..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

jeudi 16 janvier 2020

Pour en finir avec le Royaume-Uni ou plus exactement avec l’Angleterre


Deux commentateurs m’ont posé la question de savoir pourquoi j’avais quitté l’Angleterre. Avant d’y répondre, encore faudrait-il savoir pourquoi j’y suis allé. Cette histoire s’étale sur plus de 20 ans.

En Septembre 1971, alors que je faisais, dans le cadre de la coopération, bénéficier les populations sénégalaises de mon balbutiant savoir, je découvris avoir pour voisine une Anglaise. Nous sympathisâmes et puisqu’affinités nous eûmes, il y eut plus et nous vécûmes ensemble cette année scolaire. La belle ayant un contrat de deux ans et le mien se terminant, après des vacances en France et à Londres nous nous séparâmes et l’éloignement aidant, notre histoire tourna en eau de boudin. Toutefois, étant d’un naturel obstiné, quand j’appris qu’existait entre le Royaume-Uni et la France un accord prévoyant l’échange d’instituteurs (ce que j’étais à l’époque), je posai ma candidature, laquelle fut acceptée et je retrouvai mon amie à Londres. Hélas pour mes projets de reconquête, elle n’y était que de passage vu qu’elle avait obtenu un poste d’enseignante à Venise.

Je finis par m’en consoler dans les bras d’une jeune Anglaise. Nous avions des projets durables, mais la fin de l’année scolaire arrivant, il me fallait rejoindre la France et l’éloignement aidant notre histoire tourna en eau de boudin. Je conservai cependant des contacts avec des amis anglais et j’allai souvent y passer mes vacances tandis qu’eux venaient nous rendre visite.

Dix-sept ans passèrent : six années d’études supérieures suivies de deux ans d’enseignement puis de neuf ans de commerce qui finalement me laissèrent dans ce qu’il faut bien appeler une merde noire. Instance de divorce (je m’étais entre temps marié et étais devenu père), chômage et, cerise sur le gâteau, un endettement considérable dont ma chère épouse avait bien voulu me laisser bénéficiaire : la totale. Je ne voyais pas très bien comment je pourrais m’en sortir vu que, si j’obtenais un emploi, mes créanciers ne me laisseraient que tout juste de quoi subsister et ce pendant des années. Autant dire qu’à quarante ans mon avenir ne me semblait pas brillant.

C’est alors que, la mort dans l’âme, après bien des hésitations, je décidai d’aller tenter ma chance outre-manche. Début 1990, un ami m’ayant offert l’hospitalité, je trouvai rapidement un poste de prof de français dans un des boroughs les plus pourris de Londres. J’y fis la connaissance d’une jeune collègue (encore !) et, après bien des vicissitudes, nous nous mîmes en ménage. Au bout de deux ans, je démissionnai de mon poste. Je trouvai à m’occuper en donnant des cours de français à des cadres pour une école de langue. Le seul hic est que, comme disent les Normands, je n’y gagnais pas l’eau de ma soupe. Nous avions beau avoir réduit notre train de vie, rien n’y faisait et je me trouvais dépendre financièrement de ma compagne ce qui ne me plaisait qu’à moitié, voire pas du tout.

Mes tentatives de trouver un emploi bien rémunéré s’avérèrent vaines, jusqu’à ce que, suite à un entretien avec deux charmantes dames américaines, je me voie proposer un poste en Caroline du Nord. Bien qu’au départ elles m’aient indiqué que ces fonctions débuteraient en septembre, par un coup de téléphone, quelques jours plus tard, la responsable me demanda si j’étais prêt, sous huitaine à m’envoler pour les USA. Je demandai un jour de réflexion. La situation me mettait très mal à l’aise. Abandonner sans crier gare une compagne de trois ans déjà, quelque délicat que fût son caractère, me paraissait inélégant. Je rappelai donc la dame et lui expliquai que le peu de délai qui m’était imparti me mettait dans une position inconfortable mais que pour septembre c’était d’accord car nous aurions le temps de nous retourner et que mon amie, qui avait fait une partie de ses études aux États-Unis, pourrait éventuellement étudier les possibilités de venir m’y rejoindre. La dame comprit et m’assura qu’en septembre d’autres possibilités s’offriraient.

Sauf qu’elles ne s’offrirent pas. Ayant démissionné de l’école de langues, nous partîmes en vacances à Corfou d’où j’essayai de joindre ma correspondante américaine, longtemps en vain, avant que, l’ayant enfin contactée, elle ne m’annonçât la triste nouvelle. Nous allâmes finir nos vacances en France, mais l’atmosphère devenait tendue. De retour à Londres, j’écrivis à quelques Directions Diocésaines de l’Enseignement, afin de faire acte de candidature. Le résultat ne se fit pas attendre et le directeur d’un établissement d’une œuvre s’occupant de jeunes en grande difficulté me téléphona, me proposant un entretien. Je me rendis au rendez-vous dans le magnifique château qui abritait l’école. Ma candidature fut acceptée sous condition d’une prise de fonction très rapide. Abandonner sans crier gare une compagne de trois ans déjà, quelque délicat que fût son caractère, me paraissait toujours aussi inélégant. Seulement, dépendre totalement de ma compagne n’était pas non plus une solution. Je quittai donc l’Angleterre. C’était il y a un peu plus de vingt-six ans. Bien entendu, l’éloignement aidant, notre histoire tourna en eau de boudin. Depuis, je ne suis retourné que brièvement à Londres, dans le cadre de voyages scolaires.

J’espère que vous serez encore éveillé après ce long récit car je tenais à préciser qu’au-delà des anecdotes, ces séjours, que ce soit au Sénégal ou en Angleterre, m’ont fait prendre une claire conscience du fait que j’étais profondément Français. A aucun moment, je n’aurais pu envisager de vivre durablement ailleurs qu’en France et encore moins de renoncer à ma nationalité, quelles qu’aient pu en être les raisons. Mon attachement à ce pays est viscéral. Les soi-disant « citoyens du monde » m’horripilent, qu’ils ne soient jamais sorti des limites de leur canton ou qu’ils soient de ceux qui vagabondent à travers le monde d’un emploi à un autre. Ce sont, dans le premier cas, des gens qui nient leur nature et dans le second des êtres sans racines, dans les deux il me semble qu’ils sont incomplets. Quel qu’ait été le pays où ou j’aurais pu travailler je n’aurais su y être qu’un Français de passage.

Cela dit, cela ne m’empêche aucunement d’admirer certains aspects d’un autre peuple, d’une autre culture. Peuple dont je ne saurais être et culture dont je n’ai qu’un vernis. L’état actuel de mon pays m’afflige souvent. Seulement, s’il avait la volonté de trouver des solutions à ses problèmes, ce n’est pas en Suède, en Moldavie ou au Turkménistan que le peuple français les trouverait mais dans sa culture et ses traditions.

mercredi 15 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (3)


La monarchie

A force qu’on me rebatte les oreilles avec une république que l’on tend à nous faire passer pour le seul régime souhaitable voire possible. A force de voir que l’on glorifie l’épisode le plus tyrannique de notre histoire. A force d’entendre des imbéciles déclarer sans rire que pour eux l’histoire de France commence en 1789. A force de voir des présidents de plus en plus impopulaires se faire élire par défaut, suite à des promesses de changements qu’ils s’empressent de ne pas tenir ou sur des malentendus. Je suis arrivé à la conclusion que, si nous étions autre chose qu’un ramassis de grands va-de-la gueule rêvant de révolutions qui ne sauraient mener à rien de bon puisque fatalement le fait de racailles menées par de dangereux illuminés, nous gagnerions, comme bien d’autres pays Européens à vivre sous un régime de monarchie parlementaire. 

Un des grand avantages serait de nous faire faire l’économie d’élections présidentielles qui ne présentent que peu d’intérêt vu qu’elles sont de plus en plus gagnées par des menteurs, des incompétents ou des insignifiants (quand ils ne sont pas les trois) et qu’ils ne sauraient avoir de pouvoir que si, dans la foulée, est élu un parlement à leur botte. Pourquoi n’élirait-on pas directement ce parlement et ne laisserait-on pas à un souverain le rôle de chef d’État qui, en plus d’inaugurer les chrysanthèmes symboliserait la stabilité comme l’unité nationales ? Elizabeth II du fait de la longueur de son règne a vu défiler DIX chefs d’États français et TROIS républiques et un État Français depuis sa naissance tandis que son pays évoluait, certes, mais dans une enviable continuité !

De plus, quand la monarchie s’entoure, comme c’est le cas au Royaume-Uni, d’un certain décorum, elle satisfait le vif goût du peuple pour le faste. 

La résilience

Aux niveaux individuel comme collectif les Britanniques ont fait et, j’espère, continueront de faire preuve d’une résilience remarquable. En 1940, plutôt que de baisser les bras suite à la totale débâcle survenue en France, ils ont continué à se battre, seuls sur le front Ouest pendant un an et demi. Que serai-il advenu du conflit Européen sans leur farouche résistance ?

Dans les années soixante-dix, grâce aux syndicats et au Labour Party, le pays connut des périodes de grèves intenses. Electricité, transports, postes, se relayaient pour paralyser le pays tandis que des défenseurs des droits syndicaux acquis rendaient initiatives et progrès malaisés. Puis est arrivée la Dame de Fer. Certes une Dame de Fer est toujours préférable à un guignol en guimauve. Mais, seule, sans appui populaire qu’aurait-elle pu faire ? Si, conscient de la nécessité d’un redressement, les Britanniques ne lui avaient accordé puis renouvelé leur confiance, elle n’aurait pas mené à bien, dix ans durant, une politique de réformes qui par-delà la fin de son mandat (elle fut trahie par son propre camp suite à sa malheureuse idée de Pole Tax) dissuada ses successeurs d’oser renouveler les errances passées.

La résilience, on la trouve également au niveau individuel : comme me disait ma coiffeuse qui, comme tout les commerçants et artisans du coin, a une nombreuse clientèle anglaise : « Les Anglais, ils ne sont pas comme nous. Ils se lancent dans un commerce ou une entreprise et si ça ne marche pas, ils essaient autre chose. ».

Le talent et l’humour

Inutile de souligner la prodigieuse capacité de cette nation à produire quantité de talents dans le domaine de la musique pop. Pour ce qui est des séries télévisuelles, qui en Europe supporterait de lui être comparé ? Si la France produit des « intellectuels » à public restreint quand leur notoriété parvient à dépasser nos frontières, qui au siècle dernier a pu connaître le renom et le succès mondial des écrivains anglais ?


Des humoristes, certes, nous pouvons nous vanter, grâce à France Inter qui le proclame à tout vent, d’en posséder*. Mais pratiquent-ils quoi que ce soit qui s’approche de cette distance amusée des événements, des autres et de soi-même qui, à base d’antiphrases, d’euphémismes ou d’absurdités, tend davantage à provoquer le sourire que les rires gras. Je crains que non. Et c’est dommage car il me semble que la capacité à prendre une distance amusée par rapport à soi et aux événements extérieurs contribue à l’harmonie sociale alors que les fanatiques et les brutes sont toujours dépourvus d’humour.

*Phrase dont l’humour ironique se base à la fois sur l’antiphrase et l’absurdité.

mardi 14 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (2)


Une chose à mes yeux particulièrement représentative de la spécificité Britannique et qui, quand je l’ai découverte m’a stupéfait est « The Last Night of the Proms ». Les « Henry Wood Promenade Concerts » créés en 1895 dont « The Last Night » est, comme son nom l’indique, la dernière soirée, sont une série de concerts ayant principalement lieu au Royal Albert Hall et donnés entre juillet et septembre. La dernière soirée, donc, est une institution ritualisée, diffusée en direct par la BBC. Ce concert, dans sa deuxième partie, se compose de morceaux patriotiques avec pour commencer « Land of hope and Glory » (Terre d’espoir et de gloire) dont voici la version de 2009 :



Je ne peux entendre ce morceaux sans en être troublé. Il me donne bien plus la chair de poule que ne saurait le faire ce chant belliqueux qu’est notre hymne national. Mais là n’est pas mon propos. Plusieurs éléments rendent ce concert à la fois émouvant, grandiose et surtout typiquement britannique. L’exécution du morceau par l’orchestre et les chœurs de la BBC est impeccable tandis que l’attitude du public est moins conventionnelle. Vous l’aurez remarqué, durant l’ouverture il plie les genoux en mesure comme le veut la tradition. Lorsqu’explose le chant, il est repris par le public de la salle comme par celui qui se masse sur Hyde Park tandis que sont agités des drapeaux variés (Union Jack, anglais, gallois, écossais, irlandais et même d’autres nations (!)) par des gens aux costumes parfois fantaisistes. Depuis sa première interprétation en 1901 où le public réclama qu’on le jouât de nouveau, le morceau est traditionnellement bissé. Tradition, ferveur amusée, patriotisme, excentricité : des composantes essentielles du caractère national. Imaginez-vous des milliers et même des dizaines de milliers de Français communier en reprenant à pleine voix des chants patriotiques dans une ambiance bon enfant ? Imaginez-vous un tel spectacle diffusé à une heure de grande écoute sur une grande chaîne française ?

« Rule Britannia » constitue le point culminant de la soirée :


Les remarques que je formulais concernant le morceau précédent s’appliquent également à celui-ci. Le talent vocal, le costume du XVIIIe siècle de la cantatrice, époque ou fut écrit et mis en musique le poème, sa longue vue, son bicorne la façon dont elle le tend au chef d’orchestre et sa manière dont elle dégaine ce que l’on croit d’abord un sabre mais qui s’avère être un Union Jack et déclenche les hourras de la foule quand elle le déploie, illustre bien ce mélange de perfection formelle, de distance amusée et de ferveur qui anime ce peuple qui se targua d’avoir inventé l’humour (voir ce qu’en dit Voltaire) et qui le pratique avec constance et talent.

Je reviendrai sur le texte, car il me semble être d’actualité en ces temps de Brexit. Britannia est la personnification allégorique de la nation Britannique : sa Marianne mais dotée d’un corps. Et que fait Britannia ? « Britannia règne, elle règne sur les flots ». Bien sûr le temps s’éloigne, qui vit sa marine régner sur les mers mais le vers qui suit, lui, garde toute son actualité : « Jamais, jamais, jamais les Britanniques ne seront esclaves ». Comment ne pas voir dans cette volonté proclamée la raison de leur départ d’une Union dont les directives prévalaient sur les lois de son parlement ?



lundi 13 janvier 2020

Pourquoi j’aime le Royaume-Uni (1)


Ces temps me désespèrent. Je crains fort que mon attente de la réaction salvatrice qui arrêterait la course de mon pays vers l’abîme ne soit qu’une chimère. De plus en plus, j’en viens à penser que les Français n’ont que ce qu’ils méritent. Un ami me demanda récemment si ça ne me gênait pas d’avoir un débile pour président. Débile, c’est vite dit. Nul me paraîtrait plus adapté. Nul, comme l’ont été ses prédécesseurs, enchanteurs qui, depuis plus de quarante-cinq ans, mènent au son entraînant de la flûte les français vers la noyade finale. Je suis désolé, mais celui qu’ils ont choisi en 2017 ne me dérange ni plus ni moins que les autres. Il faut dire que qui que ce soit à sa place connaîtrait, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, le même rejet de la part d’un peuple devenu au fil du temps ingouvernable tant il est gangrené jusqu’à la moelle par un égalitarisme forcené né de l’envie auquel vient s’ajouter une haine de soi nourrie par la repentance et le rejet de ses racines.

On gueule contre l’Union Européenne, contre le gouvernement, mais que fait-on à part en attendre l’impossible ? On voudrait moins de taxes, moins de prélèvements mais plus de redistribution et de services dits « publics ». On veut le beurre, l’argent du beurre, le cul de la crémière et le sourire de son mari.

C’est pourquoi j’admire un pays voisin qui, sans être épargné par cette « modernité » folle qui ravage l’Occident et provoquera son inéluctable disparition, montre qu’il existe d’autres voies, que le déclin peut être ralenti, qu’il est encore possible de dire non à ce qui ne convient pas : le Royaume-Uni.

Madame Thatcher a su dompter l’ardeur destructrice des syndicats et du Labour. Un référendum, dont, curieusement, on a tenu compte, a permis aux électeurs d’exprimer son désir de quitter l’U E. Trois ans et demi plus tard, les électeurs, décidément tenaces, ont offert à M. Johnson la majorité nécessaire à mener à son terme le Brexit. Bien sûr, celui que ses détracteurs surnomment Bo-Jo est, comme Bozo (jeu de mot oh combien subtil !), un lamentable clown. Seulement, à Noël, tandis que nos ondes diffusaient à l’envie le silence du président Macron il prononça le bref message que voici :


Je vous le résume et donne la traduction de passages qui me semblent essentiels. Après avoir souhaité un joyeux Noël à tous, entouré de leurs proches, M. Johnson rappelle que cette fête est « d’abord et avant tout une célébration de la naissance de Jésus Christ » et souligne l’importance de cette fête pour des milliards de chrétiens à travers le monde. Ensuite, il salue au nom de la Nation tous ceux qui, en ce jour de fête, resteront au service des autres (soignants, policiers et aussi soldats en mission) avant d’ajouter  qu’ « en ce jour plus qu’en tout autre jour [il] veu[t] que nous nous souvenions de tous ces chrétiens qui dans le monde sont persécutés » et fêteront Noël dans la clandestinité. Sa détermination, en tant que Premier Ministre, à changer cela et à leur permettre de pratiquer leur foi est affirmée avant que, sur un ton badin il renouvelle son souhait d’heureuse fête à tous en leur demandant de ne pas trop se disputer avec leur belle-famille et de donner aux Britanniques rendez-vous pour le nouvel an.

Ce n’est pas en France qu’on entendrait de tels propos ! La France est laïque, .voilà sa gloire ! Elle n’est surtout pas chrétienne ! C’est si évident que le « bon » président Chirac ne pouvait, en 2004, que s’opposer à ce que les racines chrétiennes de l’Europe soient mentionnées dans le préambule à la Constitution Européenne. En France, nombre d’abrutis pensent que l’histoire et la culture (quand on admet qu’elle en a une) de la France ne commencent qu’avec la boucherie républicaine de 1789.

Un dirigeant qui à Noël s’exprime et rappelle le sens profond de cette fête, que ça plaise ou non, fait plaisir au non-croyant-de-culture-catholique que je suis.

mardi 7 janvier 2020

Comment j'ai dérivé


Comme bien des « boomers » (j’emploie ce terme pour faire jeune) de « bonne famille » (j’entends par là « petits-bourgeois catholiques de droite »), à l’adolescence, période où le cadre familial qui, à l’époque, était généralement bien moins conciliant qu’aujourd’hui, est souvent ressenti comme plus étouffant que protecteur, mon rejet des valeurs familiales prit un tour à la fois religieux et politique. Pour ce premier aspect, je crois que lors de la distribution de la foi, j’avais oublié d’apporter ma gamelle et qu’elle ne me fut pas donnée. Pour le second, les circonstances m’aidèrent.

Au lycée de Rambouillet où je passai mon année de terminale (1967-1968) nous bénéficiions d’un corps professoral qui semblait engagé dans un concours visant à déterminer celui ou celle de ses membres qui serait le plus communiste. Ils devaient, vu le public auquel ils s’adressaient (le prolétaire y était rare), se sentir en terre de mission et faisaient de leurs cours autant de tribunes d’où propager la bonne parole marxiste.

Arriva le joli mois de mai 1968 grand bazar auquel, comme je l’ai narré ici, je ne participai pas tant mon innocence juvénile m’amenait à ne pas assimiler chienlit et révolution. Il n’empêche que les graines semées dans mon esprit malléable d’adolescent tourmenté germèrent et que, quelques années durant, je professai des opinions très à gauche. Je rêvais alors d’un monde égalitaire et juste, ne discernant pas que ces deux termes étaient antinomiques. Cela m’amena même, par pur anticommunisme primaire (le totalitarisme n’étant pas ma tasse de thé), à adhérer un temps à la faction gauchiste du PS alors représentée par un Chevènement encore jeune. Ça ne dura pas car il n’est pas aisé de trouver plus chiant que des réunions de section.

Toujours est il que, jusqu’à ma vingt-sixième année, je me déclarais à gauche, et même très à gauche. C’est lors d’un « mouvement social » que cela prit fin. Je suivais les cours du Centre de Formation des Professeurs d’Enseignement Général des Collèges en la bonne ville de Tours. Un vent de révolte souffla sur notre promotion. Je m’y joignis et en devins une figure. Le problème était la sélection. Nombre de mes camarades tendaient à voir en l’examen de sortie une impitoyable trieuse à séparer le bon grain de l’ivraie. Comment accepter pareille chose ? Seulement, mon enthousiasme premier s’émoussa. Car en y regardant de près, la trieuse s’était en fait, les années passées, montrée très bonasse et ne rejetait quasiment pas d’ivraie. Quand on considérait le peu d’enthousiasme qu’une grande majorité de mes condisciples mettaient à étudier, on pouvait même être amené à penser que la lutte contre une sélection prétendue drastique n’était qu’un moyen d’obtenir un diplôme sans rien foutre. J’en arrivai à la triste conclusion que sous couvert de nobles revendications égalitaires, généreuses et irréalistes, le véritable but des protestataires est d’obtenir ou de conserver pour eux-mêmes des avantages indus. Ce n’est pas le conflit actuel des transports qui m’amènera à réviser ma position. Dès lors, je cessai de voter à gauche et de me syndiquer.

L’année suivante, j’obtins, outre mon diplôme de PEGC, une licence d’anglais, un DEUG de lettres et fus reçu major au concours des IPES de Lettres Modernes de l ‘Académie d’Orléans-Tours m’ouvrant la porte à trois années d’études supérieures rémunérées par la princesse. Il faut croire que plus que des actions collectives c’était de l’effort personnel qu’à mon humble niveau j’attendais l’amélioration de mon sort.