..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mardi 18 février 2020

Le rat est l’avenir du Parisien


Lorsque aucun fait saillant (Exhibition biroutesque, libération d’un politicien fraudeur, parole maladroite d’un ministre, danse frénétique de Mme Benbassa ou autre foutaise) ne vient au secours de media en quête de sensationnel, il arrive que l’on parle de l’invasion de Paris par les rats. D’ailleurs, comme pour bien d’autres sujets, ne serait-il pas pus prudent de parler d’un sentiment de pullulation ? Quoi qu’il en soit, sentiment ou réalité, la prolifération de ces rongeurs est de temps à autre évoquée. Et, curieusement, les gens semblent davantage s’en offusquer que s’en réjouir. J’ai du mal à les comprendre. Me mettrais-je à geindre si je découvrais en bêchant mon jardin que celui-ci se trouvait situé au-dessus d’une importante nappe de pétrole ?

Dans bien des pays d’Asie du Sud-Est (Chine, Cambodge, Viet-Nam, Laos, Thaïlande), on est friand de viande de rat. D’ailleurs, consommer sa viande fut très tendance à l’occasion du siège de Paris en 1870. On m’objectera que les asiatiques se repaissent de rat des champs et non de rats d’égout, que les rats se gavant dans les rizières sont gras et nourris sainement quand leurs collègues citadins se repaissent d’ordures.J’appelle ça chipoter. Le cuisinier Thomas Génin qui prôna la création de la première école de cuisine de Paris servait aux gourmets de 1870 des terrines de rat farcies de chair et de graisse d’âne pour le prix modique de 15 francs-or. Selon lui,  « le rat, s’il était désagréable à toucher, donnait une viande d’une formidable qualité, fine et un peu fade, mais parfaite si elle était bien assaisonnée. » et ce n’était pas, vu le faible nombre de rizières de la ville, de celle du rat des champs asiatique dont il parlait. Sans compter qu’avec la multiplication des cultures potagères urbaines, l’alimentation des rongeurs deviendra de plus en plus saine.

Bien sûr, il faudra, dans un premier temps, que le Parisien surmonte la répugnance atavique que provoque l’animal mais la raison voudra que celle-ci soit dépassée : quoi de plus en accord avec des convictions locavores que de consommer une viande produite Intra Muros ? D’autre part, cette consommation réduirait fortement la prolifération du rongeur au grand bonheur des musophobes tout en permettant la création de nombreux emplois lucratifs de chasseurs. Il se pourrait même que le succès des plats de rats n’amènent leur prix à flamber comme c’est le cas en Thaïlande (voir ici) et que des commerçants indélicats ne servent en lieu et place du muridé de vulgaires lapereaux !

Les Parisiens au lieu de s’en plaindre devraient donc, pour des raisons morales autant qu’économiques, se réjouir du trésor que leur apporte l’invasion et prier pour qu’il ne s’agisse pas là d’un simple sentiment.

Pour finir sur une note plaisante, je vous donne ci-dessous la traduction d’une des recettes de rat parue en 1973 dansThe Brand new Monty Python bok, ouvrage dont je suis l’heureux propriétaire et qui devrait avoir une place d’honneur dans la bibliothèque de tout honnête homme du vingt-et-unième siècle :

«Soufflé au rat

 Assurez vous que les couinements du rats ne sont pas audibles de la rue, en particulier dans les endroits où la Ligue Anti-soufflé et des « bonnes âmes » du même acabit se mêlent de persécuter les amateurs des innocents plaisirs de la table. Quoi qu’il en soit, placez le rat sur votre planche à découper. Levez bien haut votre couperet afin que son acier scintille aux lueurs du soleil couchant et ensuite abattez-le d’un coup - tchak ! - provoquant ainsi un craquement – sur le cou gras du rongeur terrifié et préparez-le en soufflé .»

Gourmets, à vos fourneaux !

dimanche 16 février 2020

Municipales


Rassurez vous, je ne vais pas parler de celles de Paris dont je me fous totalement et surtout pas du récent « scandale » dont je me contrefous tout autant mais de celles de la petite ville où je demeure.

Depuis quelque temps déjà, de braves gens dont les tempêtes pluvieuses que nous connaissons de manière quasi-permanente ne douchent pas l’enthousiasme, viennent déposer dans ma boîte aux lettres des imprimés sur lesquels apparaissent une liste de noms de candidats ainsi que les dates et heures des réunions organisées en vue des municipales. Jusqu’ici, j’avais pratiqué à leur égard une politique de classement vertical. Seulement, hier m’est arrivé un dépliant qui a retenu mon attention par la qualité de son support de papier glacé et de sa quadrichromie. On voyait d’emblée qu’on était entré dans le sérieux.

Sur la première page s’affichait le nom de la liste : « Avec vous demain ! » (Bel optimisme !) que conduisait une dame dont le nom ne me disait rien. Sous la photo de groupe, elle se proclamait « sans étiquette » ce qui ne m’avançait guère. En l’ouvrant, je découvris les vingt-huit photos en couleurs des élus potentiels sous lesquels apparaissaient leur nom, prénom, âge et profession et le cas échéant leur qualité d’ancien élu. C’est ainsi que j’appris que la tête de liste n’était rien de moins que la première adjointe du maire sortant, lequel ne se représentait pas. De ces vingt-huit personnes pas une seule ne m’était connue ni ne me donnait l’impression de l’avoir ne serait-ce que croisée ou aperçue. Sur la dernière page apparaissait la profession de foi : la liste se déclarait composée d’élus chevronnés et de débutants.Le changement dans la continuité, en quelque sorte. « Notre volonté est d’agir ensemble pour le bien-être de tous » proclamaient-ils (ce qui vaut toujours mieux que d’agir chacun de son côté en vue de ses propres intérêts) Avant les dates et heures des réunions publiques, d’une écriture cursive maladroite, la tête de liste déclarait qu’ « Être élu n’est pas une ambition mais un engagement au quotidien ». Certes, mais sans l’ambition d’être élu, comment s’engager au quotidien ?

Tout cela me laisse pantois. Je m’interroge sur l’intérêt que j’aurais à aller apporter mon suffrage à une quelconque liste. Sur elles, pas une personne que je connaisse. Je n’habite la commune que depuis un peu plus d’un an et demi. En dehors de quelques voisins, commerçants et professionnels de santé, je ne saurais dire qui est qui. Sur la gestion de la commune, sur ce qui serait bon d’y changer ou d’y améliorer, je n’ai aucune idée. Je serais favorable à une drastique baisse des impôts locaux, mais de ça personne ne parle. En fait, je ne me sens aucunement concerné et en dehors de le décider à pile ou face, je ne vois pas pour qui voter. Je crois donc de mon devoir de m’abstenir et de laisser le choix à ceux qui ont une opinion sur la question.

dimanche 9 février 2020

Profondes pensées dominicales


Parlons poiscaille
Mon dernier article consacré au parmentier de saumon m’a permis de constater, dans un domaine de plus, les graves dissensions qui existent au sein de notre malheureuse nation. Certains ont cru bon de me signaler qu’on pouvait remplacer le saumon par de haddock ou du cabillaud.Soit, mai un parmentier de saumon au haddock ou au cabillaud, ce n’est plus tout à fait ça.
Ma connaissance des poissons fumés étant très faible, seul le saumon ayant grâce à mes yeux, j’ai voulu me renseigner sue ce qu’était au juste un haddock. A ma grande surprise, il ne s’agissait pas, comme il eût été logique, d’un capitaine, poisson de rivière, salé, fumé et teint au rocou mais d’un églefin.

Kipper dans toute son horreur

Cela me ram ena à l’esprit une mésaventure liée au poisson fumé. M’étant rendu avec ma compagne à Lowestoft, charmant port de pêche du comté de Suffolk en vue d’un entretien d’embauche dans un quelconque collège d’enseignement supérieur, me vint, au petit déjeuner, l’excellente idée de demander au serveur de l’hôtel s’il existait une spécialité locale. Suivant le précepte anglais bien connu, qui dit qu’à Rome on se comporte en romain, je pensais qu’à Lowestoft, le bon goût exigeait que je fasse comme les Lowestoftiens. Mal m’en prit, car avec un aimable sourire, peut-être teinté d’une cruelle ironie que je ne sus déceler, il me répondit positivement et me recommanda le célèbre kipper de Lowestoft. N’ayant aucune idée de ce que pouvait être un kipper, j’eus la faiblesse d’accepter la suggestion et me vis servir un grand hareng entier, fendu en deux de la tête à la queue, évidé, aplati, débarrassé de ses arêtes, salé et à peine fumé (à froid), ce qui lui donne une couleur rouge. Ce fut dé-gueu-lasse. J’eus bien du mal à finir mon assiette et passai la journée à ruminer du kipper, ce qui me passa l’envie de tout autre repas. Faute d’être comestible, le kipper constitue donc un plat économique.


Une mère pour moi
J’ai passé une très mauvaise nuit. Les hurlements d’un vent tempétueux, le fracas qu’il produisait en secouant mes volets, en furent la cause. Quelle ne fut pas ma surprise en consultant mes mails après un réveil tardif et malaisé de voir que Mme Aviva, qui assure avec efficacité, générosité et zèle mes biens automobiles comme immobiliers avait eu une pensée pour moi, me conseillant la prudence suite à l’arrivée de la tempête Clara prévue pour la soirée et la nuit dernières. Elle me mettait en garde contre les risques que pourraient occasionner des déplacements, me conseillait de mettre en sécurité les objets susceptibles d’être emportés par le vent, avant de m’exhorter à suivre les éventuelles consignes données par les autorités. Mme Aviva, j’ai pu le constater, avait raison : si Clara est arrivée un peu à la bourre elle semble se plaire ici vu qu’elle continue de souffler et que cet après midi, des pointes à 120/140km/h, seront probables selon le bulletin d’alerte de Météo France. Toutefois, vues les circonstances, mes envies de promenades en auto ou à pied dans le bocage ou de sortie du salon de jardin et de déploiement de mon parasol sont limitées. L’expérience peut-être… Quant aux autorités, leurs désirs sont pour moi autant d’ordres. Cependant, cette sollicitude, si touchante qu’elle soit, ne me semble pas exempte d’arrière-pensées économiques autant qu’égoïstes de la part de la dame.

Plus que onze ? Quelle horreur !
En dehors de la saison qui n’est pas des plus réjouissantes, il me semblait qu’un manque venait ajouter à ma langueur actuelle. Je n’en pus cerner la nature jusqu’à ce qu’en début d’après-midi me vint une inquiétude quant à son origine : M. Goux aurait-il négligé de publier son journal de Janvier ? Pire, sa publication, attendue chaque fin de mois avec impatience par votre serviteur et ses onze co-fans m’aurait-elle échappée ? L’aurais-je lu et, Alzheimer aidant, ne m’aurait-il laissé aucun souvenir ? Il fallut que j’en aie le cœur net. Vérification faite, je dus à ma courte honte reconnaître que s’avérait ma seconde hypothèse. Je me hâtai donc de réparer cette erreur et pris comme à l’accoutumée plaisir à cette lecture, même s’il est vrai que les comptes-rendus de lecture y occupent une place certaine.

vendredi 7 février 2020

Parmentier de saumon


Notre pays, comme l’ensemble du monde, est certes en proie à des interrogations aussi cruciales que variées. Le Coronavirus va-t-il détruire l’humanité avant que le changement climatique ne s’en charge ? La pénurie de koalas va-t-elle toucher le Groenland ? Serait-il souhaitable de pendre Polanski avec les tripes de Matzneff ? A-t-on ou non le droit de blasphémer même si ça ne sert à rien et que tout le monde s’en fout ? Comment lutter efficacement contre la pédophilie sur glace ? Devrait-on autoriser les entraîneurs sportifs à se marier ? La grève des transports permettra-t-elle de baisser l’âge de la retraite et le niveau des cotisations ? Et cœtera ?


Que répondre à ces questions lancinantes ? Je n’en sais rien et suis même parfois tenté d’avouer que je m’en fous complètement. En revanche, si vous vous demandez ce que vous pourriez manger ce soir, si vous souhaiteriez vous concocter un repas pas trop compliqué à préparer, à la fois roboratif et délicieux, j’ai une réponse : le parmentier de saumon.

Comme son nom l’indique, il vous faudra du saumon et des patates. Mais ce n’est pas tout : pour confectionner votre purée, vous aurez besoin d’œufs, de lait et de crème (ou de beurre, si vous préférez) ainsi qu’un peu de sel et de noix de muscade râpée. Pour ce ce qui est du saumon, plusieurs solutions sont envisageables : aller en pêcher un en Écosse (coûteux), en acheter des filets chez votre poissonnier (moins coûteux), ou acheter des filets de saumon du pacifique congelés chez Leclerc, Lidl ou tout autre magasin de votre choix (pas cher du tout et bon quand même). C’est pour cette dernière solution que j’opte.

Vous prenez 250 g de filets de saumon que vous coupez en dés, ou que vous réduisez en petits morceaux avec une fourchette. Vous en tapissez le fond de votre plat, salez et poivrez. Vous émincez 4 échalotes et les placez au-dessus du saumon. Vous recouvrez le tout de purée. Pendant ce temps, votre four aura préchauffé à 210 ° C, vous enfournez votre préparation et, 35 minutes plus tard, c’est prêt. Vous vous régalez en bénissant mon nom. Merci.





mardi 4 février 2020

Tout s'explique !


Observez attentivement ces trois photos :
La petite sirène de Copenhague

La sirène des pompiers


Le lamantin

L’illustre Christophe Colomb, aurait, selon M. Wikipédia, et il n’est pas le seul à en parler, déclaré avoir vu trois sirènes en 1493. Il crut bon de préciser qu’ « elles étaient moins belles qu’on les décrit ». En fait, il se serait agi de lamantins. Avouez que la ressemblance entre la  la sirène des pompiers ou même la petite sirène de Copenhague et le lamantin n’est pas frappante et que pour les confondre il faut être sacrément miro (pas le peintre, celui qui voit mal !).


C’est probablement à cause de cette grave déficience visuelle que, découvrant l’Amérique, le grand navigateur pensa être arrivé aux Indes.

lundi 3 février 2020

Le gouvernement idéal


Notre gouvernement actuel et le président qui l’a nommé ont au moins un point commun avec ceux qui l’ont précédé : il ne conviennent pas à une large majorité de Français. Pour certains, il y a urgence à les remplacer , pour d’autres il faut respecter les institutions et attendre que les échéances électorales permettent au peuple de leur choisir des successeurs. Que ce soit suite à des démissions ou des élections, il faudra bien les remplacer. Et c’est là le problème.

Si tout gouvernement est, quoi qu’il fasse, en mesure de mécontenter beaucoup de monde, il est bien plus délicat d’en trouver un qui satisfasse ne serait-ce qu’une courte majorité. Il y a à cela une multitude de raisons. La principale, à mes yeux, étant qu’on attend beaucoup trop de gens qui somme toute ont un pouvoir très réduit et certainement pas celui de faire le bonheur de tous. Ambition d’autant moins réalisables que tous n’ont pas la même conception du bonheur ni de la manière d’y parvenir. A cela, il faut ajouter les irréconciliables contradictions que cultivent les partisans de ces multiples conceptions.

En gros, on veut tout et son contraire. On souhaite un renouvellement du personnel politique mais on reproche aux nouveaux venus leur inexpérience. On exige l’égalité tout en réclamant de voir ses mérites personnels reconnus et récompensés. On veut que l’ordre public soit rétabli et que les forces de l’ordre n’aient pas recours à la force. On aspire à un pouvoir fort mais le mot de dictature fuse dès que la moindre mesure un tant soit peu radicale est annoncée. On exige le statu-quo et le « progrès ». On a le brave culot de reprocher leur incohérence aux gouvernants qui, comme tout un chacun, partent dans tous les sens.

Tout ça ne date pas d’hier. Le bon La Fontaine avec ses grenouilles qui demandaient un roi (les temps ayant changé, elles veulent aujourd’hui un président) était allé chercher son modèle chez Ésope, fabuliste qui, rappelons-le, serait né il y a quelque 2640 ans. C’est dire l’ancienneté du problème !

Pour qu’un pouvoir, quel qu’il soit, satisfasse, il faudrait qu’existe un consensus sur les buts à viser et la manière d’y parvenir. Or ce genre de consensus non seulement n’a jamais existé mais, du fait de la démocratie, a de moins en moins de chance d’apparaître en ce que ce régime favorise l’atomisation de la société en une multitude de minorités aux intérêts contradictoires. A l’inverse, une dictature présente l’intérêt de réduire les oppositions : on est pour ou on est contre. Ceux qui sont contre ne s’unissent généralement que par leur rejet. Quand ils parviennent à la renverser, les contre se divisent et quand le bazar devient anarchique, il arrive qu’un nouveau régime fort apparaisse. On a vu ça dans bien des pays.

Tout ça pour dire que le gouvernement idéal n’a que le défaut de ne pas pouvoir exister davantage que le consensus qui le rendrait populaire et cela d’autant plus dans ce qu’on appelle « l’État providence » qui par définition se trouve en charge d’assurer le bonheur de ses citoyens. Si gouverner se bornait à exercer des fonctions régaliennes ( assurer la sécurité extérieure, l’ordre public, définir le droit et rendre la justice, gérer les finances publiques), il me semble que les points de friction, sans disparaître, seraient moins nombreux tant il est plus aisé de s’entendre sur quelques points clairement définis que sur tout. Personnellement, vu que j’ai la chance de mener une existence qui grosso-modo me convient, je me contenterais de ce type de pouvoir.

Contrairement à beaucoup, le gouvernement actuel ne me déplaît ni ne me plaît pas plus que ceux qui l’ont précédé depuis quelques décennies qui, en tentant de satisfaire des attentes déraisonnables et hors de leur portée, nous ont amené à la situation quasi-chaotique que nous connaissons aujourd’hui.

vendredi 31 janvier 2020

A Montaillou, village occitan, plus ça change et plus c’est pareil




Lors de leur récent séjour, je me suis vu offrir par le chevalier servant de ma fille, entre autres ouvrages consacrés au Moyen Age, la célèbre monographie de M. Emmanuel Le Roy Ladurie Montaillou, village occitan de 1294 à 1324. J’avais depuis bien longtemps oui dire le meilleur de ce livre mais ne m’étais jamais soucié de le lire. L’occasion faisant le larron, j’entrepris la lecture de ce pavé de plus de 600 pages en petits caractères qui, s’appuyant sur le registre d’inquisition rédigé par Jacques Fournier, évêque de Pamiers, qui entre 1318 et 1325 traqua avec zèle et méthode les Cathares de la Haute Ariège et notamment ceux de l’humble village de Montaillou.

Le saint homme que sa dévotion et son ardeur à défendre la vraie foi élevèrent à la papauté sous le nom de Benoît XII était un habile interrogateur. Le contenu des quelque 578 interrogatoires concernant 90 dossiers, furent menés par lui en occitan local. Il possédait sur les dominicains de Carcassonne qui le secondaient, l’avantage, en enfant du pays, de parler la langue des villageois. Malgré toute leur bonne volonté, lors d’une précédente campagne d’éradication, en 1308, les disciples du bon Dominique, avaient laissé passer quelques menus poissons à travers les mailles de leur saint filet. Monseigneur Fournier s’étant fixé pour but de réparer cette négligence se montra donc d’une patience infinie et, traduites en latin, les déclarations des suspects furent consignées dans un fort volume que conserve la Bibliothèque Vaticane. Ces sept années d’efforts menèrent à cinq exécutions par le bûcher, 48 emprisonnements (parfois à vie) tandis que les autres accusés recouvrèrent leur liberté. Seuls quelques lépreux accusés d’avoir empoisonné les sources avec de la poudre de crapaud (le lépreux ajoutant à sa malignité foncière un coupable entêtement à se montrer taciturne) furent soumis à la torture suite à l’amicale pression qu’exercèrent sur l’évêque les Dominicains.

Ce qui inspira M. Le Roy Ladurie, au-delà des tracasseries infligées au braves Fuxéens par la Sainte Inquisition, est que la scrupuleuse transcription de leurs interrogatoires, permettait de brosser un tableau détaillé de ce qu’était la vie des habitants d’un village de la montagne pyrénéenne au début du XIVe siècle qu’ils soient (très relativement) riches, moins bien dotés ou pauvres. Le village est dominé par la puissante famille Clergue : deux frères , Pierre, curé aux mœurs perfectibles et Bernard, qui en tant que bayle représente le pouvoir du seigneur absent y tiennent le haut du pavé (si pavé il y a). Leur fortune ne les tiendra pas éloignés des tracas d'autant moins que leur pouvoir ne leur attire pas que des amitiés. Le curé sera arrêté le premier et les efforts financiers considérables que déploiera son frère pour qu’on le libère s’avéreront vains, le futur pape étant de la détestable race des incorruptibles. Bernard finira lui-même emprisonné. Constituée en grande majorité de bergers et de cultivateurs parfois éleveurs dont l’étendue des lopins varie mais reste toujours modeste tous les aspects de la vie de la population villageoise, dans ses détails les plus intimes, sont exposés au fil des chapitres de cette étude ethnographique.

Même s’il s’agit du travail d’un universitaire avec toutes les notes, références et redites que le genre implique, je ne saurais trop recommander la lecture de ce livre qui, s’il lui arrive de manquer de légèreté, n’en demeure pas moins, grâce à certaines remarques teintées d’humour, d’une lecture agréable et surtout d’un grand intérêt pour qui s’attache à tenter de comprendre les modes de vie et l’univers mental de nos lointains prédécesseurs.

Mais comment justifier mon titre ? La curiosité m’a poussé à vérifier si ce village de quelque deux cents âmes (parfois promises à la damnation) en ce début du XIVe siècle existait toujours. Google m’indiqua que oui, même si ses 17 habitants d’aujourd’hui sont le signe d’une probable et imminente disparition. Le catharisme y serait-il encore de mise ? Rien ne l’indique. La permanence que je signalais n’est due qu’au fait que depuis l’an de grâce 2001, l’édile qui préside aux destinées de Montaillou a pour nom Jean Clergue !