Quand j'étais jeune, il y a très longtemps, les vieux portaient des casquettes et les jeunes allaient tête nue. Entendons-nous bien : quand je parle de casquette, je ne parle pas de celle qu'arborent les djeuns d'aujourd'hui, ce produit d'importation qui met une touche finale à la toilette de l'ado, mais de la vraie, la plate.
Vu leur grand âge, je me disais alors qu'un temps viendrait où les vieux à casquettes s'éteindraient d'eux-mêmes comme de vulgaires dodos. Eh bien, il n'en est rien. Me voici entré dans le troisième âge et le vieillard casquetté est toujours là, pas plus fringuant que jadis, mais solide au poste. Et pourtant ça ne peut pas être les mêmes. Le vieux à casquette avait, en mon jeune âge, au moins soixante-soixante-dix ans. Ce qui l'amènerait maintenant à dépasser allègrement la centaine. Je sais, la vie s'allonge mais à ce point...
Donc, d'une manière ou d'une autre le vieux à casquette se perpétue. Pourtant il ne se reproduit pas. La fable selon laquelle dans certaines maternités spéciales naîtraient des vieillards tout encasquettés ne tient pas.
Reste à savoir si, avec le temps, la casquette vient à l'homme ou si c'est l'homme qui vient à la casquette. C'est bien entendu la deuxième option qui s'impose. Son port fait suite à un achat ou à un vol. Plus généralement à un achat, vu que l'arthrose du casquettophile le dissuade généralement de pratiquer le vol à la tire. Trop risqué.
Jasper Carrot, comique britannique, disait que l'âge mûr commençait quand, en passant devant un magasin spécialisé dans le vêtement classique, on se disait : "Pas mal ce cardigan!" Il faut croire que la vieillesse débute quand on ressent l'impérieux besoin de s'acheter une casquette. La calvitie joue probablement un rôle dans cette addiction mais ne nous y trompons pas : certains chevelus la partagent.
L'autre jour, au marché, devant le nombre de vieux encasquettés j'en suis venu à me demander si la casquette ne serait pas, en fait, obligatoire. Du coup, je me suis senti mal à l'aise, comme pas en règle.C'est ainsi que m'est venue l'idée du droit à la casquette : à un âge déterminé par la loi, tout français l'obtiendrait. Moyennant une infime cotisation, il acquerrait,sa vie active durant, des points, qui, l'âge venu et en fonction de la hauteur de ses contributions, lui donnerait droit à une casquette plate plus ou moins luxueuse et renouvelable annuellement. Il n'y aurait pas d'âge limite. On pourrait même renoncer, par coquetterie à cet acquis social. De même, les plus fortunés pourraient anticiper, à leurs frais, l'âge de leur casquette.
A l'heure ou le débat électoral s'enlise, il me semble que les candidats à la magistrature suprême feraient bien de reprendre l'idée.