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dimanche 21 septembre 2014

Patrimoine



Aguichés par un article du journal local, nous prîmes hier la route de Brécey afin d’y visiter un petit château. Arrivé en ce glorieux chef lieu de canton, du château convoité nous ne vîmes aucun panneau indiquant la direction. En revanche, un autre était signalisé. Nous suivîmes les flèches et parvînmes  à une superbe demeure où nous demandâmes à une charmante vieille dame arrivée en même temps que nous si elle connaissait l’objet de notre quête. Elle fut incapable de nous renseigner clairement mais nous annonça que ladite demeure était également ouverte à la visite et nous proposa gentiment de nous guider.

Visiblement, la brave vieille dame était passionnée par ce monument construit au début du règne de Louis XIII mais dont le granite laissait mal deviner les quatre siècles d’âge. Nous découvrîmes un splendide escalier, de vastes salles, un tunnel de fuite, de belles voûtes dont l’enduit disparu laissait voir la brique. Il ne restait que le logis central, les deux ailes d’origine ayant servi de carrière, comme il se doit, lors de la révolution. De sa gloire passée ne restait que ce qu’avaient daigné en laisser les vandales de 1793. Toutefois, je fus touché par le dévouement de notre guide à qui le grand âge rendait la marche difficile mais qui malgré tout mettait un point d’honneur à transmettre sa passion. Après des remerciements et un symbolique don, nous quittâmes l’endroit et finîmes par trouver le château qui nous avait attiré là.

La demeure était bien plus modeste. Il s’agissait plus d’un manoir de hobereau que du palais de grand seigneur que nous venions de découvrir. La visite était assurée par la propriétaire qui nous expliqua comment son mari et elle étaient parvenus à rendre du lustre à ce que les fermiers qui l’occupaient il y a plus de vingt ans  avaient fait de la demeure. Restauration de la tour, récupération d’un escalier d’époque,  modifié pour desservir les étages, restauration des sols, abattage de cloisons pour rendre aux pièces leur grandeur passée… Plus de deux décennies d’efforts, de sacrifices, de choix coûteux autant que douloureux entre telle ou telle rénovation…

Ainsi des gens, que ce soit en tant que membres d’association ou de propriétaires tombés amoureux d’une bâtisse au point de tout lui sacrifier, transmettent tant bien que mal l’amour du patrimoine. Cela continuera-t-il ?  Le fameux métissage dont on nous bassine et qu’on nous décrit inéluctable sera-t-il en mesure de produire de telles personnes et des amateurs pour apprécier leurs efforts ?  J’avoue ne pas en être certain.

22 commentaires:

  1. Il y a aussi que des droits de succession scandaleusement lourds font souvent voler en éclats ces héritages amoureusement conservés.

    (Sinon, dans un souci de parité scrupuleuse, je suggère de remplacer l'archaïque et scandaleusement androcentré "patrimoine", par un "matrinonne" qui serait du plus gracieux effet.)

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  2. Il y aura toujours des personnes admirables, amoureux du patrimoine, gardiens des vanités. Je pense à votre appentis, à votre lopin de France, à votre blog en péril, Sisyphe infatigable du potager, de la plomberie sans joint et de l'orthodoxie syntaxique. Simplement cette France se rétrécit. Mais d'où je suis, Gulliver ban-localisé, j'entends encore sa douce voix .

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  3. Mais si, mais si, certains mettront des tentes bédouines , d'autres des grandes cases en bois local, des maisons en terre crue séchée au soleil, vous voyez il ne faut pas désespérer.

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    1. C'est vrai mais dans ces jolies demeures trouvera-ton de beaux escaliers à triple volée ?

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  4. Qu'est-ce qu'un tunnel de fuite, google est là incapable de me renseigner.
    "Plus de deux décennies d’efforts, de sacrifices..." J'ai vécu ça pour une maison à rénover, j'appelle ça maintenant plus de décennies de temps à vivre perdus..
    @grandpas: vous croyez malin de me mettre le moral à zéro?

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    1. Le tunnel qui en cas d'attaque permettait la fuite des habitants du château. Il débouchait à plusieurs centaines de mètres de là.
      Pour le reste, tout dépend de ce qu'on appelle vivre... Personnellement j'en suis à la troisième maison que je rénove et les travaux que j'effectue me procurent une satisfaction certaine...

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    2. Hahaha, Bricolator a parlé... là où il passe, les maisons trépassent... euh, je veux dire repoussent...

      Tiens, Jacques, si un jour vous vous lassez du bricolage, vous pourrez toujours vous recycler dans la dentisterie lourde...

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  5. Et voilà, vous êtes tombés dans le panneau ! Ces admirables propriétaires de château vous font visiter leur demeure parce qu'ils sont obligés de le faire deux ou trois fois pas an, en échange de substantielles subventions. La France entière (et les pauvres aussi) paient pour que Madame de Bidule et Monsieur de Machin-Chouette puissent mener la grande vie de leurs ancêtres tout en se faisant admirer des manants autorisés à pénétrer vingt minutes dans leur gentilhommière.

    Les vrais artisans du patrimoine ce sont les chercheurs, les historiens locaux qui, sans argent, essaient de maintenir et d'augmenter la connaissance du pays. Ce sont les bénévoles qui ouvrent et entretiennent les églises, les équipes associatives qui bossent pour organiser des visites-découvertes sans rien recevoir en échange. Mais ceux-là n'ont pas de châteaux et tout le monde s'en moque. Personne ne songe à les trouver formidables. Et figurez-vous que je sais de quoi je parle.

    Comme disait Chamfort : "Guerre aux châteaux ! Paix aux chaumières !"

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    1. "...en échange de substantielles subventions [...] pour que Madame de Bidule et Monsieur de Machin-Chouette puissent mener la grande vie de leurs ancêtres tout en se faisant admirer des manants..." Quels beaux préjugés.

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    2. Vous avez raison Monsieur Polo ! Pour les bénévoles et les historiens locaux s'entend ! Des millions de personnes admirables qui tombent facilement dans les panneaux.

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    3. Renseignez-vous. Les châtelains n'ouvrent pas leur porte s'ils n'y sont pas obligés. Et c'est d'ailleurs assez naturel, il me semble. Quant aux préjugés, j'aurais du mal à en avoir autant que ces ci-devant aristocrates qui ne se sont donné que la peine de naître. "L'humanité commence au baron", a dit l'un d'eux. Vous trouverez chez Tocqueville, qui connaissait bien son milieu, quelques explications sur la violence que la Révolution leur fit subir.

      Je maintiens donc mon propos, que je crois frappé au coin du bon sens. Les manants qui vont visiter les châteaux se sentent flattés d'y être accueillis, ce qui est un sentiment bien vil. Et les châtelains si merveilleusement accueillants ne le sont que parce que la loi les y oblige (quand ils bénéficient de subventions), renseignez-vous donc, ou allez faire un tour dans ce parangon d'humanisme populaire qu'est l'association "Vieilles Maisons françaises", vous verrez si on vous reçoit avec des colliers de fleurs. (Je précise que le mot "Maisons", ici, n'évoque pas les habitations, mais les lignées, les races, comme on disait jadis, vous savez, ces gens de bonne famille qui ne se mélangent pas avec les gueux dont le sang est moins bleu).

      Les châtelains qui n'ont pas de particule mais seulement du pognon cherchent à imiter leurs modèles et sont donc encore plus condamnables.

      En revanche, la référence à Chamfort, brave et honnête révolutionnaire et surtout grand écrivain, c'est pour la rigolade. Bien qu'ils le mériteraient, je n'ai pas le dessein de planter la tête des châtelains sur une pique.

      Maintenant, si ça vous amuse de payer des impôts pour que des gens puissent à vos frais réparer et entretenir leur maison, libre à vous.

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    4. Cher Marco, votre réponse truffée de généralités fait plaisir à lire, c'est rafraichissant, ce que vous écrivez. Que des châtelains soient comme vous le dites (vénaux ? c'est ainsi que je résume votre point de vue en tous cas), je ne le nie pas. Je réfute simplement qu'ils le soient tous, et j'en réfute l'exclusivité. Rien de plus (faut pas vous énerver, hein.)

      Quant à votre dernière phrase, parleriez-vous de la Fônktion Publique ?

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    5. Révolution inachevée, oui.
      Recyclage du sang bleu et populace bernée.
      Quoi de plus normal ?

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    6. Cher Al West, je vous signale que même Léon est d'accord avec moi, alors un peu de respect, je vous prie.

      Bon, s'il s'agit de dire qu'il y en a un ou deux de bien, je me sens capable de vous l'accorder.

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    7. Monsieur Polo, sans vouloir vous vexer, permettez-moi de ne pas partager votre opinion.
      D'une part, la brave vieille qui m'a fait visiter le premier château n'en était pas la propriétaire mais simplement membre d'une association culturelle locale. Le propriétaire, une SCI familiale, a confié à ladite association l'animation des lieux. Je doute que les ressources tirées des subventions dépassent les frais occasionnés par l'entretien du bâtiment, lequel est inhabitable, vu qu'il ne dispose d'aucun chauffage, que l'agencement des pièces est peu adapté à une vie confortable selon nos critères et qu'il y règne une grande humidité. J'irais jusqu'à soupçonner ces braves gens d'y dépenser plus qu'ils ne gagnent, vus qu'ils n'en tirent rien.
      Le second château n'étant pas classé monument historique ne bénéficie donc pas de gras subsides. Ces gens ont été pris de passion pour une maison (au passage, les nobles ne parlent jamais de château mais de maison et non au sens où vous l'entendez), ils ne sont pas descendants d'aristocrates, et du fait que les enfants ne sont pas prêts à continuer les sacrifices des parents, on sentait chez la propriétaire certaines interrogations quand à l'utilité de poursuivre un aménagement qui ne saurait aucunement être rentable. Les châteaux se vendent peu cher quand ils se vendent.
      J'ajouterai qu'il y a quelques années j'ai eu la chance de visiter l'abbaye de Hambye guidé par la veuve d'un médecin qui s'en était entiché et avait englouti toutes ses ressources dans le maintien et la restauration de ces bâtiment conventuels. Libre à vous de penser que c'était pour s'offrir le luxe inouï de coucher dans le dortoir des convers...
      Tous ces gens me semblent faire, au niveau individuel, plus pour notre patrimoine que ne le font chacun des "millions" de bénévoles.
      Pour finir sur ce point, j'ai vécu dans un village où une des plus anciennes, puissantes et glorieuses familles de France possédait un château. L'entretien en était approximatif et le châtealain, un homme sympathique était encore plus dépourvu de morgue que ne le sont certains enseignants. Il ne vivait d'ailleurs pas dans le château mais dans une annexe qu'il avait retapée lui-même car, je le répète bien des châteaux sont difficiles à chauffer et peu adaptés à la vie moderne. Irai-je jusqu'à vous apprendre qu'il ne roulait pas sur l'or mais qu'il se sentait un certain devoir de maintenir tant bien que mal ce dont il avait hérité ?
      Ce qui m'étonne dans votre discours est que vous semblez vous faire l'avocat d'une société égalitaire. En dehors du fait que ça me paraît totalement utopique, je m'interroge sur les productions artistiques qu'elle serait capable d'engendrer. Les puissants ont toujours encouragé les arts, stimulé la créativité et ainsi permis que se perpétuent et s'améliorent les savoir-faire artistique comme artisanaux. Qu'ils l'aient fait par goût du luxe et de l'ostentation ne fait aucun doute. Ce qui importe à mes yeux est le résultat.
      Pour finir, je ne suis tombé dans aucun panneau : il se trouve que j'apprécie la beauté architecturale. Il ne s'agit aucunement de me prendre, le temps d'une visite pour une marquise, un duc, un moine ou un évêque mais de contempler le patrimoine que nous ont légué ceux-ci et que vos amis révolutionnaires ne sont pas parvenu à détruire entièrement malgré tout leur enthousiasme de vandales.

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    8. Je ne connais pas la situation précise du château que vous avez visité, je parle de manière plus générale. J'entends bien vos remarques, justes sans doute en partie, mais n'allez pas me faire croire que les aristos sont gens ouverts, sympathiques et simples. Restons raisonnables.
      Il se trouve que j'ai quelques raisons, disons "locales", d'être échaudé sur la question. Et loin de moi, bien sûr, l'idée de vous prendre pour un gogo. On a vite fait de se faire avoir. Tenez, moi par exemple, dans ma folle jeunesse j'étais royaliste. J'en ai gardé une sympathie marquée pour Maurras, quant au reste...

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  6. Moi, si j'avais une Daimler, je m'en irais par les routes humides et tortueuses de la haute Normandie visiter le patrimoine de J-E.
    Son patrimoine amical me suffirait.

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  7. Il est préférable, je pense, de ne se faire aucune illusion à cet égard, les nouveaux venus et leurs descendants
    préféreront certainement détruire, c'est plus conforme à leur culture.
    Amitiés.

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    1. Il est d'ailleurs frappant de voir à quel point les minorités visibles sont sous-représentées dans les visites de monuments historiques. Peut-être qu'à l'exemple de M. Polo, elles savent éviter les panneaux... A moins qu'elles n'aient rien à cirer d'un patrimoine dans lequel elles ne se reconnaissent pas ?

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