S'il existe une pratique aussi répandue
que malhonnête c'est bien le micro-trottoir. Les media
audio-visuels en raffolent. Quels que soient le problème ou la
question, on va interroger l'homme de la rue (qui n'est pas comme je
le croyais, en mon enfantine innocence un clochard). Et celui-ci
répond. Et il tente généralement de le faire comme il faut, de
n'avoir l'air ni trop con ni trop extrémiste, de paraître
intelligent et posé, ce qui l'amène à répéter de préférence la
parole de la soi-disant élite. La malhonnêteté du procédé est
évidente : car ne passe à l'antenne qu'une sélection des
propos recueillis et que ce choix est bien entendu conforme aux a
priori de la rédaction. Bien sûr on laissera une petite place à
des opinions divergentes mais seulement dans le but de maintenir une
illusion de vraisemblance : une trop grande unanimité finirait
par sembler suspecte.
Pourquoi a-t-on recours à cette piètre
comédie ? D'abord par démagogie. Elle permet au gogo de base
de penser que son avis a une quelconque importance. Mais aussi et
surtout pour influencer. Le choix des propos diffusés jouent un
double rôle : conforter les auditeurs qui partagent les
préjugés du media choisi que leur opinion est quasi-unanimement
partagée et donner à ceux qui ne les partagent pas l'impression
qu'ils sont ultra-minoritaires ce qui peut pousser un mouton à
penser qu'il s'est égaré loin du troupeau..
Il en va de même pour la parole qu'on
« donne » aux auditeurs et autres téléspectateurs. Les
questions ou remarques y sont si bien filtrées que sauf à proposer
un discours acceptable pour, une fois à l'antenne, parler de toute
autre manière, les propos discordants sont systématiquement
éliminés. Ces mauvais plaisants se voient vertement tancés par le
propagandiste qui les accuse de malhonnêteté comme si lui et son
équipe, en censurant systématiquement toute parole non-conforme se
montraient probes.
Mais mon pauvre ami, vous enfoncez-là
des portes ouvertes ! Qui peut bien accorder le moindre crédit
à ces pantalonnades ? Eh bien justement : j'ai de plus en
plus l'impression que les Français sont des gogos avides de se
rallier aux opinions des media, quelles que soient la couleur du fil
dont elles sont cousues ou la grosseur des ficelles mises en œuvre. Ce
n'est pas l'élection d'un président jupitérien qui invite à
penser printemps qui dissipera mes doutes. Surtout si, comme prévu,
il se voit offert une majorité écrasante.