Celui qui avait déclaré la guerre à la mort nous a quittés
hier. C’était couru d’avance. Ses chances de l’emporter étaient nulles. Avec
lui, c’est un peu de ma jeunesse qui s’en va. Hara Kiri ! Charlie Hebdo !
Qu’il repose en paix !
Ses provocations charmèrent mon adolescence. C’était de mon
âge. Il faut se rappeler que les années soixante n’étaient pas si « swingueuse »
qu’on aime à les rêver aujourd’hui. Il arrivait même que, petit bourgeois, on y
étouffât dans une famille catholique pas vraiment rock n’ roll. La bande d’hurluberlus
qui venait piétiner les conventions qu’on aurait voulu nous voir révérer apportait
un semblant d’oxygène. On accueillit
donc ses plaisanteries douteuses avec une gourmandise que rehaussait un arrière goût de péché… On se prêtait le mensuel qu’on lisait en
cachette. Mon père, en ayant trouvé un numéro mal dissimulé le confisqua après
un discours outré. « Jamais vu ni lu rien de plus obscène », qu’il
déclara. Il était dans son rôle de pater familias, avec l’indispensable hypocrisie
que ça implique…
Et puis le temps passe, celui que ma mère qualifiait de « grand
saint » car il guérit tout. Y compris du goût de la provoc qui finit par
sembler puéril. Il y eut bien quelques livres autobiographiques agréables :
Les Ritals, Les Russkofs, Bête et
méchant, Les Yeux plus grands que le ventre (je possède encore les deux
derniers)…
Mais le vernis se mit
à craquer. Invité à Apostrophes il
menaça l’ivrogne Bukowski de son poing dans la gueule. Ça sentait le commerçant
frustré d’être gêné dans sa vente de soupe. La mort par overdose de sa petite
fille lui donna l’occasion d’un discours sanctifiant la victime et blâmant les
marchands de mort qu’aucun réac n’eût renié. Empêtré dans ses histoires de cul,
le chantre du « Stop-crève » fut sauvé de justesse d’une tentative de
suicide par pendaison. Son désir de vie éternellement prolongée fleurait l’égocentrisme
et la banale pétoche. L’anar iconoclaste
se montrait bien conventionnel, voire ridicule…
Que restera-t-il de celui qui se désignait comme seul ennemi
la bêtise mais n’en fut, comme personne, exempt ? Il fut l’homme d’un temps. Ce temps est
révolu.
Juste hommage, qui change agréablement des pleurnicheries révérentielles.
RépondreSupprimerMerci Didier.
SupprimerSi dans les années 60, les filles n'avaient pas encore l'idée de jouer au rugby, elles ne lisaient pas plus Cavanna, bien qu'elle n'en ignorassent pas la trogne.
RépondreSupprimerMerci donc, de lui donner vie pour moi, le jour de sa mort !
mieux vaut tard que jamais !
SupprimerJ'ai rencontré par hasard Cavanna dans un théâtre de l'est parisien, c'était il y a une dizaine d'années, il était pas bien frais, je me demande si il avait encore toute sa tête mais je n'ai jamais été un admirateur, de nos jours avec valls et ses moralistes, il serait déjà en prison.
RépondreSupprimerIl y a une dizaine d'années, il avait quatre-vingts ans. Serons-nous encore frais à cet âge?
Supprimer@ Grandpas : Il était quand même dans le camp du bien, celui qui a le droit de dire n'importe quoi (et son contraire) en toute impunité.
Supprimer@ Pangloss : vus mes efforts soutenus, il est fort probable que je n'atteigne pas cet âge. Si je l'atteins, j'espère que ce sera en pleine forme (mieux que maintenant !) ou complètement gâteux pour ne pas me rendre compte de ma déchéance.
Faut-il l'aimer pour lui reprocher à ce point ses défauts!
RépondreSupprimerJ'ai apprécié un temps fut. Dire que maintenant je l'aimerais me paraît très exagéré...
SupprimerLes Russkofs est un roman autobiographique drôle, triste, sincère et touchant.
RépondreSupprimerje me souviens l'avoir apprécié mais c'est si loin tout ça...
Supprimerj'ai lu tous ses livres dans le temps, je dois bien en avoir encore un où deux quelque part, mon père aimait lire ses journaux mais nous n'y avions pas droit, on lui chipaient en douce , valait mieux ne pas se faire pincer !
RépondreSupprimerVous aussi on vous brimait ?
SupprimerParfaite incarnation du faux anarchisme ultraconsensuel et qui assure de bonnes ventes, Cavanna fut surtout le misérable et cupide profiteur qui transforma l'excellent HaraKiri du bon professeur Choron en un bidule gauchiste.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe ne connais que ses romans biographiques, évoqués ci-dessus par M. Etienne, et je n'y ai jamais décelé "un faux anarchiste ultra-consensuel" et gauchiste (il s'en foutait complètement - lire les pages qu'il a consacrées aux communistes), ou encore un "cupide profiteur", mais un écrivain doué, un esprit libre, avec un style unique, et parti vraiment de rien. Pour ma part, je le regretterai et je le relirai avec plaisir.
RépondreSupprimerque rehaussait un arrière goût de péché…
RépondreSupprimerLe péché, le savoureux péché, qui manque cruellement à notre époque.
Passer la frontière, explorer le monde interdit...transgresser la morale.
Aujourd’hui que l'immoralité est la norme, comment faire pour vivre un peu ?
Il n'en restera rigoureusement rien, l'outrance et l'exploitation des tendances fugaces ne remplacent ni le talent ni la profondeur. Qu'il repose en paix, tout le monde la lui foutra, soyez en sûr.
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