Les animaux de compagnie traditionnels n’ont plus guère la
cote qu’avec quelques réactionnaires auxquels leur conformisme désuet interdit
de vivre avec leur temps et de voir les nombreux désavantages qu’ils présentent.
Le chat miaule, il griffe, dépose dans sa boite des excréments nauséabonds et
une urine à faire vomir un chacal, couvre sol, meubles et vêtements de poils.
Le chien aboie, il faut le sortir pour qu’il aille déposer ses énormes
déjections dans les bacs à sable des squares, il mord, son odeur se fait
pestilentielle dès qu’il pleut. Le canari, de par sa livrée jaune-cocu est une
insulte au bon gout, il prend un malin plaisir à expédier les téguments des
graines dont il se gave le plus loin possible de sa cage, est une énigme pour
la science en ce qu’il défèque un poids trois fois supérieur à celui qu’il
mange, vous casse les oreilles avec ses cris qu’il faut être quasi-sourd ou
dément pour qualifier de chant. Le poisson rouge est certainement le plus
répugnant de tous, vu qu’il accomplit ses besoin naturels dans l’eau même où il
vit, passe son temps à d’inutiles promenades le long ou autour de son aquarium
et, bien que muet, ne cesse d’appeler un certain Bob qui bien entendu, ne vient
jamais. Et je n’évoque là que
quelques-uns des tares profondes qui affectent ces quatre bêtes…
On comprend que l’homme d’aujourd’hui s’en détourne.
Malheureusement, c’est souvent pour adopter des compagnons qui ne valent pas
plus cher : le putois, la baleine, l’alligator, le rat musqué, l’ours, la
chèvre, le cobra, le chimpanzé, le tigre, le yéti, le dragon, pour ne citer qu’eux, ne sont pas exempts de
défauts. En revanche, il existe un substitut à ces répugnants animaux qui ne
présente aucun désavantage, je veux parler, les plus sagaces d’entre vous l’auront
deviné, du lombric.
De taille restreinte, d’un rouge agréable à l’œil, d’une
discrétion parfaite, dépourvu de tout poil, incapable de voler, il ne saurait
ni vous mordre ni vous griffer. Il faudrait être d’une mauvaise foi totale pour
lui trouver le moindre défaut. C’est pourquoi en dehors du merle et de la
taupe, dont j’ai dit ici tout le mal que je pensais, il n’a que des amis. Pour
bénéficier de sa compagnie, l’idéal est de posséder un jardin. Il s’y promènera
en long, en large et en travers, ramenant des profondeurs de précieux oligoéléments,
aérant le sol par les galeries qu’il creuse*, et tout ça sans attaquer les
racines de vos plantes ni nuire par d’inesthétiques monticules à l’ordonnancement
de votre lopin.
Il se peut d’ailleurs, que, sans le savoir, vous possédiez
déjà ce précieux animal. Pour vous en assurer, munissez-vous d’un bêche,
creusez un trou et examinez la terre ainsi remuée Si vous y trouvez de
nombreux lombrics, c’est excellent : signe que votre terre est riche ! Si
vous n’en trouvez pas, il vous faudra vous en procurer plusieurs et ceci pour
deux raisons principales : lorsque vous serez saisi par l’envie
irrépressible de revoir votre petit ami, vous vous verrez contraint pour ce
faire de labourer l’ensemble de votre terrain sur deux mètres de profondeur vu
qu’il descend jusque là. Même si je vous sais courageux, un tel effort peut s’avérer
pénible et cela d’autant plus que votre propriété est vaste. D’autre part, il
se peut qu’en allant à sa recherche vous ne tranchiez d’un coup de bêche
malencontreux votre animal en deux et dans ce cas, contrairement à une
légende tenace autant qu'inexacte, vous ne vous retrouveriez pas avec deux lombrics mais avec un seul,
mort. Aucun adhésif, aucun pansement ne saura le rendre à la vie. C’est
pourquoi plus le nombre de lumbricidés en votre possession sera élevé mieux
vous vous porterez et cela sans qu’il ne vous en coûte le moindre cent vu qu’ils
trouvent d’eux-mêmes leur pitance…
Si vous vivez en appartement (il paraît que ça arrive),
offrez à vos lombrics un terrarium. Ils feront peut-être un peu la gueule au
départ, mais vu leur nature compatissante, ils comprendront que vous aussi vivez
dans un espace confiné. Cela vous fera un point de plus en commun et fortifiera
votre amitié. Sans compter qu’il est très improbable qu’une taupe ou un merle
parvienne à s’introduire dans votre terrarium : vos protégés seront donc à
l’abri de tout prédateur et partant moins stressés.
A la ville comme à la campagne le lombric saura donc enluminer
votre vie de son aimable présence.
*Particularité qu’il partage avec le mineur de fond qui lui
aussi creuse des galeries, ramène des trucs à la surface et est généralement de nature joviale.
On peut lui reprocher son refus de donner la patte. Le lombric est fier et ne s'abaisse pas à ces gamineries attentatoires à sa dignité.
RépondreSupprimerJacques et Pangloss, vous brisez les reins de ce cher La Fontaine, avec votre minutieuse étude du monde animal.
SupprimerJe confirme, cher Pangloss ! Même la promesse d'un sussucre ne le fait pas s'abaisser.
SupprimerIl ne faudrait pas oublier l'ascaris qui ressemble bougrement à votre lombric. Il paraît que 1 400 000 personnes dans le monde ont l'avantage de l'abriter dans leurs intestins.
RépondreSupprimerSi j'y pense en vous lisant, c'est que j'avais une copine de pension à Shanghai qui arrivait à les vomir par demi-douzaines.
Beurk!
SupprimerRéjouissante anecdote ! Je plussoie Orage !
SupprimerC'est exactement le billet rafraîchissant dont j'avais besoin ce soir !
RépondreSupprimerMerci à vous, donc.
Rafraîchir, telle est ma mission sur terre. Peut-être la poursuivrai-je en enfer ?
Supprimer"il accomplit ses besoin naturels dans l’eau même où il vit".
RépondreSupprimerCf la chanson de Renaud: "La mer c'est dégueulasse, les poissons baisent dedans."
J'y avais en effet pensé, mais quand le poisson est célibataire il se peut qu'il s'abstienne...
SupprimerQuelqu'un m'a appelé ?
RépondreSupprimerNon Robert, ce sont les trotskiste que le bon Staline appelait vipères-lombric (ou quelque chose comme ça). Vous n'êtes pas trotskiste, que je sache ?
SupprimerJe vais de ce pas vers une plate-bande fraîchement remuée caliner ces charmants compagnons.
RépondreSupprimerJ'espère qu'ils seront nombreux et vous procureront d'ineffables joies.
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