..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

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mardi 4 janvier 2022

J'ai deux compteurs

 


Je le rappelais dans mon précédent billet, selon M. Goux, son journal n’aurait que douze lecteurs. Je pense qu’une fois encore ce bon Didier fait preuve d’une modestie qui l’honore, au risque de minimiser la portée du message qu’il adresse au monde.


Il n’empêche que connaître le nombre de ses lecteurs peut intéresser un blogueur. S’il n’était lu par personne, il pourrait se trouver en proie au découragement. Les commentaires qui viennent s’inscrire au bas des articles ont un côté rassurant de ce point de vue. Leur totale absence est inquiétante. Cependant, leurs auteurs ne sauraient, par leur nombre restreint, donner une idée même approximative du lectorat que l’on rencontre, de manière constante ou occasionnelle.


Pour aider le blogueur à cerner la question de plus près, il existe des compteurs. Madame Joséphine Baker avait deux amours (Pompéi et Marly si je me souviens bien), eh bien moi, c’est deux compteurs que j’ai. Un fourni par M. Blogspot, l’autre par M. Statcounter. Vous voyez apparaître leur chiffres respectifs en haut et à droite de chaque page. Si M. Compteur de Blogspot était présent dès l’origine, son camarade n’a été installé que quelques mois plus tard. Mais cela ne saurait expliquer le gouffre statistique qui sépare les deux. M. Statcounter n’a vu, en plus de 10 ans passer que 882 000 visiteurs tandis que son collègue en comptabilisait 1 544 000. A croire que le second est un gars de la CGT et que le premier travaille à la préfecture !


Qui dit la vérité ? Loptimiste ou le pessimiste ? Les deux ne raconteraient-ils que des sornettes ? Comment le savoir ? Si l’un me crédite d’un peu plus de 200 visites par jour, l’autre m’en attribue plus de 400. Mais visite ne veut pas dire lecteurs. En effet, il n’est pas rare qu’un même lecteur revienne plusieurs fois par jour, ne serait-ce que pour voir s’il a été répondu à son commentaire. De plus, nombre de visites ne sont dues qu’à l’image qui illustre l’article. Ainsi, celle qui illustrait « Pour un droit à la casquette (plate) » aurait-elle attiré des milliers de visiteurs, plus alléchés par le côté sympathique du bonhomme que par le contenu de l’article. Il en va de même pour bien d’autres billets.


En conclusion, avec ou sans compteur, il est impossible au blogueur de se faire une idée, même vague, du nombre de ses lecteurs. Est-ce vraiment important ? Je ne pense pas. Bloguer est un loisir que l’on pratique pour son plaisir. Tant que ce dernier demeure, qu’il arrive qu’on soit lu et qu’on trouve quelques futilités à exprimer, pourquoi ne continuerait-on pas ?

samedi 30 janvier 2021

Surreprésentation ou représentation impossible ?

 

Depuis quelque temps, je note qu’il devient rare de voir une publicité télévisuelle où n’apparaissent pas des non-blancs. Les couples sont de plus en plus formés d’hommes et de femmes d’origine raciales (si tant est que l’on puisse encore utiliser cet adjectif) différentes avec des enfants métis. Plus récemment, des représentants de l’immigration asiatique et maghrébine sont venus s’y ajouter. Ainsi, une pub pour je ne sais quoi montrait un groupe de copines composé de deux leucodermes, deux métis mélanodermes et une asiatique du Sud-Est, les blancs n’y apparaissant donc qu’une minorité parmi d’autres.


L’idée est, je suppose, de donner une meilleure représentation de la population française d’aujourd’hui. Je comprends les motivations commerciales qui président à cette évolution : donner à des minorités l’impression qu’on les prend en compte les aide peut-être à dépenser leur argent chez ceux qui le font. De plus, ça confère à ces derniers le prestige qu’entraîne l’ouverture à la diversité, attitude dont nos bobos des métropoles raffolent.


Seulement, on peut se demander si cette tendance ne risque pas de se montrer à double tranchant, voire contre-productive. En effet, si elle permet à certains de mieux se reconnaître, que ce soit au niveau de leur inclusion dans la société française ou à celui de leurs convictions idéologiques on est en droit de se demander si d’autres ne finiront pas par se demander si ces castings qui semblent effectués par Renaud Camus ne reflètent pas la la réalité de sa théorie contestée du « grand remplacement ».


Représenter de manière satisfaisante les diverses composantes de la population française est basé sur l’idée que leur répartition est homogène. Or, il n’en est rien. Dans la petite ville (3000 habitants) ou j’habite il n’y a pratiquement pas de gens d’origine extra-métropolitaine. Pour qu’une pub représente sa réalité, il faudrait y multiplier les petits vieux à casquette. Représenter la population de certains secteurs de la Seine-Saint-Denis, rendrait impossible à la France « profonde » de s’y reconnaître.


On peut donc se demander si ces tentatives de « meilleure » représentation ne sont pas vouées à l’échec. N’importe comment, si je me sens mieux représenté par Christine Kelly que par Laurent Joffrin, ce n’est aucunement pour des raisons raciales ni sexuelles et encore moins d’âge.

samedi 6 mai 2017

Jour de réflexion

Dans sa grande sagesse le code électoral français interdit tout discours, déclaration, meeting, acte de propagande, etc. à partir de 0h le samedi précédant une consultation électorale. L'idée est de laisser une journée aux Français afin de peser le pour, le contre, le dessus, le dessous et tous les aspects des programmes des candidats en lice. Quoi de mieux que cette période de silence total pour se décider en toute tranquillité ?

A part que c'est stupide et l'a toujours été. Je m'explique : du temps où n'existait aucun moyen d'enregistrer la parole seuls les analphabètes étaient à l'abri de la propagande institutionnelle . Aujourd'hui, ne le sont vraiment que les sourds analphabètes ne connaissant pas la langue des signes* qui ne constituent qu'une infime minorité du corps électoral.

En effet, si la production de nouveaux discours est proscrite, rien n'empêche cependant un électeur de découvrir sur le Net un discours du candidat Bidule datant de quelques jours déjà mais dont la profondeur de pensée, la clarté de l'argumentation et la profonde humanité modifieront son opinion et son vote. Qui empêchera tel autre de se voir influencé par lecture d'un article du Petit Gaulois du 17 août 1891 portant sur une question fondamentale, comme par exemple les avantages et désavantages respectifs du port de la casquette ou du béret, et de prendre conscience que seul Tartempion a préconisé le remboursement du béret, couvre-chef devenu préférable à ses yeux suite à cette lecture ?

Et même si la lecture ou l'audition de tout media se montrait évitable, il n'en reste pas moins que l'indécis demeurerait influençable par son entourage. Qui pourrait empêcher ce beau parleur de Tonton Marcel de pousser à voter Bidule le jeune Léon alors que sans ses talents oratoire ce dernier aurait préféré Tartempion ? De même séduite par un bellâtre Tartempioniste, qui pourrait éviter que Ginette, folle d'amour, ne tourne le dos à Bidule qu'elle avait jusque là soutenu ?

De plus, comme j'ai pu le constater, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande-du-Nord la campagne se poursuivait jusqu'à la clôture du scrutin. Aurions nous des leçons de démocratie et de sage retenue à donner à ce vieux royaume ? Les convictions de l'électeur français seraient-elles plus volatiles que celles de son homologue d'Outre-Manche ? Permettez moi d'en douter.

Je ne discerne donc pas bien quelle peut être l'utilité de cette trêve. Son seul avantage étant de nous éviter d'être bassinés à longueur de journée par les déclarations des candidats ainsi et même surtout que par les commentaires des journalistes qui, malgré leur fervent désir de neutralité, se montrent parfois partisans ? Si tel était le but de la manœuvre, pourquoi ne nous accorderait-on pas, une semaine, un mois ou un an de suspension de la campagne ?

* Notons que cette catégorie est déjà difficile à influencer quand la campagne bat son plein et qu'on est en droit de se demander sur quelles bases elle se décide.

dimanche 11 septembre 2016

Cinq ans déjà !

Le 11 septembre 2011, paraissait ici même un premier article intitulé « Bloguons, puisqu'il le faut ! ». 1346 autres l'ont suivi. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, mes articles ont connu entre quelques centaines et quelques milliers de visites avec un record à plus de 56oo atteint par « Pour un droit à la casquette (plate) » dont je ne retire aucune gloire vu que son succès n'est dû qu'à la photo du sympathique vieillard à casquette qui l'illustre.

Quoi qu'il en soit, cinq ans ont passé, riches ou pauvre sen événements divers, selon le point de vue adopté. Nous avons vécu la victoire et le naufrage d'un président, mon père est décédé, d'immondes larves de piérides ont boulotté mes choux, j'y ai guidé les pas de mes lecteurs dans nombre de pays où je n'avais pas plus traîné mes guêtres que je ne leur ai conseillé de se risquer à le faire, on y a parlé bouquins, politique, bricolages divers, bref, il me semble que le contrat que j'annonçais dans mon premier billet a été rempli. En effet, je lui assignais pour but de «  parler d'un peu de tout et (surtout) de rien » et cela sur un ton souvent badin, ce qui, à de rares exception près, lui a évité de devenir un lieux d'affrontements.

Des commentateurs sont venus déposer au pied de ma prose leurs précieuses contributions. Certains ont disparu dans les limbes du Net, d'autres continuent depuis le premier jour à m'exprimer leur sentiment, d'autres encore sont apparus et devenus fidèles au point qu'un billet sans qu'ils n'interviennent me fait m'inquiéter de leur santé. Les commentaires sont le dessert du blogueur, sa récompense, l'assurance qu'il ne divague pas dans un total désert. A tous mes commentateurs, réguliers ou pas, à ceux d'entre eux qui sont devenus des amis, j'adresse un grand merci.

Ces deux dernières années, mes écrits se sont raréfiés. A cela plusieurs raisons. Le temps crée une inéluctable lassitude. Le paysage politique actuel est devenu plus que morne. Ma nature ne me poussant que rarement à l'indignation, les scandalounets qui font les choux gras de nos chers media me laissent de marbre. Il existe en fait peu de pays qui valent qu'on déconseille de s'y rendre. Malgré mon âge canonique, le gâtisme ne m'ayant que partiellement ravagé, j'évite de radoter et de ressasser mes rares amertumes. Et puis, peut-être et surtout, j'ai acquis une demeure en Limousin qui mobilise une grande partie de mon temps et de mes pensées. C'est d'ailleurs de ce lieu idyllique que j'écris ces lignes. On ne peut pas être au blog et au chantier nous enseigne la sagesse des nations.

Tout cela mènera-t-il à l'éventuelle disparition de ce blog ou du moins à son tarissement à l'instar de nombre d'autres de ma blog roll ? Je n'en sais rien. L'avenir nous le dira. Toujours est-il qu'après cinq ans de futiles et foutraques services, je voudrais remercier une fois encore tous ceux dont la fidélité m'a donné l'envie et le courage de continuer.

A dans cinq ans pour célébrer un deuxième lustre ?

mardi 15 janvier 2013

200 000 !



Hier, la barre des 200 000 pages vues a été franchie par ce modeste blog. C’est du moins ce qu’annonce M. Blogger et je ne vois pas pourquoi je ne le croirais pas.

446 billets en un peu plus de seize mois ont été en moyenne vus  448 fois et commentées 8254 fois. Il ne s’agit que d’une moyenne. Ma page la plus vue n’est certainement pas la plus lue. Avec  3872  vues, c’est  « Pour un droit à la casquette (plate) » qui l’emporte et de loin. Tout ça parce que je l’avais accompagnée de la photo d’un petit vieux bien sympathique et que dans Google images , quand on tape « vieux », celle-ci arrive en premier et mène à mon blog. A  quoi ça tient la gloire !  C’est d’ailleurs pour ça que j’ai cessé d’illustrer mes billets.  Ça amène du monde mais pas forcément des lecteurs.

Toutefois, selon les jours entre la moitié et les deux tiers des visiteurs m’arrivent par le biais de blogrolls amies et le mot-clé  de recherche qui vient en second (après « vieux ») chez M. Google est « Vu des collines » j’en conclus donc que tout le monde ne vient pas ici par hasard.

Je remercierai donc ceux qui m’ont fait l’amitié de relayer mes divagations, ceux qui me lisent et plus encore ceux qui ont la gentillesse de me laisser des commentaires, qu’ils le fassent régulièrement ou non.  Car si écrire de petits billets est un passe temps agréable en soi, si ceux-ci ne suscitaient jamais aucune réaction et ne faisaient que peu à peu se crée un cercle d’amitié autour d’eux, bloguer serait frustrant.

Je  tiens encore à remercier Léon (qu’il soit seul ou multiple) de se donner la peine de venir de temps en temps troller ici. Car sans troll un blog est incomplet. Je dois dire que de ce point de vue-là, je ne suis pas très gâté. Peut-être que ces braves personnes ressentent instinctivement que les critiques ne me touchent guère ?

Tout ça m’incite à continuer de raconter ce qui me passe par la tête : si je peux distraire en m’amusant, pourquoi m’en priverais-je ?

dimanche 27 novembre 2011

Le père Marcel, poivrot de village





Devant quitter mes collines pour quelques jours afin de m'acquitter de certaines tâches en rapport avec mon texte de ce matin, et ne bénéficiant, là où je vais d'aucune connexion Internet, j'ai pensé laisser à ceux de mes visiteurs qui apprécient de me lire de quoi combler cette absence. Je leur propose donc un texte écrit il y a quelques années et publié sur le site écrits ...vains . Ce texte fait partie des "Chroniques de Saint-Martin-en-Bauge" une série en partie publiée sur ce site et dont les autres ont disparu au cours de l'incendie qui voici deux ans ravagea un peu ma maison... Un petit dommage  pour moi mais une grande perte pour l'humanité, comme disait l'autre. Si jamais il advenait que ce texte vous plût, c'est avec plaisir que je vous en offrirai d'autres. Il se pourrait même que je complète la série...


Bonne lecture et à mercredi. Si tout va bien....



Le père Goussard passe ses journées sur un banc d’une place où ne passe personne. Ainsi passe son temps. C’est l’ancêtre du village, le doyen. Il attend on ne sait quoi. Peut-être même n’attend-il rien. Finir, c’est un sacré boulot. Vivre, n’importe quel con sait faire. Mais finir une vie…

Là, sur son banc de la place où personne ne passe, la casquette en défaite, la canne supportant mains noueuses aux ongles crasseux et menton rasé de loin, un kile de gros rouge aux pieds, Goussard finit . De temps en temps il finit son litron. C’est le signal de la longue marche. Pas celle de Mao. Celle du Marcel. Du Marcel Goussard. Longue en temps plus va le jour. Elle mène à l’autre place, celle de l’épicerie, où tout le monde passe. L’épicière saurait presque dire l’heure à ses passages. Heure d’été, heure d’hiver. Normal, en été il fait plus soif. On vient plus tôt au réassort.

Certains soirs d’été, quand approchent sept heures, le dernier retour du Marcel au banc se fait odyssée. Plein comme un fût, la canne hésitante, le litre mal assuré dans une main gauche qui tremble, la jambe flageolante et la direction incertaine, l’Ulysse marcelinois navigue tant bien que mal vers son Ithaque où aucune Pénélope ne l’attend. Ce qui, vu l’état du bonhomme, n’est pas vraiment désolant. Qu’est-ce qu’il en ferait d’une Pénélope ?

Ainsi passent les jours du Marcel, en attendant de passer de l’autre côté. Sur la place où personne ne passe et où lui seul habite. Oh, il n’avait pas toujours été le doyen ! Avant, il était l’ivrogne du village. Le bon à rien de service. De service, façon de parler… Quel service demander à un gars qu’est soûl comme une bourrique de matin au soir et du premier Janvier au trente et un décembre ? « Une vie régulière ! » disait le maire.

Personne ne se souvient plus de quand il est arrivé. Ni d’où il venait. Parce qu’il n’est pas du pays. Certains vieux pensent qu’il a dû arriver un peu après la mort du Thibault Duranthon. Un bel ivrogne aussi.. Ils n’en sont pas si sûrs… Toujours est-il que le Marcel habite le taudis où restait le Thibault. C’est là qu’il va s’écrouler le soir sauf les jours où, pour cause d’intempéries, il s’arsouille à domicile.

De quoi vit le Marcel ? De sa retraite. Retraite de quoi, vu qu’il a jamais rien branlé ? Ben, le minimum vieillesse, il y a droit…

En fait, il n’en est rien.

Marcel Goussard est un fonctionnaire à la retraite. Le dernier de sa catégorie. Le corps des poivrots de villages.

Fut un temps où tout village avait son poivrot, son idiot, son maire, son curé, sa fille facile et son instituteur. L’idiot est parti le premier. On dit que le chemin de fer l’a tué. Qu’il est parti en ville. Le curé, crise des vocations, vient d’Afrique et s’occupe de bien des paroisses. L’instituteur s’est regroupé pédagogiquement. La fille facile (souvent fille du poivrot) n’a plus de raison d’être, vu le relâchement des mœurs… Reste le maire.
Les gens ne se posaient pas de questions. C’était dans l’ordre des choses. Faut de tout pour faire un monde. Peu savaient que le poivrot était employé de l’état. Il arrivait bien que l’ivrogne déclarât être fonctionnaire les soirs de cuite sincère. Mais pourquoi y aurait-on porté plus d’attention qu’à ses autres dégoiseries ?

L’idée de la création d’un corps de poivrots de village payés par les fonds secrets , nous la devons à Hyppolite Bragemont (1826-1904), ministre de l’intérieur de 1882 à 1886. Elle découlait d’un constat : certes, il existait des poivrots, mais leur répartition était aléatoire. Certains villages en regorgeaient tandis que d’autres en étaient dépourvus. Il s’agissait donc d’assurer leur implantation régulière comme le requiert l’égalitarisme républicain.

Or, quoi de plus utile pour l’édification de la jeunesse et généralement pour la stabilité du corps social qu’un poivrot de village? Si la république voulait de robustes fantassins aptes à délivrer les cigognes de la tyrannie prussienne, ceux-ci devaient être exempts de ce vice d’intempérance qui tendait à ravager nos campagnes. Afin d’en limiter les dégâts, on décida donc de créer un corps de fonctionnaires dont la mission serait la suivante : montrer jusqu’à quel point de déchéance mènent l’alcool et l’oisiveté. Et ça marcha. Ca marcha même très bien.

On aurait pu avoir recours aux sermons, mais c’eût été faire la part belle au clergé et Bragemenont le radical n’y tenait pas trop. Les instituteurs faisaient leur possible lors des leçons de morale, mais leur public était restreint et son âge peu adapté. Et puis les sermons ou la morale, entre nous, hein, tout le monde s’en tape…

En revanche, un individu étalant son indignité sur chaque place aurait plus d’impact : les enfants seraient élevés dans la crainte de "finir comme le Marcel", les jeunes portés sur le canon y regarderaient à deux fois avant de se laisser trop glisser, et les plus fieffés soiffards auraient la consolation de voir pire qu’eux…

Bref ce système n’aurait que des avantage. Restait à assurer le recrutement de ce corps d’élite, hussards avinés de la république, à mettre au point un système de financement, et à établir un corps d’inspection afin d’éviter que des brebis vertueuses n’infectent le troupeau.

Le recrutement ne posait pas de problèmes : la France n’a jamais manqué de pochtrons et, même si par malheur s'y instaurait une tyrannie islamiste, elle n’en manquera jamais. Que parmi ceux-ci se trouvent des volontaires pour être payés à entretenir leur péché mignon, quoi de plus naturel ? La sélection se fit par concours. Seuls les plus aptes à rester défoncés du matin au soir étaient retenus.

Un habile système de financement fut mis au point : il fallait que le poivrot vive de la charité publique. On eût pu le faire passer pour un retraité de la coloniale , mais cela eût empêché les jeunes d’entrer dans la profession et pu donner naissance à une forme de compassion (« après les chaleurs qu’il a endurées… ») Abreuvé aux frais du contribuable, en plus du mépris, le poivrot provoquerait une sourde haine. Un accord fut donc passé entre le ministère de l’Intérieur et les maires afin que ceux-ci assurent la survie du poivrot par le biais de l’aide sociale. Ils recevraient du ministère le double des sommes engagées en espèces, à partager en égales parties entre le poivrot et leurs bonnes œuvres ainsi qu’une indemnité de taudis, l’emploi impliquant l’attribution d’un logement de fonction. A droite comme à gauche, ce financement reçut un accueil favorable. Les plus vertueux versèrent leur part qui aux bonnes œuvres de la paroisse qui au bureau d’entraide municipal. Les plus ordinaires répartirent ces subsides entre les différents postes de leur budget loisirs. Les plus corrompus prétendirent offrir des secours pharaoniques au poivrot afin de mieux se garnir les poches…

Les inspecteurs généraux des poivrots faisaient de régulières tournées pour vérifier que les employés du service étaient bien à la hauteur de leur tâche. Ils n’étaient en général pas déçus tant la sélection à l’entrée était draconienne. Les rares poivrots modérés étaient immédiatement mutés à la voirie.

Tout continua ainsi jusqu’au début des années soixante. L’exode rural et l’avènement de la télé sonnèrent le glas des poivrots de village : quand les rares habitants qui restaient passaient leurs soirées devant la télé, à quoi bon payer quelqu’un à faire le guignol sur une place ou personne ne passe ? On arrêta donc le recrutement (à peu près au même moment que celui des filles faciles, également fonctionnaires) puis on licencia les plus jeunes.

Le père Marcel, approchait de la retraite. Il garda son poste. Sa robuste constitution lui permit, l’âge venu, de continuer ses activités comme si le mot retraite n’avait pas de sens pour lui. Pourtant, personne ne songea à récompenser cet exemplaire dévouement . Pour Goussard, pas de médaille de la fonction publique. Pas d’Ordre National du Mérite. Pas de Légion d’Honneur.

Pourtant, un jour, son mérite sera reconnu. L’épicière ne le voyant pas alertera le maire. On découvrira le corps sans vie de Marcel dans son gourbi. On l’enterrera en douce dans le coin des indigents. Là où personne ne passe… Mais le peu qui à un moment ou à un autre évoqueront sa mémoire lui rendront le plus beau des hommages : « C’ÉTAIT QUAND MÊME UN SACRE POIVROT ! »

QUI DE NOUS VERRA, PAR-DELA LA MORT, SON MÉRITE AUSSI SINCÈREMENT RECONNU ?

mercredi 9 novembre 2011

Pour un droit à la casquette (plate).



Quand j'étais jeune, il y a très longtemps, les vieux portaient des casquettes et les jeunes allaient tête nue. Entendons-nous bien : quand je parle de casquette, je ne parle pas de celle qu'arborent les djeuns d'aujourd'hui, ce produit d'importation qui met une touche finale à la toilette de l'ado, mais de la vraie, la plate.

Vu leur grand âge, je me disais alors qu'un temps viendrait où les vieux à casquettes s'éteindraient d'eux-mêmes comme de vulgaires dodos. Eh bien, il n'en est rien. Me voici entré dans le troisième âge et le vieillard casquetté est toujours là, pas plus fringuant que jadis, mais solide au poste. Et pourtant ça ne peut pas être les mêmes. Le vieux à casquette avait, en mon jeune âge, au moins soixante-soixante-dix ans. Ce qui l'amènerait maintenant à dépasser allègrement la centaine. Je sais, la vie s'allonge mais à ce point...

Donc, d'une manière ou d'une autre le vieux à casquette se perpétue. Pourtant il ne se reproduit pas. La fable selon laquelle dans certaines maternités spéciales naîtraient des vieillards tout encasquettés ne tient pas. 

Reste à savoir si, avec le temps, la casquette vient à l'homme ou si c'est l'homme qui vient à la casquette. C'est bien entendu la deuxième option qui s'impose. Son port fait suite à un achat ou à un vol. Plus généralement à un achat, vu que l'arthrose du casquettophile le dissuade généralement de pratiquer le vol à la tire. Trop risqué. 

Jasper Carrot, comique britannique, disait que l'âge mûr commençait quand, en passant devant un magasin  spécialisé dans le vêtement classique, on se disait : "Pas mal ce cardigan!" Il faut croire que la vieillesse débute quand on ressent l'impérieux besoin de s'acheter une casquette. La calvitie joue probablement un rôle dans cette addiction mais ne nous y trompons pas : certains chevelus la partagent.


L'autre jour, au marché, devant le nombre de vieux encasquettés j'en suis venu à me demander si la casquette ne serait pas, en fait, obligatoire. Du coup, je me suis senti mal à l'aise, comme pas en règle.C'est ainsi que m'est venue l'idée du droit à la casquette : à un âge déterminé par la loi, tout français l'obtiendrait. Moyennant une infime cotisation, il acquerrait,sa vie active durant, des points, qui, l'âge venu et en fonction de la hauteur de ses contributions, lui donnerait droit à une casquette plate plus ou moins luxueuse et renouvelable annuellement. Il n'y aurait pas d'âge limite. On pourrait même renoncer, par coquetterie à cet acquis social. De même, les plus fortunés pourraient anticiper, à leurs frais, l'âge de leur casquette.

A l'heure ou le débat électoral s'enlise, il me semble que les candidats à la magistrature suprême feraient bien de reprendre l'idée.