Fidèle à sa mission de service comique, France Inter (RSC™) nous
a offert ce matin un débat digne de sa réputation. Il réunissait autour de M.
Cohen trois politologues M.
Cayrol, M. Reynié
et Mme Martin*. Le
sujet en était « Que traduit la
montée du Front National ? »
J’en ai pris moult notes dont je ne vous imposerai pas la
lecture et me contenterai d’en résumer les grandes lignes. Vous retrouverez les
deux parties de ces échanges ici.
Ce qui me paraît intéressant, ce sont les positions de M. Cayrol. Voilà un
homme de gauche comme je les aime. Ancien actionnaire de l’institut de sondage
CSA, il a en 2008 cédé ses parts au groupe Bolloré et poursuit, malgré ses
soixante-douze ans sonnés, une carrière de directeur de recherches au Centre de recherches
politiques de Sciences Po (Cevipof). Ne serait-il pas dommage qu’une telle lumière cesse d’éclairer
les consciences de nos futures « élites » ? Invité
quasi-permanent de C dans l’air, il ne dédaigne pas de distiller les
enseignements de sa profonde sagesses à un public plus large.
Que nous dit cet excellentissime universitaire ? Eh bien qu’il n’y a pas de montée du « populisme ».
Ses interlocuteurs, esprits égarés, refusent cependant cette évidence. M.
Reynié étend cette montée à l’ensemble de l’Europe et l’explique par les
problèmes démographiques du continent, sa stagnation économique, les conflits interculturels
qu’entraîne une immigration de masse et les difficultés que connaît l’état-providence
à remplir son rôle. Foutaise que tout
ceci, lui rétorque le bon Roland :
une population vieillissante se replie sur des valeurs conservatrices tandis
que dans toute l’Europe se développe un « racisme » anti-musulman (l’Islam
serait donc une race ?) le tout étant monté en épingle par les media.
Malgré tout, Marine Le Pen a obtenu moins de suffrages en 2012 que son père dix
ans avant et, preuve que tout va très bien, évoque une société plus ouverte où
la vie associative n’a jamais été aussi riche.
M. Reynié le contredit pourtant, évoquant la montée du
populisme en Norvège comme en Suisse, pays sans grands problèmes et n’appartenant
pas à l’UE. Tu raisonnes comme un coup
de marteau dans la merde, mon pauvre Dominique (la formule est de moi) objecte le
vénérable Roland : les aspirations des électeurs du FN sont en
contradiction avec son programme, vu qu’ils sont pour l’Europe et l’Euro. Il s’agit
d’un vote protestataire, et puis c’est tout. Un peu plus tard, Mme Martin,
arrivée à la bourre, lui objectera que
la question d’un vote d’adhésion ou de
simple protestation n’est posée qu’au sujet du FN et qu’il est concevable que
les électeurs des autres partis n’adhèrent pas plus à leur programme (Pleine de
bon sens, la Virginie, comme quoi on peut être socialo et avoir comme des
éclairs de lucidité)…
Mais je deviens long… Disons qu’ensuite on évoquera ,suite à
une intervention d’auditeur, la fausseté du « parler simple » du FN,
que M. Reynié persistera à déclarer que la droitisation se poursuivra en s’amplifiant
à mesure qu’en Europe les peuples ressentiront que non seulement leur niveau de
vie mais leur style de vie se trouvera remis en cause. Le soin de conclure sera
laissé à M. Cayrol qui questionné sur
la solution du problème (?) que pose
cette montée par l’obtention de résultats économiques répondra que ces résultats sont évidemment
nécessaires mais insuffisant car il faudra également que le gouvernement
redéfinisse ce qu’est le pacte républicain et comment il compte l’incarner…
Résumons-nous : il n’y a pas pour M. Cayrol de montée
du populisme (i.e. du FN), il n’y a qu’une impression de montée (à rapprocher
du sentiment d’insécurité). Curieusement, pour résoudre un problème qui ne se
pose pas, de bons résultats économiques ne suffiront pas, il faudra travailler
en profondeur afin d’éradiquer les causes culturelles profondes d’’une
non-adhésion.
Décidément, ce brave Roland me plaît. Il est un archétypal d’une
gauche qui refuse de voir tout ce qui pourrait remettre en cause sa doxa. Son
aveuglement volontaire participe à entretenir la défiance du peuple vis-à-vis d’ « élites »
déconnectées. Avec de tels adversaires, point n’est besoin d’alliés.
*Notez au passage que tout ce beau monde travaille à (et est
issu de) Sciences Po. De là à penser qu’ils feraient partie d’une communauté
idéologique à laquelle appartiendraient également politiciens et journalistes il n’y a
qu’un pas que des esprits futiles franchiraient aisément…