J’aimais bien le catéchisme. Pas tant pour la religion que parce que chaque
lundi, la séance terminée, la brave femme qui guidait nos pas nous servait un
café au lait accompagné de biscottes beurrées et que ce goûter m’était un pur délice.
Notre catéchiste s’appelait Madame Gérard. Cette vieille et
corpulente dame partageait un pavillon en meulière avec une amie nommée Madame
Antoine qui en était propriétaire. En fait, je l’appris ensuite, ces deux noms
n’étaient pas leurs véritables patronymes.
Suivant une ancienne coutume banlieusarde elles s’appelaient par le prénom de
leur défunt mari. Madame Antoine était auvergnate. Et comme il se doit elle
avait tenu un bistrot avec son bougnat de mari avant qu’il ne décède. C’est
ainsi qu’était née leur amitié car notre catéchiste avait connu de mauvaises
passes. Pour des raisons que j’ignore ou sans raison du tout Madame Gérard
était, comme on disait, tombée dans la débine : boisson et déchéance. La bonne bistrotière l’avait prise sous son
aile, l’avait aidée à sortir de ce mauvais pas et, prenant sa retraite, avait souhaité continuer de bénéficier de sa
compagnie.
Toutes deux grandes et fortes dames (tout adulte paraît
grand à cet âge !), elles étaient cependant dissemblables. Madame Antoine,
en bonne commerçante, était d’un abord sympathique et de physionomie avenante
tandis que son amie était rude de manières et de caractère. Les leçons se passaient sans qu’aucun gamin ne bronche. Un regard suffisait pour ramener les distraits à
plus d’attention. Je ne me souviens pas de ce qu’elle pouvait bien nous
raconter mais je suppose que la brave dame avait, par osmose, contracté auprès
de sa compagne la foi du charbonnier et que la haute théologie n’était pas vraiment
sa tasse de thé.
Entre autres traits marquants, la bonne paroissienne avait
une curieuse tendance à systématiquement
déformer les noms des personnes. Ainsi le brave abbé Salinoc, vieux prêtre
breton fidèle à la soutane, vit-il son nom « occitanisé » en
Solignac. Cette manie rendait la conversation difficile car, sauf paronomase et
contexte clair, on ne voyait pas toujours de qui elle parlait.
En dehors du catéchisme, il arrivait que je lui rendisse de
menus services. Sa corpulence et son âge lui rendant de longues marches
pénibles, je me voyais chargé, durant les vacances d’été du marchand de
journaux voisin, d’aller acheter son
quotidien au diable vauvert. Je crois qu’il s’agissait de la septième et
dernière édition de France-Soir. Pas
question d’en acheter une autre. La consigne était claire et au cas où le
marchand n’avait que la sixième je restais à faire le pied de grue jusqu’à l’arrivée
de la bonne édition. Je me chargeais occasionnellement d’autres courses et ceci
avec enthousiasme, plus appâté par les récompenses que motivé par un altruisme
profond. En effet, mon zèle se voyait récompensé par une pièce de cinq francs
(anciens !) qui m’autorisait au bout de cinq jours à compléter ma
collection d’images d’animaux d’une nouvelle planche. Sans compter un somptueux goûter (biscottes et
café au lait) de temps à autres.
Dieu seul sait comment, alors que je faisais mon tour
matinal de jardin, le souvenir des deux braves vieilles m’est revenu… La joviale comme la bourrue ont depuis bien
des lustres quitté cette vallée de larmes. Si, sans trop ennuyer le lecteur, j’ai
pu les ramener un instant à la vie, ce sera déjà ça. Sans compter que dégoiser
politique alors qu’il fait si beau….
Ce sont de très beaux souvenirs et joliment racontés.
RépondreSupprimerMerci Catherine !
SupprimerComme la Dame du premier commentaire mais on va encore dire que je fayote.
RépondreSupprimerLa politique , cela attire les gauchiste à la langue fourchue.
Vous êtes pardonné d'avance puisqu'il n'y a pas faute : je vous sais sincère. Merci.
SupprimerQuant à la politique, si elle attire le chaland (surtout les sujets polémiques, son intérêt n'est pas toujours évident.
Je vois que vous êtes en rupture de stock de parenthèses, je vous en fais donc passer une en urgence : )
SupprimerVous me la rendrez à l'occasion.
Merci pour cette généreuse attention. Vous n'aurez pas obligé un ingrat : je vous la rendrai au centuple à la première occasion et dès maintenant vous bénis, vous et les vôtres, jusqu'à la septième génération (voire plus).
SupprimerJe vous remercie infiniment de votre bénédiction. J'en ai effectivement grand besoin.
SupprimerSi jeune et déjà capitaliste, si c'est pas une honte ! C'est tout à fait révélateur d'ailleurs d'en avoir oublié l'enseignement. Cela ne m'étonne même pas de vous, tiens :-)
RépondreSupprimerEh, oui, le ver était déjà dans le bouton de fleur, c'est vous dire les ravages qu'il fit au fruit...
SupprimerC'est ça, les vieux souvenirs, ça remonte sans crier gare
RépondreSupprimerdu fond des âges, inopinément.
Et quand ça donne de charmants billets comme celui-ci, ça
repose bien des mesquineries politicardes.
Merci, donc.
Et amitiés.
Vous me flattez, cher Nouratin !
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