pas
mon enthousiasme. Le stylo à quelques millimètres du carnet maudit, il me dit
que, si je voulais bien me passer de facture, je pourrais du coup me voir
dispensé de TVA. J’étais donc face à un facturophobe ! Ces malades, du
temps où j’étais dans le discount, j’en avais côtoyé beaucoup, qu’ils fussent
fournisseurs ou clients. Cette maladie prend sa source dans une allergie aux
déclarations de revenus et aux impôts et charges sociales qu’elles entraînent.
Elle affecte à des degrés divers professions libérales, commerçants et
artisans. Je lui signifiai mon accord de principe, mais lui avouai que, ne
disposant pas d’espèces, je ne pouvais payer qu’en chèque. Cela eût découragé
un être moins atteint mais, facturophobe endurci, cela ne l’arrêta pas. Je lui
signai donc un chèque (sans ordre) et après qu’il m’eut remis sa carte, il
partit vers de nouvelles juteuses exterminations…
Vous êtes-vous au moins assuré que la "juteuse extermination" avait été menée à bien ?
RépondreSupprimerSi non, sans facture, quel recours auriez-vous ?
Elle l'a été. N'importe comment, il m'a laissé sa carte au cas où... Et puis il y a des moyens de pression...
SupprimerAu train où vont les choses, ne pas payer ses impôts va devenir un devoir civique.
RépondreSupprimerMais soyez fier: ces guêpes de terre sont, pour ceux qui sont allergiques, plus redoutables encore que celles qui font leur nid de papier sous les toitures. La somme que vous avez payée vous évitera un séjour aux urgences et la profondeur du trou de la sécu n'augmentera pas grâce à vous..
Prendre le risque de finir aux urgences afin d'économiser une poignée d'Euros serait léger et même incivique comme vous le signalez...
Supprimermoi j'aurai discuté une minoration de la facture pour qu'au moins tout le monde s'y retrouve, quitte à frauder autant le faire en partageant le bénéf , à tous les coups, c'est le gène de mon pépé russo-juif qui remontent parfois
RépondreSupprimerMais tu vois, avec ton pépé russo-juif, tu portes en toi toute la diversité pour présider la Frônce terre d'accueil -et d'intégration, à l'époque ^^.._
SupprimerSauf que lui, la diversité il n'en avait rien à faire, franchouille de bon aloi le pépé, il tartinait son pain au pâté pur porc ! quand à présider ce pays qui part en quenouille ( et je suis polie ) non merci, où alors , peut être avec une compagnie de chars Patton où Panzer, la marque m'étant égale, pour faire un sérieux ménage
SupprimerJ'y ai pensé, chère Boutfil...Mais bon, j'étais bien content d'être débarrassé des guêpes...
SupprimerPermettez moi de vous donner un tuyau moins onéreux : il existe des produits guepicides vendus sous forme d'aérosols et parfaitement écologiques.
RépondreSupprimerJe comprends vos craintes par rapport aux piqûres et leurs fâcheuses conséquences ; j'ai les mêmes. C'est pourquoi il faut mener l'opération à la tombée de la nuit après avoir repéré l'entrée du nid. Il y a deux avantages à cela : l'essaim est au complet et dans un pré-sommeil qui voit les guêpes bien engourdies et peu promptes à se défendre et vous piquer.
Il y a une vingtaine d'années, j'en avais, le soir tombé, détruit deux à l'essence. Seulement je vieillis et deviens timoré.
SupprimerSinon un artisan est intrinsèquement facturophobe, faut le comprendre.
RépondreSupprimerS'il y a des professions constamment harcelées par le fisc se sont bien celles-là.
Les commerçants sont bien matraqués aussi, j'en sais quelque chose !
Supprimerce..
RépondreSupprimerIl est interdit d'annoncer des prix hors taxes pour les services fournis aux particuliers. Vous auriez pu exiger le prix hors taxes correspondant aux 120 € TTC. D'autant que pour lui, ce n'est pas simplement hors taxes : c'est hors impôts...
RépondreSupprimerUtile précision mine de rien.
SupprimerIl y a un texte ?
Certainement. C'est quelque chose qui est régulièrement rappelé par les associations de consommateurs.
SupprimerC'est vrai, mais je n'avais pas la tête à ça. Surtout que c'était vite calculé : 100 € tout rond.
SupprimerIl s'agissait d'un guépicide libéral, mais l'essentiel n'est il pas qu'il vous ait débarrassé
RépondreSupprimerdu fléau en cause?
Amitiés.
Tout à fait !
SupprimerLes pompiers sont communistes ? Il est vrai qu'ils ont des camions rouges...
Supprimer