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lundi 8 juillet 2013

Catéchisme



J’aimais bien le catéchisme.  Pas tant pour la religion que parce que chaque lundi, la séance terminée, la brave femme qui guidait nos pas nous servait un café au lait accompagné de biscottes beurrées et que ce goûter m’était un pur délice.

Notre catéchiste s’appelait Madame Gérard. Cette vieille et corpulente dame partageait un pavillon en meulière avec une amie nommée Madame Antoine qui en était propriétaire. En fait, je l’appris ensuite, ces deux noms n’étaient pas leurs véritables  patronymes. Suivant une ancienne coutume banlieusarde elles s’appelaient par le prénom de leur défunt mari. Madame Antoine était auvergnate. Et comme il se doit elle avait tenu un bistrot avec son bougnat de mari avant qu’il ne décède. C’est ainsi qu’était née leur amitié car notre catéchiste avait connu de mauvaises passes. Pour des raisons que j’ignore ou sans raison du tout Madame Gérard était, comme on disait, tombée dans la débine : boisson et déchéance.  La bonne bistrotière l’avait prise sous son aile, l’avait aidée à sortir de ce mauvais pas et, prenant sa retraite,  avait souhaité continuer de bénéficier de sa compagnie.

Toutes deux grandes et fortes dames (tout adulte paraît grand à cet âge !), elles étaient cependant dissemblables. Madame Antoine, en bonne commerçante, était d’un abord sympathique et de physionomie avenante tandis que son amie était rude de manières et de caractère.  Les leçons se passaient  sans qu’aucun gamin ne bronche. Un  regard suffisait pour ramener les distraits à plus d’attention. Je ne me souviens pas de ce qu’elle pouvait bien nous raconter mais je suppose que la brave dame avait, par osmose, contracté auprès de sa compagne la foi du charbonnier et que la haute théologie n’était pas vraiment sa tasse de thé.

Entre autres traits marquants, la bonne paroissienne avait une  curieuse tendance à systématiquement déformer les noms des personnes. Ainsi le brave abbé Salinoc, vieux prêtre breton fidèle à la soutane, vit-il son nom « occitanisé » en Solignac. Cette manie rendait la conversation difficile car, sauf paronomase et contexte clair, on ne voyait pas toujours de qui elle parlait.

En dehors du catéchisme, il arrivait que je lui rendisse de menus services. Sa corpulence et son âge lui rendant de longues marches pénibles, je me voyais chargé, durant les vacances d’été du marchand de journaux voisin,  d’aller acheter son quotidien au diable vauvert. Je crois qu’il s’agissait de la septième et dernière édition de  France-Soir. Pas question d’en acheter une autre. La consigne était claire et au cas où le marchand n’avait que la sixième je restais à faire le pied de grue jusqu’à l’arrivée de la bonne édition. Je me chargeais occasionnellement d’autres courses et ceci avec enthousiasme, plus appâté par les récompenses que motivé par un altruisme profond. En effet, mon zèle se voyait récompensé par une pièce de cinq francs (anciens !) qui m’autorisait au bout de cinq jours à compléter ma collection d’images d’animaux d’une nouvelle planche.  Sans compter un somptueux goûter (biscottes et café au lait) de temps à autres.

Dieu seul sait comment, alors que je faisais mon tour matinal de jardin, le souvenir des deux braves vieilles m’est revenu…  La joviale comme la bourrue ont depuis bien des lustres quitté cette vallée de larmes. Si, sans trop ennuyer le lecteur, j’ai pu les ramener un instant à la vie, ce sera déjà ça. Sans compter que dégoiser politique alors qu’il fait si beau….

11 commentaires:

  1. Ce sont de très beaux souvenirs et joliment racontés.

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  2. Comme la Dame du premier commentaire mais on va encore dire que je fayote.

    La politique , cela attire les gauchiste à la langue fourchue.

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    1. Vous êtes pardonné d'avance puisqu'il n'y a pas faute : je vous sais sincère. Merci.

      Quant à la politique, si elle attire le chaland (surtout les sujets polémiques, son intérêt n'est pas toujours évident.

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    2. Je vois que vous êtes en rupture de stock de parenthèses, je vous en fais donc passer une en urgence : )
      Vous me la rendrez à l'occasion.

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    3. Merci pour cette généreuse attention. Vous n'aurez pas obligé un ingrat : je vous la rendrai au centuple à la première occasion et dès maintenant vous bénis, vous et les vôtres, jusqu'à la septième génération (voire plus).

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    4. Je vous remercie infiniment de votre bénédiction. J'en ai effectivement grand besoin.

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  3. Si jeune et déjà capitaliste, si c'est pas une honte ! C'est tout à fait révélateur d'ailleurs d'en avoir oublié l'enseignement. Cela ne m'étonne même pas de vous, tiens :-)

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    1. Eh, oui, le ver était déjà dans le bouton de fleur, c'est vous dire les ravages qu'il fit au fruit...

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  4. C'est ça, les vieux souvenirs, ça remonte sans crier gare
    du fond des âges, inopinément.
    Et quand ça donne de charmants billets comme celui-ci, ça
    repose bien des mesquineries politicardes.
    Merci, donc.
    Et amitiés.

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