Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais la mort a très mauvaise presse. En fait, elle semble même inspirer une certaine crainte chez la plupart de nos contemporains. On a tendance à la masquer, à l'édulcorer, à l'euphémiser. Alors que, jusqu'à nouvel ordre, nous avons tous rendez-vous avec elle. C'est même, avec la naissance, la seule expérience que nous sommes certains de partager avec tous les humains et au-delà avec tous les êtres vivants.
Le bon Michel de Montaigne, reprenant Marcus Tullius Cicero, écrivit que philosopher c'était apprendre à mourir. Et quoi qu'on en dise ou pense, ces deux gaillards n'étaient pas des pommes à l'eau. On notera toutefois que cette formule laisse entendre que mourir nécessite un apprentissage, un entraînement. Quelle erreur ! En fait, la mort nous vient on ne peut plus naturellement. On pourrait même dire que moins on s'y prépare plus on la rencontre. J'en veux pour preuve l'enthousiasme avec lequel les jeunes se ruent inconsciemment vers elle que ce soit sur un scooter pétaradant ou lorsque guerres ou révolutions leur en offrent l'occasion. Les vieux sont plus réticents, certes, mais ils y vont volens nolens.
Beaucoup d'entre nous sont assez lâches dans la vie. Pour des raisons de confort, ils se refusent à envoyer leur belle-mère sur les roses, à dire à leur conjoint ce qu'ils pensent réellement de sa tourte au potiron ou à dire son fait à leur patron ou à leur supérieur hiérarchique. Pourtant personne, jusqu'ici ne s'est efficacement refusé à mourir.
Cela dit, comment expliquer le peu d'attrait qu'inspire la mort ? Georges Brassens dans sa chanson Oncle Archibald, ouvre une piste. Le bonhomme, avant d'en venir à de meilleurs sentiments, convaincu par des arguments imparables, commence par s'adresser à la mort en des termes peu amènes : "Oncle Archibald, d'un ton gouailleur lui dit : " Va-t'en fair' pendre ailleurs ton squelette, fi des femelles décharnées vive les belles un tantinet rondelettes ! "". Toutes les réticences que génère la mort viennent de là : comme le disent nos communicants, elle souffre d'un problème d'image.
Regardons-la un peu : un vrai squelette ! Drapée dans une robe informe, avec une capuche façon pénitent médiéval ! Et que tient-elle à la main ? Une faux ! Dans une société fortement urbanisée, elle se balade avec un ustensile agricole ! Pas plus bandante qu'une candidate écologiste ! Vous auriez envie de partir en java avec une nana pareille ? Franchement ?
Pour inverser la tendance grandissante au rejet qu'elle inspire, il est urgent de la relooker totalement. Je proposerais donc qu'elle remplace son physique ingrat par quelque chose de plus charnu de partout, qu'elle renonce à sa longue robe pour adopter une courte jupe et un haut avec décolleté plongeant, qu'elle abandonne la faux au profit d'un panier garni de victuailles et de bonnes bouteilles, avec, par dessus le marché, un sourire engageant.
Filles et gars, jeunes et vieux seraient tout de suite plus réceptifs. Vous en connaissez beaucoup, vous, à part quelques pisse-froids, qui ne se feraient pas une joie d'aller faire une petite virée bien arrosée avec une jolie nana rigolote et pas farouche d'aspect ? Moi pas.
Ma vie se barre :
RépondreSupprimerLa mort se marre !
Que je ressuscite :
La mort me quitte !
Me voici mort :
Elle vit encor...
La mort oui mais :
Pas au mois de mai !
Mourir un jour :
Mais pas toujours !
La mort n'est belle
Qu'en porte-jarretelles !
On remarquera que l'on dit de moins en moins :"Il est mort" mais plus souvent: "Il est parti"; on a aussi le droit de le conjuguer au féminin.
RépondreSupprimerMordre la poussière
Oter son harnois blanc
Ultime regard vers le ciel
Réprimer sa colère
Implorer la clémence
Rendre les armes
Brel disait dans sa chanson Vieillir en fin de texte:
Mourir cela n'est rien
Mourir la belle affaire
Mais vieillir ô ô vieillir.
Certes il manquait quelques osselets
RépondreSupprimerMais le reste, loin d'être laid,
Etait d'une grace singulière
Votre proposition de donner à la mort l'aspect d'une accorte donzelle me rappelle une nouvelle de Dino Buzzati sur une manière "humaine" d'exécuter les condamnés à mort, malheureusement son titre m'échappe et le volume où elle pourrait se trouver est loin de moi.
RépondreSupprimerSi quelqu'un voit de quoi je veux parler...
Quant à votre proposition elle est intéressante mais j'y vois un problème potentiel : et si le mécanisme fonctionnait en sens inverse? Si au lieu de nous donner le goût de la mort cela aboutissait à nous dégoûter des jolies filles?
Avouez que ce serait franchement dommage.
J' avais lu ceci sur une pierre tombale:
RépondreSupprimer"La mort n'est rien.
Je suis simplement passé dans la pièce à côté.
Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné.
Parlez de moi comme vous l'avez toujours fait :
N'employez pas un ton différent,
Ne prenez pas un ton solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire.
Priez, souriez, pensez à moi.
Priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison, comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre.
La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été.
Le fil n'est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de votre pensée simplement parce que je suis hors de vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.
Vous voyez, tout va bien !"
Il s'agirait d'un extrait de l'homélie prononcée à la mort de Eduoard VI par Henry Scott Holland (1847-1918) chanoine à St Paul's Cathedral, London.
D 'autres de Charles Péguy, d'après un texte de St Augustin.
Ce que jamais ne perd
RépondreSupprimerLa mort
C'est après ses nerfs
Le Nord
Je touche un peu amer
Au port
Ce rude et bel hiver
M'endors
Aux confins de l'Enfer
Je sors
Ci-gît le dernier vers
D'Ygor
Si la mort ne tue pas
RépondreSupprimerAu moins m'inspire-t-elle
Elle veut me mettre au pas ?
Je lui remonte ses bretelles !
@ aristide
RépondreSupprimerJe ne sais si c'est de ce livre que vous voulez parle, mais pour ma part j'avais été très impressionnée par "Le régiment part à l'aube" où Dino Buzatti comparait tous ceux qui devaient mourir dans la journée au départ d'un régiment.
Je l'ai cherché dans ma bibliothèque et ne l'ai pas trouvé.
Je crois que je l'avais prêté à un ami qui est mort sans me l'avoir rendu.
Où que soit Jacques Étienne
RépondreSupprimerEn août
Point de piérides qui tiennent
En choux
Que la mort s'en souvienne
Itou !
Je ferais bien mon épitaphe de mes six premiers vers, tout compte fait.
RépondreSupprimerC'est pas gai chez-vous.
RépondreSupprimerCoach Berny
@ Ygor : Je vois que le thème stimule votre muse !
RépondreSupprimer@ Grandpas : Vieillir, nous ne faisons que cela. Le tout serait de ne pas en abuser.
Pour l'épitaphe, j'y adhère à part que je crains qu'il n'y ait pas de pièce d'à côté.
@ Aristide : Les bons vivants ne se détourneront jamais des jolies filles !
@ Coach : Je m'efforce de rendre la mort sympathique. Ce n'est pas triste !
Oncle Archibald (Le testament aussi) fait partie de ces chansons de Brassens que je suis capable de chanter de mémoire sous la douche et sans fausses notes en dépit des bulles de savon.
RépondreSupprimerC'est vrai ça, que la mort n'a jamais su se vendre; pourtant les religions y travaillent depuis longtemps.
Je me souviens d'un épisode de Twilight Zone, vu il y a une paire d'années, où Robert Redford jeune incarnait la mort.
RépondreSupprimerSa tâche était de convaincre une vieille dame qui refusait de mourir et voyait avec épouvante son âge avancer.
La convaincre, c'est-à-dire faire en sorte qu'elle ait envie de partir avec lui.
Ce n'était pas très difficile.
Mission accomplie ! Avec un superbe "venez avec moi ! Suis-je aussi repoussant ?"
Et voilà comment on se fait avoir !
@ fredi : Vous avez bon goût en matière de chanson. Pour ce qui est des religions, je crois qu'elles s'y prennent en général mal avec leur système de bons et de mauvais points, comme si nos peccadilles terrestres avaient une importance autre que terrestre...
RépondreSupprimer@ Carine : La mort, pour les anglophones est un homme. Ce qui explique que R R puisse l'incarner. J'ai traduit, pour mon seul plaisir, un roman de Terry Pratchett dont le personnage principal est la mort. Ça n'allait pas sans poser quelques menus problèmes...
Si on y réfléchit, l'apocalypse compte quatre cavaliers, et pas de cavalière. Seuls les hasards de l'étymologie en ont fait, pour nous une femme.
Jacques:
RépondreSupprimerje trouve que Dieu a fait preuve d'une très grande compassion et d'une très grande mansuétude en permettant à cette vieille dame de voir la mort d'un très bon oeil et de suivre le magnifique jeune homme avec allégresse.
Elle partait la fleur au chapeau.
Cet épisode m'a marquée.
Je l'ai retrouvé !
RépondreSupprimerhttp://www.123video.nl/playvideos.asp?MovieID=837779
Remarquez les conditions d'une vie qu'elle a tellement peur de quitter…
ou encore ici, image moins bonne, mais vidéo plus fluide:
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=nxV05I_ECcw
avec sa part 2 :
RépondreSupprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=iYdDF4tjlm8&NR=1
si vous avez la même chose sur les rhumatismes, je suis preneur.. ben oui, quoi! c'est novembre.. (le mois des fous selon Flaubert, sauf si je me trompe d'auteur, haha) Geargies
RépondreSupprimer@ carine : vue ma piètre réception, les vidéos, de qualité bonne ou mauvaise, sont bien souvent hors de ma portée...
RépondreSupprimer@ Geargies : Comment rendre les rhumatismes sympathiques ? Je ne sais !
Ave Jacques-Etienne,
RépondreSupprimerLA MORT ET LE BÛCHERON
Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants,
Et tâchait de gagner sa chaumine (1) enfumée.
Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde (2) ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos.
Sa femme, ses enfants, les soldats (3), les impôts,
Le créancier et la corvée
Lui font d'un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la Mort ; elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire.
C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère (4).
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d'où nous sommes :
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.
Jean de La Fontaine
@ Grandpas : Attitude classique. J'aime bien la chanson de Balavoine où il dit "J'veux mourir malheureux pour ne rien regretter".
RépondreSupprimerJacques:
RépondreSupprimerComme c'est dommage !
J'espère que d'autres auront apprécié la convivialité de cette mort exemplaire, que je ne me sois pas décarcassée pour rien ^^
En tout cas, moi, je suis très contente d'avoir revu ce film.