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mercredi 28 décembre 2011

Banquier, quel beau métier !



Les banquiers d'affaires sont de bien tristes sires. Ils se remplissent les poches de grasses primes  tandis que le bon peuple traîne sa triste vie dans un environnement hostile et précaire. N'empêche, ce n'est pas toujours aisé. Ainsi, du temps où je donnais des cours de français dans la City de Londres, parmi ceux que j'eus comme "clients", il en est un dont le souvenir me trouble, tant son quotidien me sembla peu enviable.

Le collègue qui m'avait précédé avait basé son enseignement sur "La Femme du boulanger". Nous continuâmes donc d'étudier ce roman. Étudier, un bien grand mot... En fait, John, appelons-le John, avait un petit problème : il s'endormait au bout de quelques phrases. Seul le téléphone le tirait de sa torpeur. Dans les conversations qui suivaient, il était question de millions de livres sterling. En quelques phrases le sort de ces dernières était réglé, puis John retournait à Pagnol avant de se rendormir jusqu'au prochain coup de fil qui se faisait rarement attendre. C'était un peu gênant. Je ne pouvais tout de même pas le secouer, ni claquer dans mes mains pour le ramener à son histoire de boulanger cocu. En gros, nous ne faisions rien. Au bout de quelques séances, John se demanda si nos rencontres du matin étaient vraiment fructueuses et si nous ne ferions pas mieux de déplacer ces cours dans la soirée. Il serait moins dérangé.  Va pour la soirée, admis-je. 

Ça n'alla pas vraiment mieux. Certes, le téléphone sonnait un peu moins souvent mais, entre deux jongleries de millions, il n'en dormait que plus longtemps. Nous finîmes par considérer que, peut-être, si nous déjeunions ensemble ça irait mieux. Il interdirait qu'on lui passe ses communications.

Nous déjeunâmes donc. Dire que la fréquentation de Pagnol s'en trouva améliorée serait exagéré. En fait, nous bavardions de choses et d'autres en anglais tout en dégustant d'excellentes salades au saumon fumé qu'un appariteur apportait dans son bureau sur un petit chariot. J'appris alors que la vie de John était parsemée de bévues multiples. Ainsi m'apprit-il un jour que le matin même il avait fait le plein de sa Porsche avec du gazole. Je ne me souviens que de cette anecdote marquante mais il m'en conta beaucoup. L'acte manqué semblait être son mode de vie.

Nous atteignîmes  tant bien que mal la fin de son contrat avec l'école de langue qui m'employait. Trop fatigué, manquant de temps, il me demanda de l'excuser de ne pas le renouveler. Dommage. De son propre aveu nous nous entendions bien...

J'avoue que cette expérience me laissa songeur. Comment John, toujours au bord de l'écroulement, pouvait-il efficacement gérer la vente et l'achat de je-ne-sais-quoi par millions ? Ne lui arriverait-il pas un jour de faire de GROSSES erreurs ? Avait-il récemment contracté la maladie du sommeil ou bien, à force d'efforts pour être performant et s'élever dans la hiérarchie était-il parvenu à cet état d'épuisement prématuré ? Ne risquait-il pas, un beau jour, de se retrouver dans la poubelle comme un vieux citron bien pressé alors qu'il n'avait pas quarante ans ? Il n'y a pas qu'en bas de l'échelle que le fameux "système" fait des "victimes"...

9 commentaires:

  1. Il faudrait organiser un banquierthon…

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  2. Voilà un billet très intéressant. On pourrait supposer que votre élève avait obtenu son poste pour son aptitude à répondre comme on le voulait à certaines questions, et à ne pas s'en poser d'autres.
    Naturellement une des questions à laquelle il devait pouvoir répondre de manière satisfaisante était: qui est ce "on" ?

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  3. J'ai le sentiment qu'il s'en foutait un peu de Pagnol votre banquier. Et s'il était surmené, c'est peut-être bien qu'il travaillait à de vastes projets, caressait d'autres rêves.

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  4. Intéressant, votre lien, fredi. Le site que vous donnez est bien garni en matière d'articles et d'idées.

    C'est quand même assez fou cet effet de libération que me procure la lecture des blogs qualifiés de "réacs". Quand je pense à tous les efforts qu'un citoyen ordinaire doit faire pour gagner sa vie honnêtement et mener une vie paisible ; et puis arrive le jour où il prend conscience du grand vide intellectuel des médias traditionnels, de la nullité de la plupart des artistes autoproclamés, de l'absence de courage des hommes politiques qu'il croit élire librement, de la haine que lui vouent quelques malades mentaux obsédés par le meurtre de la normalité qui les a marginalisés eux, les débiles.

    On peut dormir longtemps du sommeil de l'innocence, ignorant qu'en réalité on vit sous hypnose. Qu'est-ce qui provoque le réveil ? Un accident de lecture, peut-être ? Une légère dissonance au détour d'une phrase entendue à la radio ?

    Qui sait ?

    Quoi qu'il en soit, merci d'être là : et tant pis pour les métaphores de Jacques Etienne, dont le sens m'échappe le plus souvent. Pas grave.

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  5. Il ne s'appelait pas Madoff, par hasard, votre banclard ?

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  6. Je viens de m'apercevoir que j'ai écrit une grosse bêtise, vu qu Madoff n'est pas à la City of London mais à Wall Street of New-York.
    Aucune importance, car comme dit le fabuliste qui en connaissait un rayon : "Si ce n'est lui c'est donc quelqu'un des siens..."

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  7. Il s'est fait enchristé pour massacre de rats le J-E ?

    La gerbille: je renonce à voir des paraboles partout et prends les écrits de J-E au premier degré. Le blogueur use déjà d'un pseudonyme, si en plus il faut traduire sa pensée...

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  8. @ Didier : Pourquoi pas ?

    @ Jazzman : Je ne suis pas bien votre raisonnement...

    @ fredi : Je crains que la vérité ne soit plus simple : épuisé, ce pauvre John ne savait plus ni où il était ni où il allait...

    P.S. : Je suis libre : les rats ne m'ont pas eu et de plus je n'utilise aucun pseudo. Quant aux métaphores, cf infra.

    @ La Gerbille : Mes textes sont du premier degré. Quand j'use de la métaphore, elle est limpide.

    @ Marianne : Ce n'était pas un escroc, juste un type un peu paumé qui jouait avec des sommes un rien conséquentes...

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  9. J'admets que ce n'était pas clair.
    Je voulais dire qu'il avait vraisemblablement été choisi parce qu'il n'était pas trop intelligent et/ou pas trop curieux.
    Notamment, il devait donner une réponse satisfaisante (il y en a plusieurs) si on lui demandait: mais qu'est-ce que la finance ?
    Ces "qualités" expliqueraient les bévues multiples.

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