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mardi 8 avril 2014

Normandie



De l’avis unanime, la Normandie est le plus bel endroit du monde. Au sein de cette belle province dont on fit deux régions afin d’éviter qu’unie elle ne domine le pays par le talent et la valeur de ses hommes et de ses femmes, le département de la Manche est le plus beau, le plus vert et le plus arrosé. Ce qui ne va pas sans créer de jalousies. En ce département béni des dieux, la variété des paysages est totale : marais, collines, plaines, plages sablonneuses, côtes rocheuses, forêts, bocages, riantes vallées où chantent des rivières accrochant follement aux herbes leurs haillons d’argent, tout ce qui est apte à exalter un cœur noble s’y trouve. Le reste de la province n’est pas mal non plus.  Pays d’Auge, de Caux, d’Ouche, de Bray, Vexin, Perche Ornais, la liste entière des terroirs offrant au monde leurs inouïes merveilles serait fastidieuse à dresser.

Historiquement, suite au traité de Saint-Clair-sur-Epte signé entre Rollon, chef viking et Charles III le simple, la Normandie prit naissance en 911. Ce bon roi, lassé de voir ses pays ravagés par les incursions de ces pillards venus du Nord eut la sagesse de leur céder une partie de l’ancienne Neustrie. Ce territoire étant plutôt restreint, les normands se mirent bien vite en devoir d’arrondir l'étendue de leur duché afin d’avoir bonne figure lors des réunions annuelles du SGF (syndicat des grand feudataires).  Un des descendants du premier duc, vexé d’être surnommé « le bâtard »  eut une idée de génie : il s’en fut, en 1066, guerroyer en Angleterre  et suite à sa victoire d’Hastings s’y fit couronner roi du pays et fut, grâce à cette habile manœuvre, surnommé « le conquérant » ce qui a, vous en conviendrez, plus de gueule.

Un peu auparavant, les nombreux  fils de Tancrède de Hauteville, hobereau manchois, illustrèrent la tradition voyageuse et conquérante du normand en partant guerroyer en Italie du sud avant de conquérir la Sicile sur les musulmans et d’y devenir rois. S’arrêteront-ils là ?  Ce serait bien mal les connaître ! Certains Hauteville, mettant à profit les croisades, deviendront Prince d’Antioche et même Roi de Jérusalem…

Le patrimoine architectural de cette riche province, quand il n’a pas été rasé par les bombardements anglo-américains, est remarquable par ses magnifiques abbayes dont la plus belle, justement nommée « La Merveille » est celle du Mont-Saint-Michel, situé comme il se doit dans la Manche, et à laquelle FR 3 Normandie consacre au moins un documentaire par semaine.  Pour ce qui est de la littérature et des arts, La Normandie a fourni à la France tant de talents que la liste en serait interminable et ce jusqu’aujourd’hui, où nombre de blogueurs réactionnaires continuent de faire flotter au firmament l’étendard de gueules aux deux léopards d’or.

Les riches pâturages normands permettent qu’on y élève  quantité de vaches, chevaux, et autres ovins. Le lait qu’on tire des premières permet de fabriquer des fromages renommés  dont le célèbre Camembert, devenu un symbole du bien vivre à la française. A ce propos, et cela montre la bonté profonde du Normand, afin qu’au cas où il se montrerait, le soleil n’inflige ses redoutables coups aux paisibles bovidés lactifères, furent plantés nombres d’arbres leur procurant une ombre protectrice. Les paysans réalisèrent bien vite que ces arbres, non contents d’ajouter un charme certain aux campagnes lors de leur floraison, fournissaient à terme des fruits un rien acides mais qui écrabouillés dans un pressoir fournissaient, une fois fermenté, un breuvage qu’ils nommèrent cidre  (du latin ecclésiastique sicera : boisson enivrante).  Le Normand trouva ainsi un moyen de se distraire lorsqu’un ciel bas et lourd pesait comme un couvercle sur son esprit gémissant en proie au longs ennuis. Il s’aperçut fortuitement qu’en distillant ledit cidre dans un alambic, on en tirait une liqueur bien plus enivrante qu’il nomma Calvados et qui présentait l’avantage d’éloigner tout buveur non aguerri.  Proposer « encore une chotte goutte de Calva » permettant de chasser à coup sûr les cousins citadins importuns.

Les villes et villages normands sont si nombreux que nous n’en citerons que les principaux : Rouen, Caen, Le Havre, Alençon, Evreux, Saint –Lô, Chaulieu, le Plessis-Hébert et Bizou.  On s’y livre à l’industrie ou aux services avec une ardeur  modérée par le bon sens.

Mais, nous n’insisterons jamais assez sur ce point puisqu’ il n’y a richesse ni force que d’hommes comme disait Jean Bodin, ce qui fait l’attrait principal de cette province, c’est sa population. Pt’êt’ ben qu’oui, p’t’êt’ ben qu’non et il pleut sont les formules les plus usitées du Normand, prouvant à la fois la saine prudence et le sens aigu de l’observation de ce peuple d’élite. Au contraire de certains méridionaux, il ne pratique que peu l’exubérance. Ainsi, un mien voisin anglais m’a-t-il avoué que bien qu’il ait pris l’habitude ces neuf dernières années de gratifier le fermier d’à côté d’un geste de la main lorsqu’il passe en voiture, ce brave homme n’a pas encore jugé utile de lui rendre son salut.  C’est dire à quel point réserve et discrétion sont des traits marquants  d’une population qui évite de vous lasser par ses oiseux bavardages.

Il y aurait tant à ajouter en faveur  de cette belle province… Je m’en tiendrai là, car on pourrait m’accuser, bien que je ne sois aucunement Normand,  de manquer d’objectivité et me contenterai de vous inviter à y venir passer d’agréable séjours  que ce soit sur sa côte ou en son intérieur (prévoir de chauds vêtements, quelle que soit la saison).

Petit jeu : Deux extraits de célèbres poèmes se sont harmonieusement intégrés à notre exposé afin d'ajouter un brin de lyrisme à l'austérité du discours scientifique. Sauras-tu les identifier ? 

25 commentaires:

  1. Le fermier voisin a mis SEPT ans avant de répondre à mon bonjour joyeux quand je passais avec les chiens. Maintenant c’est lui qui me fait de grands saluts du haut de son tracteur. Ne pas se décourager, voilà mon dicton !

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    1. Vous serez tombée sur un individu particulièrement expansif !

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  2. Le dormeur du Valls", oh pardon du val de Rimbaud et "Spleen" de Baudelaire. Qu'est-ce qu'on gagne?

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    1. Bravo ! Le gain : toute mon estime, ce qui n'est pas rien !

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    2. C'est un honneur que d'être nominé. Mais c'était facile!

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  3. Trop tard pour les poèmes, sinon, pour le reste j'avoue un gros faible pour le calva et le camembert, à condition que le premier vienne de la ferme et le que le second, outre l'appellation "de Normandie" ait été élevé dans des conditions compatibles avec une saine dégustation. Les deux font d'ailleurs bon ménage et un clacos de 250 grammes accompagné d'un grand verre de calva, je recommande à tout amateur éclairé de grande bouffe pas compliquée.
    Quant au climat, je ne suis pas jaloux, je vous le laisse.
    Amitiés.

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    1. Euh le Camembert serait en fait alsacien, un moine l'aurait donné à Marie Harel en remerciement de son hospitalité.

      Mais bon, rien ne vaut la teurgoule.

      Vryko

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    2. @ Nouratin : Pas très digeste votre festin !

      @ Vrygo : N'ayant jamais goûté à ce plat, je ne saurais dire si je vous approuve. Pour ce qui est du Camembert, que la recette vienne d'un moine alsacien ou non, ce sont bien les Normands qui en ont assuré le succès.

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  4. Je suis tout de même surpris de vous voir, vous, Normand de haute extraction, commettre cette erreur courante qui consiste à assimiler la Merveille avec l'abbaye tout entière, alors que ce surnom ne désigne que l'ensemble architectural comprenant notamment le réfectoire et le cloître.

    Mais bon : grâce à tout le reste, il vous sera sûrement beaucoup pardonné.

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  5. Hola! Le Perche, même 'ornais" n'a jamais fait partie de la Normandie!
    Province de plein droit, le Perche, à la mort du dernier comte Rotrou, devint un panage de la Couronne.

    ***Non à l'impérialisme normand !

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    1. apanage, pas panage, mais le futé lecteur aura de lui-même rectifié.

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    2. Pour l'apanage, d'accord. Pour la province du perche d'accord aussi, bien que certains territoires (comme la seigneurie de Bellême) aient un temps été au pouvoir des ducs de Normandie quand Henri 1er Beauclerc confisqua ses terres à Robert II qu'il emprisonna jusqu'à sa mort). Toutefois, le département de l'Orne faisant partie de la région de Basse-Normandie, j'ai pris sur moi de l'intégrer à la Sublime Province. Et puis, qu'on le veuille ou non, par ses paysages,ses élevages, ses prés plantés de pommiers, le Perche Ornais rappelle sa puissante voisine, chose que ne font pas le Preche-Gouet ou le Faux-Perche.

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  6. Sept ans, neuf ans pour répondre au salut de son voisin! Voilà la preuve que les gros c***ds du bassin parisien sont bien des êtres malades.
    jard

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    1. Géologiquement, je serais plutôt (et même carrément) dans le Massif Armoricain...

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  7. Dans ma jeunesse la Normandie c'était le casino de Forges Les eaux l'hiver et Houlgate et Honfleur l'été. Une connaissance bien limitée je l'avoue.
    Quelques souvenirs humides aussi du côté de Cherbourg, la tombe de Braque à Varengeville, des moules crues dans un port de pêche au petit matin arrosées de blanc sec, et des plateaux de fruits de mer mémorables le soir à Dieppe.
    Peu de choses finalement.

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    1. Magnifique Honfleur ! Dommage qu'on y ait vue sur Le Havre !
      Peu de choses ? Pas vraiment !

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  8. Le Casino de Forges les Eaux était magnifique. On était d'un coup, par le décor, la générosité des espaces, ramenés aux années folles. On y claquait voluptueusement le peu de blé qu'on avait.
    Des cons se sont mis en tête de le rénover au début des années 90, de le moderniser. Ça tombe bien j'ai plus de blé à craquer.

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    1. N'étant pas, à la différence de mon père que ça prit sur le tard, amateur de casinos, je ne peux partager vos regrets. Et forges-les-eaux est bien loin des collines...

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  9. "Et le Couesnon.en sa folie mit le Mont en Normandie"

    Vous oubliez le Niemen

    Cette superbe chanson des charlots:

    http://www.dailymotion.com/video/x7tlhr_les-charlots-ma-normandie_music

    Sinon, un chant d'amour pour cette région.

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  10. Magnifique région que je hante souvent, il y fait toujours beau quelque part, surtout le jour où l'on part.
    D'où l'expression météorologique normande : "c'est pas demain la veille !"

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