Une fois les gros travaux du jardin terminés, vient le
moment que je préfère, celui de l’observation.
Le petit déjeuner pris, la grille de mots croisés terminée ou bien entamée, je
sors, toujours en pyjama, et fais un tour de jardin. Il n’y a rien de précis à y
faire : la récolte des fraises se termine, les autres se profilent. A part
cueillir une courgette ici, un artichaut là, quelques radis encore, rien d’urgent
ne s’impose.
Je prends mon temps, je regarde si, dans le parterre de
dahlias, de nouvelles pousses sont apparues, si ces petits rosiers dont nous
avions ramené des boutures de chez mon père voient éclore leurs multiples
corolles, je détache quelques fleurs flétries d’une plante dont le nom s’obstine
à m’échapper* afin qu’elle garde fraîcheur et beauté, j’aperçois de nouvelles floraisons, là un
arum, là des gueules de loup. J’arrose les géraniums dans leurs jardinières dont
le soleil a desséché le terreau. Je vois
que le gazon lève dans mes allées. Je note que les pommes de terre s’apprêtent à
fleurir, que les fleurs de pois et de fèves se transforment en gousses. Et puis je découvre, navré, que limaces et
escargots s’entendent pour ravir mes radis, que des pucerons noirs accompagnés
de leurs inévitables fourmis esclavagistes ont envahi mes fèves ou que prunier
et cerisier souffrent de la cloque. Un traitement s’impose qui me pousse à l’action.
Les planches étant bien désherbées, j’y repère ici et là une
herbe téméraire qui ose me défier. Je l’arrache. Sous la serre où l’on n’étouffe
pas encore, je constate qu’un gourmand sournois s’est développé comme par
miracle sur un pied de tomate. Je l’élimine. Un autre a tant poussé que l’attacher
d’un brin de raphia à son tuteur est requis. J’observe la croissance des plants
de melon et les taille. Je me dis qu’il faudra bientôt repiquer gueules de
loup, œillets de poète et salades. Je cueille et savoure une des dernières
fraises…
Ainsi chaque matin ensoleillé se passe un quart d’heure, une
demi-heure, une heure parfois même, à aller de-ci de-là, sans but précis, à observer,
à accomplir de menues tâches ou à simplement les envisager. C’est un moment de
paix, de bonheur simple que rien ne saurait troubler. Je rentre, compose ou
relis un billet, ainsi passe le temps. Cette période bénie fait oublier l’interminable
automne qui l’a, cette année, précédée,
justifie la morne attente que se dissipent brouillards et que cessent les
pluies. Plus encore, elle renforce le sentiment de bien être et de liberté que
me procure la cessation de toute activité professionnelle car il faut avoir connu la servitude, fût-elle relative,
pour apprécier l’affranchissement, comme il faut endurer brumes et crachins pour
mieux apprécier le beau temps.
Je vous souhaite une très belle journée.
* Dernière minute : le nom m'en est revenu, il s'agit de l'hémérocalle dont voici une vue :
* Dernière minute : le nom m'en est revenu, il s'agit de l'hémérocalle dont voici une vue :
Cette plante est aussi nommée "Lys d'un jour"" à juste titre, hélas. Sa fleur s'épanouit au matin et se fane au soir. Si on n'élimine pas celles de la veille, les fleurs du matin sont entourées d'horribles dépouilles. D'où me vient cette question au Créateur : pourquoi avoir rendu la vie des fleurs si fugace et celle de la connerie éternelle ?
Je ne sais pourquoi, mais le fait de vous imaginer en pyjama, contemplant pensivement un artichaut, vient de me mettre en joie pour au moins un quart d'heure…
RépondreSupprimerCurieuse réaction, j'eusse pensé que l'évocation d'une telle scène vous eût plongé dans un état de profonde contemplation esthétique.
SupprimerLe bonheur, ce n'est pas d'inspecter son jardin, c'est d'y être en pyjama quand d'autres sont déjà au boulot (au chagrin comme on a dit longtemps). La preuve: à la même heure que vous, je suis en, pyjama, une tasse de café à la main et un livre sous les yeux, je suis heureux et pourtant je ne vais pas regarder les petits pois ou les tomates de mon potager.
RépondreSupprimerPour moi, c'est au jardin que c bonheur est le plus intense...
SupprimerVotre bonheur fait plaisir à lire, je vous souhaite un délicieux été.
RépondreSupprimerAmitiés.
J'espère qu'il le era et vous retourne le souhait.
SupprimerEt l'artichaut, qu'est-ce qu'il en pense ?
RépondreSupprimerIl y a bien longtemps que j'ai renoncé à cerner les états d'âme de l'artichaut tant il est hypocrite et dissimulateur.
SupprimerVoilà bien un bonheur du jardin que je connais, et partage entièrement ("sans contrainte sociale" comme dit dans ma famille, s'applique ici parfaitement.)
RépondreSupprimerHeureux homme qui si tôt avez trouvé la sagesse !
SupprimerCeux qui continuent à connaitre la servitude ne vous remercient pas de la leur avoir rendu encore plus pénible !
RépondreSupprimerPatience et longueur de rage, Aristide !
SupprimerMerci pour ce nouveau chant des Bucoliques!
RépondreSupprimerVous me flattez, Michel !
SupprimerJe trouve que vous ne donnez pas assez de détails sur le pyjama : matière, forme, couleur, etc, ce qui fait qu'on n'arrive pas à tout à fait vous imaginer déambulant dans votre jardin.
RépondreSupprimerVu qu'il s'agit d'une routine s'étalant sur des mois et mes moyens m'ayant permis de m'en offrir plusieurs, il arrive assez régulièrement que j'en change...
SupprimerEn revanche, je retrouve chez vous l'anticléricalisme viscéral dans cette propension à vous en prendre à Dieu pour ce qui vous déplaît, sans croire en Lui par ailleurs. Votre mauvaise foi vous perdra -puissiez-vous cependant être sauvé par votre mauvais esprit !
RépondreSupprimerJe n'ai rien contre le clergé, c'est uniquement au Créateur que je m'en prends. Que je croie ou non en lui ne saurait en aucun cas avoir la moindre influence sur son existence... Étant homme prudent, je ménage donc cette possibilité.
SupprimerEt les jours de pluie, le pyjama est t il en Gore-Tex et Dieu sait que ces jours sont légion dans votre verte région.
RépondreSupprimerLes jours de pluie, j'attends une éclaircie...
Supprimer"Le premier bonheur du jour".... c'est très lyrique... C'est même une chanson de Françoise Hardy !
RépondreSupprimerCe sentiment est très bien rendu, c'est ce j'aurais pu écrire si j'avais votre talent.
On peut y ajouter les odeurs de la terre fraîche. A bientôt !