Je l’ai déjà évoqué, être formateur en Français Langue Étrangère
a été pour moi l’occasion de découvrir des milieux jusque là inconnus. Les
récents déboires de M. Aquilino Morelle, plume du bon M. Hollande, ont ramené à
ma mémoire un personnage rencontré au ministère de l’emploi britannique. J’y
faisais cours à trois hauts fonctionnaires. L’un d’eux était chargé de la
rédaction des discours de son ministre. Ce brillant diplômé de Cambridge voyait
sa tâche compliquée par le fait qu’était adjoint au titulaire du portefeuille
un secrétaire d’état. En cas d’empêchement de dernière minute, il arrivait que
le ministre déléguât son subordonné afin qu’il allât inaugurer quelque
chrysanthème. Et là commençait la géhenne du jeune serviteur de l’état, car si
le ministre était disert, son remplaçant était du genre taiseux (ou le
contraire, je ne me souviens plus très bien). Du coup, il lui fallait remanier totalement
le beau discours et cela au pied levé afin qu’il s’adaptât au style du sous-ministre.
Ce fonctionnaire avait été, lors d’un précédent ministère,
chef de cabinet du ministre. Ce qui lui permit de constater les différences qui
peuvent exister entre une république
monarchique et une royauté démocratique. Son homologue français étant venu lui
rendre visite, notre cher compatriote fut frappé de stupeur lorsqu’il se vit
convié à déjeuner à la cafétéria du ministère où tous les fonctionnaires, même les plus humbles, prenaient leur repas. L’eût-il entraîné dans un bouge sordide que le
Français n’eût pas eu l’air frappé d’un dégoût plus horrifié…
Il faut dire que le train de vie d’un ministre de sa majesté
et de ses proches collaborateurs est plus spartiate que celui des nôtres :
pour tout logement de fonction, le ministre ne disposait que d’un deux pièces
au dernière étage de son ministère qui était généreusement mis à sa disposition
au cas où une séance de la Chambre des Communes s’éterniserait au point de ne
plus lui laisser l’énergie de rentrer chez lui…
Être chef de cabinet ministériel ne met pas à l’abri du
ridicule, comme le montre cette anecdote qu’il me conta : un jour qu’il se
rendait à un concert au Royal Albert Hall, il aperçut sur son passage des
fraises appétissantes. Succombant au péché de gourmandise il fit l’emplette d’une barquette qu’il plaça dans son
attaché-case lequel était totalement vide en dehors de sa carte d’accès au
ministère : un haut fonctionnaire quittant son lieu de travail les mains
dans les poches, sans une serviette qu’on suppose bourrée de dossiers urgents n’aurait
pas l’air crédible. Il laissa la musique le délasser de ses lourdes charges puis quitta la salle de concert. Quelque temps
après, il réalisa qu’il y avait oublié son attaché-case. Il rebroussa donc
chemin pour la récupérer et arrivé sur place, apprit que la mallette avait été
retrouvée. Elle faisait même l’objet de l’attention de bien des personnes. En effet, c’était une de ces époques où les
braves Irlandais de l’IRA, pour une raison ou pour une autre, se livrent sans
retenue à des distractions du genre explosif. L’endroit était cerné par la
police et on lui indiqua qu’une équipe de démineurs s’apprêtait à neutraliser un
bagage suspect. La honte lui monta au
front en même temps que son âme fut envahie par un cruel dilemme :
allait-il quitter les lieux sans rien dire ou s’exposer au ridicule qu’entraînerait
la récupération de son bien ? Comme le pauvre Rodrigue, des deux côtés son
mal était infini : si après l’avoir fait sauter on retrouvait le document
l’identifiant en compagnie de fraises écrabouillées sa fierté en prendrait un
coup. De même avoir à exciper de ses fonctions pour récupérer son bien n’était
pas très glorieux non plus. La mort dans l’âme, il choisit la seconde solution
qui aurait moins de conséquences et put après moult excuses récupérer ses fraises…
C’est de cette anecdote que la Sagesse des Nations a tiré le fameux proverbe : « Fraises
en malette font perdre face et tête » (à moins que, dans sa grande
prescience, Lao Tseu ne soit à l’origine de cet adage comme de tant d’autres…).
J'espère que Didier ne va pas tarder à venir vous lire pour faire la différence entre un blog spirituel et amusant et un blog sinistre et calamiteux tel qu'il nous en a dégotté un pour notre plus grande perplexité.
RépondreSupprimerJe dois avouer ne pas avoir été séduit non plus. Je n'ai pas fini de lire le premier billet...
RépondreSupprimerEn effet, ces Britanniques nous donneront toujours des leçons de savoir vivre, même lorsqu'ils ramènent leurs
RépondreSupprimerfraises!
Amitiés.
Leur distraction les conduit parfois à ne pas les ramener...
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