Rassurez vous, je ne vais pas (pour une fois, comme dit ma fille) vous parler de la fin prochaine de la civilisation occidentale mais d’une réalité elle aussi bien concrète : celle de l’inéluctable amenuisement de mes cueillettes de haricots verts et de leur fin imminente.
Depuis quelque temps, j’avais pris la douce habitude de me confectionner pour mon déjeuner des salades comme celle-ci :
Tomates et haricots verts du jardin, œuf et thon au naturel (ou des sardines à l’huile arrosées d’un filet de vinaigre : sans variété la vie devient vite lassante !). Un peu de sel et de vinaigrette maison pour relever le tout et en avant les agapes suivies d’un « Merci Mon Dieu ! » façon Roger Hanin dans « Le Grand pardon » quand il justifiait, face à Jean-Louis Trintignant, l’apparente disproportion entre ses revenus déclarés et son train de vie fastueux par des goûts alimentaires simples.
C’est un véritable petit bonheur que de se régaler des produits de son jardin ! Mais me direz-vous, quid du thon et de l’œuf ? Pour les œufs, la réponse est simple : pourquoi irais-je me compliquer la vie en élevant des poules, animaux bruyants et intellectuellement limités, quand on en trouve de très bons dans le commerce ? Pour le thon, au risque de décevoir certains citadins, je dirais que contrairement à une idée répandue, le thonier n’est pas un arbre donnant, selon les variétés, des boîtes de tailles et de goûts (à la tomate, à l’huile ou au naturel) divers. Il s’agit d’un navire de pêche spécialisé dans celle du thon. S’en équiper serait coûteux autant qu’inutile à l’endroit où je vis tant que le réchauffement global n’aura pas élevé le niveau de la mer de plus de 200 mètres.
Cela dit, dès après-demain je me verrai contraint de remplacer les haricots par des dés de pommes de terre (du jardin, toujours). Car je me refuse à acheter des haricots du commerce, ceux-ci entretenant avec les miens autant de rapports qu’un grand cru de Bordeaux avec de la piquette espagnole en cubi. Et puis, avec le temps, les tomates, à leur tour viendront à s’épuiser. Nous entrerons dans cet interminable automne qui, certaines années, est l’unique saison normande.
Ne resteront à récolter que des poireaux. Maigre consolation ! Dans le congélateur quelques sachets de sauce tomate et de quoi préparer des gratins de courgettes permettront un temps de prolonger les plaisirs qu’offre le jardin comme le feront les pommes de terre de la cave. Ainsi va la vie...