« La culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié » aurait dit Edouard Herriot. Peut-on en inférer qu’a contrario « l’inculture c’est ce qui s’en va quand on a tout retenu. » ?
Histoire de ne pas trop me faire de peine, je préfère m’en tenir à la première de ces phrases. Grâce à elle, je me trouverais jouir d’une culture littéraire phénoménale. En admettant que j’aie lu, depuis 54 ans un livre par semaine, j’en aurais lu plus de 2800. Il se peut même que j’en aie lu davantage. Et que m’en reste-t-il ? Résumons-nous : Rien. Ou pratiquement rien.
L’adolescence fut le temps des classiques. Stimulé par mon frère ainé, je dévorai littéralement Balzac, Zola, Camus, Sartre, Flaubert, Voltaire, Rousseau, Simenon ainsi que tout ce qu’on était censé lire à l’époque. Ensuite, j’ai eu, c’était la mode, ma période beat/hippy avec Kerouac, Henry Miller, Rezvani et consorts. Puis je me suis laissé aller aux rencontres de hasard…
La capacité d’autrui à retenir non seulement le nom mais les caractéristiques des principaux personnages de grands romans classiques me laisse sur le cul. Comme m’étonne le sentiment de révérencieuse admiration que bien des « grands » auteurs inspirent aux « culturés ». Personnellement, je suis capable d’oublier l’intrigue, voire le sujet de bien des chefs-d’œuvre… Alors disserter des mérites comparés de Mimile et de Ginette dans l’inoubliable « Autant en emporte ta sœur » de Glutzenbaum …
Certains mal-intentionnés pourraient penser que je n’ai lu aucune des œuvres qui constituent le fonds de bibliothèque du moderne honnête homme. Ils auraient tort. Même si, n’ayant pas de photos me montrant en train d’en savourer les délices, ce n’est pas mon discours qui pourra leur prouver leur erreur.
Mais, malheureux enfant, ne suivîtes- vous point, au temps de votre jeunesse (ou vous avez plus qu’autre gallé, mais là n’est pas la question) des études littéraires ? Ne vous en tirâtes-vous pas si honorablement que le bon gouvernement de Giscard vous paya pour les suivre ? Si fait, si fait. Il me fallut tout de même me livrer à des exercices de critique sur de bons et moins bons auteurs, mais, je n’en abusai point. En fait, ce qui m’intéressait, c’était la langue. Plutôt que de me vautrer dans de douteux « plaisirs » exégétiques je me livrais aux félicités moins souvent partagées de la grammaire, de la linguistique, du vieil françois, du latin, de la philologie. Je billevesais déjà !
Parce qu’après tout, les œuvres sont-elles autre chose que des travaux pratiques de langue ?
Pareil pour moi : je me désespère du peu que j'ai retenu et assimilé de mes nombreuses lectures. On finit par se demander si on n'aurait pas mieux fait de se lancer dans la peinture sur tissu.
RépondreSupprimerPersonnellement, Didier, ça ne ma désespère pas. En fait je pense que la trace de mes lectures est en moi. Que je ne serais pas qui je suis sans elles. Comme le mouton transforme l'herbe en mouton au gré de ses broutements, je les assimile.
RépondreSupprimerAu fond, que leur souvenir soit si léger ne me prive que de la maigre joie de "briller" en société, noyant mes interlocuteurs sous un flot de références. Joie dont je me passe d'autant mieux que je deviens avec le temps de moins en moins sociable.
En guise de peinture sur tissu, j'ai le jardinage et le bricolage. Ce n'est pas mal non plus...