..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

samedi 31 août 2013

Quiproquos enfantins



Eh oui, c’est triste à dire mais j’ai commencé très petit dans la vie. Curieux de tout, j’écoutais les infos. Nous n’eûmes la télé qu’en 1961 et les informations jusqu’à cette date nous parvenaient par le canal de la radio. La nôtre s’appelait Luxembourg. Le midi, le journal suivait les aventures de Zappy Max et de son ennemi juré, le Baron Kurt von Strafenberg dit le Tonneau dans le feuilleton-culte Ça va bouillir ! (sponsorisé par une marque de lessive, d’où le titre). Heureux temps où un criminel implacable ne pouvait être qu’Allemand !  Le journal du soir, lui, était précédé (ou suivi) par La Famille Duraton. Il y avait encore un autre feuilleton, narrant les vicissitudes d’un sympathique couple de clochards Carmen et Lahurlette incarnés par Jeanne Sourza et Raymond Souplex.  On savait rire en ce temps-là.

Mais revenons à nos infos. Il me semble qu’elles commençaient toujours par des communiqués rassurants sur la guerre d’Algérie : nos vaillantes troupes dézinguaient le fellagha par centaines tout en ne connaissant que de minimes pertes.  Ensuite venaient les nouvelles ordinaires. Et c’est là qu’apparaissaient de temps à autres deux personnages énigmatiques à mes yeux ou plutôt à mes oreilles : l’Homme de la rue et le Garde d’Esso.

A l’Homme de la rue, on demandait son avis à peu près sur tout. « Qu’en pense l’Homme de la rue ? », cette question lancinante revenait sans cesse, bientôt suivie par la réponse d’un ou plusieurs de ces hommes. Et cela me plongeait dans des abîmes de perplexité. Pour moi, qui pouvait être cet Homme de la rue, sinon celui qui y vivait, ce répugnant personnage toujours ivre, sale, habillé de hardes ? Ce clodo, dont ma chère institutrice, Madame R., me prédisait le destin si je ne travaillais pas davantage ?  Qu’on trouve le moindre intérêt à ce que pouvait bien penser ce répugnant personnage me paraissait fort incongru.

Quand au Garde d’Esso, je voyais en lui le responsable d’une station service du même nom. Un homme vêtu d’une combinaison de travail bleu  avec, cousu dans le dos, le logo de la marque inscrit en rouge sur fond blanc dans un cartouche ovale bleu.  Je savais, mon expérience étant déjà  grande, qu’il existait de nombreuses stations Esso, mais lorsque nous passions en voiture devant celle qui se trouvait sur la route de Maisons-Laffitte,  je cherchais le pompiste du regard et entretenais l’espoir qu’il soit celui dont la radio recueillait les propos.

Et le temps passa… J’appris que l’homme de la rue n’était pas un clodo mais un simple clampin dont on recueille les propos sans intérêt sur des sujets qui le dépassent. Quant au Garde d’Esso des Sceaux je finis par comprendre qu’il était ministre de la justice et non pompiste. Preuves que la connaissance, si elle mène à une vision plus exacte du monde a aussi  pour effet de modifier  l’univers d’un enfant.

vendredi 30 août 2013

Blogueur politique



Je me suis longtemps dit qu’être blogueur politique que l’on soit pour ou contre le gouvernement en place était une sinécure. Au temps de la politique-spectacle où ne se passe un jour sans qu’on nous montre une nouvelle et fascinante facette de l’action du président et que ne s’écoule d’heure sans qu’un ou l’autre de ses ministres ne  se rende qui au chevet d’une goitreuse, qui à l’inauguration du salon de la délocalisation, qui au congrès des associations pour l’association des associations, le travail ne manque pas : on a matière à louer comme à s’indigner. Seulement, ça, c’était avant.

Il se trouve qu’après un peu plus d’un an de hollandisme il devient difficile de passionner les foules par le commentaire d’actions, de prises de position et de réformes qui n’intéressent personne et en qui nul ne croit. On a pu un temps penser que le « mariage pout tous » allait rudement secouer le cocotier mais force est de constater qu’une loi, si farfelue soit-elle mais qui concerne si peu de gens, ne saurait durablement troubler la torpeur d’un peuple désabusé.

Le blogueur de gouvernement finit par se montrer morose. Comment s’enthousiasmer pour un cabinet si pâlichon ? Comment applaudir des deux mains des réformes aussi négligeables que peu fidèles aux engagements pris ? Alors on retourne à ses vieux démons : taper sur la Droite. Mais ça aussi c’est lassant. Un  amoureux qui ne fait que ressasser les défauts de l’ex  de son élue ne finit-il pas par indisposer cette dernière ? Restent de temps à autre des faits divers qui, mauvaise fois aidant, permettent de ressortir, sans grand conviction, l’arsenal des théories sociologique de l’excuse et d’agiter, sans grand succès, le vieil épouvantail du fascisme. Mais rien qui donne envie de pavoiser : le cœur n’y est plus.

Pour l’opposant, ce n’est guère mieux. Une fois qu’on a souligné la contradiction entre les propos du ministre des causes retrouvées et ceux de son collègue du délabrement citoyen,  qu’on a dénoncé l’incompatibilité des mesures prises avec les objectifs visés, que peut-on faire sinon se répéter ad nauseam ?  Sans compter que l’indignation et les défilés protestataires sont des spécialités gauchistes et qu’il faut de longues années de pratique pour les exercer de manière convaincante.

Et puis il faut bien dire que l’inconsistance de l’exécutif n’aide personne : à peine a-t-il  annoncé la moindre position qu’il s’empresse d’en adopter une contraire. On a à peine eu le temps de commencer à s’indigner ou à s’ébahir sur le bellicisme du président que celui-ci revient  à plus de circonspection. Allez vous y retrouver…

Décidément, le blogueur politique a connu de bien meilleurs jours.

jeudi 29 août 2013

Une femme d’État



Je viens de terminer la lecture d’un bon livre. Un illustre confrère blogueur en ayant rendu compte avec l’insolent talent qui est sa marque, j’ai bien peur de passer pour un Goux-gnafier en ajoutant mon grain de sel.

Une femme d’État est un roman à mon goût. Après toute une série de livres qui  ont eu pour mérite de m’aider à trouver un rapide sommeil sans me donner l’envie d’aller jusqu’à leur fin, cet ouvrage m’a fait renouer avec le plaisir de lire.

De quoi s’agit-il ? M. Desgranges nous expose sa vision de notre société ou plus exactement de ce qui est censé en constituer l’élite. Le fait-il par le biais d’un docte traité suant l’indignation? Choisit-il le ton austère du romancier social ?  Que nenni ! Il opte  pour le burlesque. Et c’est à mon sens le bon choix. Quand on parle de pitres, le grotesque s’impose.

D’emblée, affubler ses personnages de noms farfelus nous avertit : ici, rien n’est sérieux. On est dans la caricature. Le trait est outré. Partant de ce qui fait la réalité de notre comédie politico-sociale, M. Desgranges en pousse la logique à ses limites.  Le bon caricaturiste, comme lui, part d’un trait réel, l’exagère  et, ce faisant, amène à notre conscience telle ou telle particularité qui sans outrance eût passé inaperçue voire normale ou même acceptable.

La femme d’état, Valérie Pignon, est dotée d’une inculture, d’une incapacité et d’une naïveté qui dans un système absurde sont autant de clés qui ouvrent les portes de la réussite. D’abord sous-ministresse, elle s’élèvera irrésistiblement aux plus hauts sommets. Après une première partie d’exposition,  les principaux personnages caractérisés, tout ce beau monde se trouve confiné, suite à un week-end neigeux en diable, dans un château.  On est en situation de huis-clos, dans un Décaméron où personne ne raconterait d’histoire mais où tous la feraient,  à leur manière extravagante.  Ce huis-clos est à deux étages. D’abord, seule la neige isole. Ensuite la suppression de tout moyen de communication vient  renforcer l’isolement de notre groupe.  On nous montre le jeune arriviste, le maître du monde informatique, le premier ministre, les affairistes en art moderne, les capitaines d’industrie ou autres ministricules, mettre leur cynisme au service de leurs pitoyables manigances et se livrer à de joyeuses ou fortuites galipettes tout en dégustant des repas dont les menus feraient pâlir d’envie le plus délirant de nos modernes chefs.

Et le rire jaillit, à la surprise d’une formule cruelle, à un inattendu changement de registre lexical, à une absurdité plus absurde encore que la normale absurdité de cet univers absurde : on ne s’ennuie pas un instant et on en ressort avec un regard plus lucide sur ce qui est notre France réelle.

Le seul reproche que je ferais à ce joyeux roman, c’est sa fin. D’abord parce qu’il est toujours pénible de quitter un univers réjouissant, ensuite parce qu’elle est un peu abrupte.

Comme il est dit en quatrième de couverture que M. Desgranges « Observe les mœurs contemporaines, dont Une femme d’État présente un premier tableau.» on s’en console en se disant que d’autres suivront, tout aussi  plaisants.

dimanche 25 août 2013

L’affaire du siècle



Ces derniers jours, j’ai été débordé : travaux au jardin, pêche à pied, visite d’une voiture et abondantes récoltes de ce délicieux fruit que M. Desgrange, grand tomatophobe devant l’Éternel, ose nommer « baie visqueuse et gluante » m’ont tenu éloigné de ce blog.  Curieusement, la Terre ne semble pas s’être trouvée bouleversée par le tarissement de cette infinie source de sagesse. On continue de massacrer ici où là, de déconner à plein tube à La Rochelle,  on dézingue avec ardeur dans les Bouches-du-Rhône, la France se redresse plus vite que l’organe d’un ex-patron du FMI à la vue d’un jupon, bref,  la routine…

Résultat : un jardin recouvrant sa beauté, un repas de coques, des litres de savoureuse sauce tomate, de pleins  bocaux de tomates-cerises  baignant dans le vinaigre aromatisé et… Une grande déception. Si pour Guillaume Apollinaire, « la joie venait toujours après la peine », ce fut pour moi, ce vendredi tout le contraire. Au bonheur d’une pêche aux coques fructueuse succéda la déception d’une visite calamiteuse. Ma compagne ayant souhaité profiter de la grande marée pour une sortie à la mer nous  décidâmes de nous rendre à un endroit de la côte où pullule la cerastoderma edule. Ce choix me permettait, faisant d’une pierre deux coups, d’aller voir à quelques kilomètres de là une voiture qui avait  retenu mon attention, à savoir une Cadillac Seville de 1985, curieux véhicule dont la carrosserie, inspirée des Rolls Royce des années 60, m’avait séduit.  Une calandre rappelant sa cousine anglaise, des roues à rayons, un coffre saillant et,  cerise sur le gâteau, une roue de secours fixée sur  ledit coffre me firent rêver. J’aurais préféré que la couleur fût autre que bleue, mais l’idéal n’est pas de ce monde. Pour vous donner une idée de la bête, voici une photo d’un modèle sans roue de secours apparente.



Je pris donc langue avec l’heureux propriétaire de cette merveille. Il me l’assura impeccable. De carrosserie comme de moteur on l’eût crue neuve. A part que,  suite à un malheureux incident, il se voyait contraint de repeindre le capot afin d’en maintenir la perfection. Vu qu’il se déclarait ouvert à la négociation, j’en entamais une. Elle fut modeste car il me dit avoir déjà deux propositions. Je n’insistai pas me disant qu’on pourrait revoir ça à la baisse venu le moment du règlement…

La pêche terminée, nous finîmes par le trouver malgré des indications un brin confuses sur son lieu de résidence.  La voiture était là. A première vue pimpante. A deuxième vue moins. Il n’avait pas encore repeint le capot ce qui nuisait pour le moins à son esthétique, surtout que la préparation  au mastic ne laissait pas augurer d’un possible retour à une condition parfaite. Si les pare-chocs étaient impeccables, on ne pouvait en dire autant des autres chromes, bien nettoyés mais un peu piqués quand même. De même la peinture laissait apparaître par-ci par-là les signes inquiétants d’un début de corrosion qu’il me dit n’être dus qu’à  des retouches de peinture maladroites. Tu parles, Charles ! Si une brûlure de cigarette sur le siège passager avant et une moquette  bien fatiguée sont des signes de perfection pour l’intérieur, il n’y avait pas à se plaindre : elles étaient bien là. Ce qui me déçut le plus fut le tableau de bord : il était américain et de son époque : mastoc et démodé.  Il me la démarra. Le bruit du moteur sans être inquiétant n’avait rien d’enthousiasmant. Un rapide coup d’œil au moteur précéda une infructueuse tentative de fermeture du capot. Il fallut s’y prendre à plusieurs fois avant que la manœuvre fût couronnée de succès.  Puis ce fut le départ pour un petit tour d’essai.  Je le laissai piloter.Si je trouvai la suspension un peu molle et la tenue de route approximative, le pire était à venir.

De retour au garage, sortant de la voiture, je sentis une odeur de chaud inquiétante. Je la lui signalai mais il me dit ne rien sentir de spécial. Il ouvrit cependant le capot.  De la fumée s’échappait du moteur, suite à une fuite d’huile venue du cache-culbuteurs et se répandant sur les pipes d’échappement. Se saisissant d’une clé, il resserra les boulons, me disant que ce n’était rien.  N’empêche que je vis alors que la boîte de vitesse située en dessous était couverte d’huile.  La mécanique laissait donc également à désirer.

Il me demanda si je la prenais. Je luis dis qu’avant toute décision je préférerais la voir peinture terminée et que la nuit portant conseil je l’appellerais le lendemain pour un nouveau rendez-vous ou pour ne pas donner suite. Je ne donnai pas suite.

Du coup me voici dégoûté des Cadillac et sur la piste de belles Jaguar. J’en ai deux en vue. Impeccables, naturellement…

mercredi 21 août 2013

Parlons « nature »



J’ai cru déceler, au fil de commentaires, certaines réticences de Pangloss quant à mon attitude vis-à-vis de quelques  animaux ou bestioles. Je me suis rendu sur son blog, y ai visionné toutes les (très belles, soit dit en passant) photos de sa rubrique « Animaux familiers et autres » et cela a provoqué une tempête sous mon pauvre crâne, me plongeant dans un océan de réflexions diverses.

Contrairement au personnage joué par Philippe Noiret  dans  Coup de torchon, mes réflexions m’ont amené à  une conclusion claire : on peut très bien vivre dans un endroit isolé sans pour autant être un fanatique de ce qu’il est convenu d’appeler la nature.

Aimer la campagne n’a pas pour corolaire d’aimer la nature. Car comme la ville et les espaces périurbains, la campagne n’a rien de naturel. Elle a été aménagée, modelée, on pourrait même aller jusqu’à dire qu’elle a été fabriquée par les efforts de générations et de générations d’hommes afin de devenir un endroit vivable et productif. On a asséché les marais, défriché les forêts, planté des haies, aménagé des chemins ce qui a probablement dérangé voire éradiqué bien des sympathiques grenouilles, loups,  ours, sangliers ou autres moustiques.  Il s’agissait de mettre la « nature » au service de l’homme, pas de faire joli, même si le résultat de ces travaux rendait  les campagnes agréables à l’œil. Je m’inscris davantage dans cette logique que dans celle qui consisterait à maintenir les choses dans un état « naturel » rêvé plus ou moins éternel.

Si je plante des choux, c’est pour les manger et non pour engraisser des larves de piérides. Si j’élevais poules, poulets, oies ou canards, ce  serait pour me nourrir et non pour que renards ou hérissons se repaissent d’eux ou de leurs produits. C’est d’ailleurs la difficulté de la mettre à l’abri des prédateurs qui m’a fait renoncer à mon projet de basse-cour. 

Il a fallu des siècles pour éradiquer loups et ours de nos belles montagnes (seuls endroits où ils subsistaient après avoir été exterminés en plaine). Ce n’était pas par méchanceté ni à cause de légendes qui tendaient à faire de ces doux animaux de redoutables prédateurs de petits chaperons rouges  et de mères-grands  mais parce que leur présence était difficilement compatible avec l’élevage de moutons en altitude. Maintenant on les réintroduit, on les protège, on les bichonne au nom de la biodiversité. Au nom de cette valeur insigne on stoppe la construction de routes qui traverseraient une mare où le cancrelat à crête mordorée, animal rare et essentiel, vient s’abreuver. Tout ça est bel et bon, mais découle d’une conception moderne des rapports entre l’homme et la nature. Si nos ancêtres avaient eu la même, nous serions bien moins nombreux et moins bien nourris dans le meilleur des cas et dans le pire notre espèce aurait disparu.

Trouver un équilibre entre agriculture, élevage et biodiversité est délicat mais souhaitable. Faire de la biodiversité et du maintien en l’état de la soi-disant « nature » une fin en soi ne me paraît pas très raisonnable.