Avertissement : ce texte peut choquer . Je ne fais là qu’évoquer une conversation de bistrot datant d’il y a quarante ans. Je ne juge personne. Je suggère simplement que la guerre quelle qu’elle soit n’est pas toujours affaire de boy-scout et de jolis sentiments.
Quand il est entré au Canari, ma cantine d’alors, nous étions en train de prendre l’apéro avec Susan, mon amie. De taille moyenne, la quarantaine robuste, le gaillard portait un Stetson d’un blanc immaculé comme son costume trois pièces, cravate noire et tenait à la main une canne à fin pommeau d’or. Une élégance rare, celle d’un gentleman sorti tout droit de Dixieland. A un détail près cependant : il était noir. Ce qui n’avait rien d’étonnant, vu que nous étions à Thiès, au Sénégal.
Il salua à la cantonade, et je ne sais comment, s’invita ensuite à notre table, s’enquit de savoir si nous déjeunerions ici et nous proposa de partager notre repas avec sa compagne, jolie métis afro-asiatique qui venait de le rejoindre et sur la profession de laquelle ne s’interrogeraient que ceux qui pensent que les filles qu’ont voit court-vêtues au bord des routes sont tombées en panne avec leur fourgon et font du stop. L’homme m'intriguant, j’acceptai volontiers.
Il se présenta : Commandant S. De naturel rigolard, avant de nous raconter sa vie, il nous demanda qui nous étions, ce que nous faisions, et chacune de nos réponses déclenchait son hilarité. Il ponctuait ses rires d’un « Décidément, je suis formidable !» sans que nous voyions clairement ce qui pouvait justifier ces envolées d’autosatisfaction. Cette phrase allait au fur à mesure de l’avancement du repas et de nos libations, devenir un véritable leitmotiv. Il l’accompagnait parfois d’une pression de la main sur le genou de ma compagne, ce qui me m’agaçait un peu. J’étais très jeune.
Le commandant nous raconta, avec moult éclats de rires, qu’il avait été dans l’armée française avant que l’indépendance lui fasse rejoindre celle du Sénégal. Tout cela était bougrement réjouissant. Il avait bien entendu fait la guerre d’Algérie. C’est à ce point que son récit se fit rude. Il nous raconta qu’il lui arrivait, avec ses hommes de traverser des villages. Les femmes sortaient pour voir passer l’armée et poussaient des youyous. Seulement, sous leurs amples robes qu’est-ce qui garantissait que ne se cachait pas un terroriste prêt à faire feu ou à lancer une grenade sur le convoi ? Ça s'était vu maintes fois...
Prudence étant mère de sureté, il nous expliqua, hilare, que sa troupe tirait dans le tas.
Décidément, le commandant S. était formidable !
La guerre c'est moche, tout le monde le sait. Pas la peine d'en faire un fromage !
RépondreSupprimerCe que je retiens surtout, c'est que si aujourd'hui, un homme se permettait "une pression de la main sur le genou" de votre compagne, vous l'accepteriez, et ça, c'est impardonnable !
Viva la muerté!
RépondreSupprimer@ Mildred : Avec l'âge, on relativise...
RépondreSupprimer@ Grandpas : Surtout celle des autres...
Il s'agit ici du cri de guerre de la " Legión Española";(Légion espagnole)
RépondreSupprimerCris de guerre : (guerre, hérités des débuts de la Légion) : "¡Viva la muerte!" (Vive la mort !), "¡A mí la legión!" (À moi la Légion !) et "¡Legionarios a luchar, legionarios a morir!" (Légionnaires pour le combat, légionnaires pour la mort)
La devise: «Novios de la Muerte» (« Fiancés de la Mort »).