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samedi 7 janvier 2012

L'amour et un paquet de sornettes...




Parmi les personnages un rien bizarre qu’il me fut donné de rencontrer lors de mon expérience de formateur en Français Langue Etrangère à Londres, le docteur W. tient une place à part. Le directeur de l’école de langues  avait tenu à me recevoir afin de m’expliquer les particularités de cette mission.  Ce bon docteur travaillait au Ministère de la Défense. C’était un homme de grande culture,  charmant et tout et tout. Seulement, s’il me parlait de M.,  la collègue qui m’avait précédé auprès de lui, je ne devais en aucun cas lui fournir de renseignements.  Tout au plus pouvais-je lui dire qu’elle était repartie pour la France sans laisser d’adresse.  J’aurais été bien en peine, si telle avait été mon intention, de fournir à qui que ce soit des informations  sur M. que je n’avais fait que croiser au siège et sur laquelle je ne connaissais qu’une anecdote un peu scabreuse que m’avait raconté un collègue et qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de narrer à qui que ce soit. Même pas à vous, chers lecteurs.  C’était une femme d’une petite quarantaine d’années, plutôt pas mal et élégante.

Je fis donc la rencontre du Dr W. Ce n’était pas une mince affaire car au Ministère, on ne rentrait pas comme dans un moulin. Les p’tits gars de l’IRA étant en pleine effervescence, il fallait montrer patte blanche. Aussi, lorsqu’on arrivait, devait-on déposer une demande à l’accueil. La personne visitée descendait alors vous chercher, signait le document, et passait avec vous sous un portail électronique tandis qu’on scannait votre mallette. Tout cela prenait du temps et les cours ne duraient  guère. Ce qui n’était pas vraiment dommage, car le Dr W. avait une approche curieuse du français. Il était capable de vous interroger sur un point de grammaire de base puis de se lancer dans un exposé particulièrement fouillé sur un détail syntaxique requérant une connaissance profonde de la langue. Sa syntaxe et son vocabulaire étaient eux  aussi à géométrie variable. Bref, je le soupçonnais d’avoir un esprit plus tordu que la moyenne et de faire l’âne pour avoir du son. Les premières séances se passèrent de manière aussi agréable que le permettait l’agacement qu’il provoquait en moi. Seulement ce qui devait arriver arriva : il se mit à me questionner sur M.  Je lui fis la réponse que l’on m’avait dictée. Mais W., un rien maniaque ne s’avoua pas vaincu et dès lors nos séances consistèrent  à jouer au chat et à la souris, lui tentant constamment de ramener la conversation sur M. et moi esquivant la question avec autant de constance. Tout cela était bien stressant. Je vis finir le contrat avec soulagement.  D’autant plus que j’avais entre temps appris la vérité de la bouche de M.

Le brave fonctionnaire, lors d’un cours se plaignit, du côté routinier de son existence. M., histoire de causer, lui conseilla d’y mettre un peu de piment, de faire des choses folles, je ne sais pas, moi, partir plus souvent en vacances avec sa femme dans sa caravane… L’aventure, quoi.  Lors de la séance suivante, W. évoqua leur précédente conversation, l’approuvant totalement. Il serait bon qu’il mît un peu de piment dans sa vie. Seulement, son idée de l’assaisonnement n’était pas de même nature que  celle de M. . Passant sans transition aucune du concept à sa réalisation, il se jeta  sur cette dernière  avec la fougue du baroudeur néophyte. M.  parvint à se dégager mais refusa de rencontrer de nouveau  son bouillant admirateur.

Histoire bien banale, me direz-vous.  Je vous le concède.  D’autant plus banale  que j’eus de la bouche du directeur export de l’entreprise où je fis un stage de commerce international le récit de son équivalent  inversé. Un soir qu’il pleuvait à torrents, prenant, le repas fini,  le café avec des amis dans son salon, il lui sembla apercevoir une forme humaine derrière un arbuste de son jardin. Intrigué, il sortit s’assurer qu’il n’avait pas la berlue.  Et rentra  accompagné de sa prof d’anglais dégoulinante. Cette dernière, tombée raide amoureuse de sa calvitie naissante avoua le suivre partout depuis quelque temps. Comme quoi, l'enseignement peut mener à tout.

Ces petites anecdotes, me réjouissent toujours en ce qu’elles révèlent  le côté un peu tordu de gens menant apparemment des vies sages et rangées. Mais peut-être suis-je seul à les apprécier ?

mercredi 28 décembre 2011

Banquier, quel beau métier !



Les banquiers d'affaires sont de bien tristes sires. Ils se remplissent les poches de grasses primes  tandis que le bon peuple traîne sa triste vie dans un environnement hostile et précaire. N'empêche, ce n'est pas toujours aisé. Ainsi, du temps où je donnais des cours de français dans la City de Londres, parmi ceux que j'eus comme "clients", il en est un dont le souvenir me trouble, tant son quotidien me sembla peu enviable.

Le collègue qui m'avait précédé avait basé son enseignement sur "La Femme du boulanger". Nous continuâmes donc d'étudier ce roman. Étudier, un bien grand mot... En fait, John, appelons-le John, avait un petit problème : il s'endormait au bout de quelques phrases. Seul le téléphone le tirait de sa torpeur. Dans les conversations qui suivaient, il était question de millions de livres sterling. En quelques phrases le sort de ces dernières était réglé, puis John retournait à Pagnol avant de se rendormir jusqu'au prochain coup de fil qui se faisait rarement attendre. C'était un peu gênant. Je ne pouvais tout de même pas le secouer, ni claquer dans mes mains pour le ramener à son histoire de boulanger cocu. En gros, nous ne faisions rien. Au bout de quelques séances, John se demanda si nos rencontres du matin étaient vraiment fructueuses et si nous ne ferions pas mieux de déplacer ces cours dans la soirée. Il serait moins dérangé.  Va pour la soirée, admis-je. 

Ça n'alla pas vraiment mieux. Certes, le téléphone sonnait un peu moins souvent mais, entre deux jongleries de millions, il n'en dormait que plus longtemps. Nous finîmes par considérer que, peut-être, si nous déjeunions ensemble ça irait mieux. Il interdirait qu'on lui passe ses communications.

Nous déjeunâmes donc. Dire que la fréquentation de Pagnol s'en trouva améliorée serait exagéré. En fait, nous bavardions de choses et d'autres en anglais tout en dégustant d'excellentes salades au saumon fumé qu'un appariteur apportait dans son bureau sur un petit chariot. J'appris alors que la vie de John était parsemée de bévues multiples. Ainsi m'apprit-il un jour que le matin même il avait fait le plein de sa Porsche avec du gazole. Je ne me souviens que de cette anecdote marquante mais il m'en conta beaucoup. L'acte manqué semblait être son mode de vie.

Nous atteignîmes  tant bien que mal la fin de son contrat avec l'école de langue qui m'employait. Trop fatigué, manquant de temps, il me demanda de l'excuser de ne pas le renouveler. Dommage. De son propre aveu nous nous entendions bien...

J'avoue que cette expérience me laissa songeur. Comment John, toujours au bord de l'écroulement, pouvait-il efficacement gérer la vente et l'achat de je-ne-sais-quoi par millions ? Ne lui arriverait-il pas un jour de faire de GROSSES erreurs ? Avait-il récemment contracté la maladie du sommeil ou bien, à force d'efforts pour être performant et s'élever dans la hiérarchie était-il parvenu à cet état d'épuisement prématuré ? Ne risquait-il pas, un beau jour, de se retrouver dans la poubelle comme un vieux citron bien pressé alors qu'il n'avait pas quarante ans ? Il n'y a pas qu'en bas de l'échelle que le fameux "système" fait des "victimes"...