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mercredi 18 janvier 2017

Retour de vacances (2)

L'équipe de nuit ! Une fille un peu ronde et un garçon à l'air sérieux. Comment aurais-je pu me méfier ? Ça commença, à vingt heures par le rituel du brassard gonflable. La routine quoi. Il me fut répété que je ne devais sous aucun prétexte plier la jambe. Je parvins à sortir quelques blagounettes qui firent rire la fille (Eh oui, j'ai toujours eu le don de faire rire les dames, parfois même volontairement). Quand ils furent partis, je tentai de m'endormir, à plat sur le dos, les jambes bien droites. Ce ne fut pas une mince affaire, pour moi qui dors en chien de fusil. J'y parvenais à peine lorsque, vers 22 heures, de nouveau la porte s'ouvrit sur mes tortionnaires. Non, ce n'était pas une hallucination : ils étaient bien là et leur petit manège recommença : brassard, reconnexion des électrodes dont mon torse était équipé. En partant, la tourmenteuse m'annonça un prochain retour vers minuit. Je grommelai les vagues protestations que mon état de quasi-prostration me permirent de proférer. Avec bien du mal je retrouvai un sommeil agité. Vers minuit et demie, me réveillant, j'aperçus, dans la pénombre, une forme humaine traverser la chambre pour se diriger vers la porte et sortir. C'était le tortionnaire. Avait-il profité de ce que je dormais pour se livrer à mon insu au jeu du brassard gonflable ? Pris d'un sursaut d'humanité m'avait-il épargné l'épreuve ? Je n'en saurai jamais rien.

Ce que je sais c'est qu'après cette discrète visite je ne parvins pas à me rendormir. La position inaccoutumée avait provoqué une sévère lombalgie. De plus j'avais froid. Ne parvenant pas à convaincre Morphée de me prendre dans ses bras, je me résignai à allumer la lumière et à continuer ma lecture d'Apocalypso de Robert Rankin, bien que mes yeux brûlants aient eu du mal à suivre les lignes. A deux heures et demie, la porte grinça de nouveau et la fine équipe reparut, s'étonnant de me trouver réveillé. Je leur expliquai que la position qu'on m'avait imposée engendrait des douleurs qui nuisaient à mon sommeil. Je n'osai pas leur signaler que leurs multiples visites me perturbaient, de crainte qu'ils ne les multipliassent. La jeune femme me dit que j'aurais dû m'asseoir sur mon lit ou relever sa tête. Ah oui, et comment faire cela sans que ma jambe pliât, lui demandai-je, ironique ? A quoi elle me répondit que tenir la jambe droite était bon pour la veille au soir mais que maintenant je n'y étais plus obligé. Enfin une bonne nouvelle ! Re-brassard, re-connexion d'électrodes, re-départ. Me mettant sur le côté, jambe repliée, je sentis qu'une électrode se détachait. Je tentai de la fixer, mais mes mains gourdes et lasses n'y parvinrent pas. Et ça ne manqua pas : une demie-heure plus tard mon tortionnaire revint m'annoncer qu'une électrode s'était déconnectée. Il la remit en place. Je lui suggérai de les fixer à la superglue et qu'on n'en parle plus. Je finis par me rendormir et il semble qu'aucune nouvelle perturbation ne vint nuire à mon sommeil en pointillés.

Bien entendu, à 6 heures ils revinrent pratiquer leur routine. J'avais connu presque trois heures de paix relative. Sans le moindre rictus sardonique, on me demanda si j'avais bien dormi ! J'émis des réserves. J'évoquai même de menus dérangements peu favorables au sommeil du juste. Ils en convinrent, les bougres mais, que, venant de subir une intervention, cette surveillance était indispensable. Mouais. En fait, je pense que ces épreuves constituent un test. Si on ne meurt pas d'épuisement, si le cœur ne lâche pas, c'est qu'on est guéri.

Le bon Docteur Citerne* (qui, sans être brillant ne me semblait pas mériter ce nom) passa me confirmer que tout s'était bien passé, que mon cœur battait désormais comme il convient et que mon séjour prendrait fin ce midi-même. Ouf ! Je passai la matinée à alterner mots croisés, lecture et voyages vers la zone où l'on fume. Plus de brassard, plus d'électrodes, une tenue décente : j'avais recouvré ma dignité. Mon chauffeur vint me quérir et je retrouvai mes chères collines dans l'état où je les avais laissées.

En résumé, je déconseille fortement l'établissement pour qui ne se trouve pas dans l'absolue nécessité de recourir à ses services. A moins, bien entendu d'aimer les épreuves inutiles. Il en est bien qui courent le Marathon sans avoir aucune victoire à annoncer...

*Tel était le nom de celui qui m'avait opéré.

9 commentaires:

  1. Ah les chiens !!! Ennuyer un convalescent ! Et ils ne vous ont pas même servi un petit whisky pour vous remercier de leur avoir rendu visite j'suis sûr...

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    1. Non, même pas. J'ai même du réclamer pour obtenir 1 quart de rouge pour mes repas !

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  2. Chez Roth, c'est pas pareil, quand son héros, Marcus Messner se fait opérer de l'appendicite et que sa petite amie, Olivia, vient le voir :

    "...Dans ses bras elle tenait un bouquet de fleurs. "Ça n'est pas drôle d'être tout seul à l'hôpital, dit-elle. Je t'ai apporté ça pour te tenir compagnie.
    - Ah ça vaut le coup une appendicite, répondis-je.
    ....
    - Je vais chercher un vase pour les fleurs.
    ...
    Quand elle revint dans la chambre, elle avait sorti les fleurs de leur papier et les avait disposées dans un vase rempli d'eau.
    "D'où est-ce que tu les verras le mieux ?" me demanda-t-elle.....
    "Là où je les vois le mieux, ai-je dit, c'est dans tes mains. Je les vois le mieux quand tu es là debout devant moi. Ne bouge pas, et laisse-moi vous regarder, toi et tes roses. C'est pour ça que je suis venu ici."... Mais en même temps je sentis mon pénis, lui aussi, se dresser.
    ....
    "Regarde", ai-je dit, et j'ai repoussé le drap.
    En vierge effarouchée, elle a baissé les cils.
    "Que ferons-nous, ô mon maître, si par hasard il entre quelqu'un ?"
    Je ne pouvais pas croire qu'elle avait dit ça, mais je ne pouvais pas croire non plus que j'avais fait ce que j'avais fait. Est-ce elle qui me donnait de l'audace, ou moi qui lui en donnais, ou nous qui nous en donnions l'un à l'autre ?..."

    Indignation - Philip Roth - Folio N°5395

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    1. C'est plutôt mignon, non ? N'ayant pas eu de visites, je n'aurais su l'imiter.

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  3. Les commentaires, c'était pour hier. L'article a cependant été lu.

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  4. bon tout est bien qui finit bien, te voilà avec un cœur tout neuf, bien retapé, c'est Nicole qui va pouvoir en profiter, mais du calme tout de même

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    1. Tout neuf, c'est beaucoup dire ! Mais bon, il ne déconnera plus que de temps à autre, dans le pire des cas.

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  5. Valérie LEMOINE19 janvier 2017 à 23:17

    En invoquant le saint patron de la dite clinique, un sort plus réjouissant vous aurait peut être été réservé. Encore quand ces temps de laïcité, c'eut pu être pire encore. Ne vous plaignez point, vous avez droit au pinard. Même au milieu des vignobles bordelais, je n'ai droit qu'à de l'eau.
    Bref, le principal est que vous soyez réparé et prêt pour de nouvelles aventures. Portez-vous bien, Jacques.

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