Comme bien des gens vous vous plaignez
de ce que votre logement est infesté de vermines diverses qui,
malgré votre sympathie pour, comme disait le regrettable Jean
Ferrat, « tout ce qui tremble et palpite, tout ce qui lutte
et se bat » pourrissent votre existence. Quand les punaises
de lit et les puces vous permettent de fermer un œil, vous trouvez
désagréable d’être réveillé par tous ces cafards qui vous
courent sur le visage. Voir vos portes, fenêtres et meubles dévorés
par de gras termites nuit à votre bonne humeur. Les cloportes qui se
sont établis sous votre évier ne vous paraissent qu’à moitié
sympathiques. En été, les fourmilières se réveillent et les
asticots envahissent votre poubelle. Ce n’est plus une vie !
Toutefois,
votre foi écologiste et vos convictions anti-capitalistes vous
interdisent d’avoir recours aux insecticides produits par les
multinationales de l’industrie chimique qui n’ont pour raison
d’être que l’exploitation (avant licenciement) de leurs
personnels et l’empoisonnement de leur clientèle. Bien sûr, vous
avez tenté des remèdes de bonne femme ( l’orthographe « de
bonne fame » étant basée sur une fausse étymologie) comme
l’huile essentielle de perlimpinpin alpestre ou les bouquets de
sacrebleu tibétain mais vos persécuteurs se sont empressés de la
boire ou de les boulotter avant qu’ils n’aient fait le moindre
effet. Vous en êtes à éviter le rayon insecticides de votre
grande surface pour éviter la tentation et lors d’horribles
cauchemars vous vous voyez exterminer, une bombe de Baygon dans
chaque main, tout ce petit monde avant de vous réveiller le visage
couvert d’une sueur âcre dans laquelle cafards, puces et punaises
tendent à patiner. Vous êtes à bout. N’y a-t-il pas de
solution ?
Rassurez
vous, il en est une simple, naturelle, écologique : Le
pangolin. Ce petit animal s’avère un redoutable insectivore s’il
est un piètre animal de compagnie. Ne vous y attachez donc pas trop,
car sa vie en captivité ne dure guère que quelques mois et sa
conversation est inexistante. Si par malheur vous le caressez à
rebrousse-écailles il se met en boule et, pour couronner le tout,
il est très laid. Vous pourrez en adopter un couple sans craindre la
prolifération : il ne se reproduit pas en captivité. A deux,
ils devraient donc normalement vous débarrasser de votre vermine
plus rapidement. Grâce à une langue longue et visqueuse, il peut
traquer les insectes dans les moindres recoins où ils se tapiraient.
Se cachent-ils sous la moquette ou dans votre literie ? Pas de
problème ! Ses doigts griffus lui permettront de les en
débusquer.
Vu
qu’il en existe diverses espèces, autant choisir la mieux
adaptée. Nous ne saurions trop vous conseiller d’en choisir une
diurne et arboricole. Elle vous foutra la paix de nuit et installer
un tronc d’arbre dans votre salon vous évitera les inconvénients
des espèces fouisseuses à terrier ( à moins, bien entendu, que
vous veniez de vous débarrasser de votre wombat).
Reste
le problème de sa courte existence en captivité. En fait, ce n’en
est pas un car à sa disparition, vous n’aurez aucun mal à vous
débarrasser de sa dépouille. Il se trouve que nos amis asiatiques
sont de grands amateurs non seulement de sa chair mais de ses écailles
auxquelles ils attribuent des vertus curatives, comme augmenter la
virilité, favoriser la santé des femmes allaitantes et mettre à
l’abri des contrôles fiscaux. Tout restaurateur chinois se fera
donc un plaisir de vous échanger son cadavre contre la fourniture
d’un nombre conséquent de Chow mein à la chauve-souris, de Chop
suey au crotale ou de tout autre plat à votre convenance.
Du
point de vue écologique, vous serez donc comblé : élimination
naturelle des vermines et recyclage profitable des restes du
pangolin. Pourrait-on rêver mieux ?