Début 1989 la vie m’offrit un court moment de pause. J’en
profitai pour rattraper certain retard
pris lors des années précédentes lesquelles m’avaient laissé peu de loisirs.
J’achetais alors, avec une relative régularité, le Figaro Magazine dont
certains articles entretenaient mon anti-mitterrandisme primaire. Mais ces
lectures avaient pour conséquence de me priver du temps que j’aurais pu
consacrer aux mots croisés de Michel Laclos dont j’appréciais l’esprit un rien
tordu des définitions. Je découpais donc les grilles et les rangeai dans
quelque tiroir en attendant qu’arrive le moment béni où je pourrais les
remplir. Ce temps enfin venu, j’y consacrai une grande partie de mes journées,
au grand dam de mon épouse d’alors qui eût préféré que je consacrasse plus de
temps à la recherche d’un emploi. Visiblement, je l’agaçais. C’était
heureusement réciproque. Grâce à mes efforts soutenus, je vins assez vite à
bout des quelques centaines de grilles amassées au fil des ans.
Il y a un peu plus de deux ans, voyant une promotion sur les
abonnements au Figaro week-end, j’eus l’innocence de penser que cette lecture
me divertirait et je souscrivis. Hélas, on vieillit et ce qui fut joie devient
ennui. Je ne crois pas sur l’année et demie que dura mon abonnement avoir
ouvert une seul des quotidiens ni lu le moindre article des magazines. Seul le
programme télé eut mes faveurs, me permettant jour après jour de vérifier qu’il y avait rarement
quoi que ce soit de regardable. Pris par
le bricolage, le jardinage et le blogage qui sont aujourd’hui les trois
mamelles ou s’étanche ma soif d’activités, je repris la sage habitude de
découper les grilles et de les placer dans un tiroir en attendant des jours
plus tranquilles.
Ces jours arrivèrent et je pris la saine habitude
d’accompagner mon petit déjeuner par le remplissage d’une grille du bon Michel.
En un peu moins d’une heure, j’en venais généralement à bout. Dans le cas
contraire, je l’abandonnais pour y revenir plus tard, l’esprit plus frais.
Ainsi je passai cette période toujours délicate du matin de manière calme et
agréable. Seulement, si tout vient à
point à qui sait attendre, tout a également une fin. Ma pile de grilles
s’épuisa. Hier matin, je finis la dernière. Qu’allais-je devenir ?
C’est alors que j’eus l’intuition qu’il était probable que
le bon M. Laclos ait rassemblé en de sublimes recueils ses plus belles
créations. Je me rendis chez M. Amazon et y trouvai avec bonheur la
confirmation de mon attente. D’un clic, je commandais un recueil de 120 grandes
grilles. Me voici donc sauvé pour quelques mois. Elle est pas belle, la
vie ?