..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 25 mai 2012

Méprise




Évoquer ma belle école de l’East End m’a fait me souvenir d’une anecdote.

Parmi les rares élèves noirs, se trouvait un gamin un peu simple d’esprit. Je ne me souviens pas de son nom, appelons-le Tom et soulignons qu’il lui manquait une case (mouarf !). Il était de haute taille pour son jeune âge.

Un jour donc, le brave Tom se dit qu’au lieu d’aller à l’école où, dans le fond il apprenait peu de choses, il ferait aussi bien d’aller s’entraîner au tir sur un terrain vague avec son pistolet à fléchettes.  Comment aurait-il pu se douter que tout près de là, un autre jeune Noir venait d’entrer dans une banque muni également d’un pistolet mais pas forcément du même type et s’y était livré à une activité coupable connue sous le nom de hold up ?

Tom était donc à plat ventre en train de viser une quelconque cible lorsqu’il entendit le bruit caractéristique du rotor d’un hélicoptère. Levant les yeux il s’aperçut que le mot police était inscrit sur l’appareil. Damned, je suis fait, se dit-il, persuadé que c’était lui que l’on cherchait. Il surestimait les moyens dévolus à la lutte contre l’absentéisme scolaire. 

Afin d’éviter de se voir reconduit à l’école, il se mit donc à courir avec son pistolet-jouet à la main. Ce qui évidemment, attira l’attention des policiers de l’air si tant est qu’ils ne l’avaient repéré avant. Peu au fait des choses de la vie,  il se crut à l’abri de poursuites subséquentes lorsqu’il eut atteint un bosquet. Il commençait à reprendre haleine lorsque des policiers armés, appartenant probablement à l’équivalent anglais du RAID, le cernèrent, le plaquèrent au sol, le désarmèrent et le menottèrent. Décidément, les méthodes de lutte contre l’école buissonnière étaient d’une redoutable efficacité.

 Bien entendu, il ne fallut pas longtemps aux fonctionnaires de police pour se rendre compte qu’ils avaient commis une bévue. Ils reprirent leurs recherches et chargèrent des policiers locaux de ramener la brebis égarée au bercail. C’est ainsi que nous récupérâmes un Tom à qui sa débilité légère avait  permis de vivre cet épisode stressant sans grand  traumatisme.

jeudi 24 mai 2012

John, étudiant rétif


C'est au bout de cette jolie rue que se trouvait mon école, fermée depuis.



Mes diverses expériences éducatives m’ont amené à rencontrer toutes sortes d’élèves. Vu de l’extérieur, avec les yeux d’un bisounours, ce qui caractérise le jeune scolarisé c’est sa soif de réussite, de savoir, voire même, pourquoi pas,  d’apprendre.  

Disons que cette soif n’est pas universelle.  John fut pour moi un de ceux qui me parurent le mieux dominer leur aspiration au savoir.

C’était au tout début des années 90, à Plaistow, dans la banlieue Est de Londres. J’y menais une cure de repos après une période un rien agitée de ma vie. Comment mieux se reposer qu’en étant prof de français dans une école secondaire d’un quartier défavorisé ? On peut rêver meilleure solution, mais c’était la seule que j’avais trouvée. On n’a pas toujours le choix.

Contrairement au reste du London Borough of Newham, il n’y avait quasiment pas d’immigrés dans ce quartier. Il faut dire que les autochtones qui l’habitaient avaient tendance, afin de rester entre eux à rendre l’installation de familles allochtones difficile. Par exemple en caillassant systématiquement les fenêtres des maisons de celles qui avaient l’audace d’essayer. Certains élèves allaient jusqu’à refuser de travailler avec les rares condisciples pakistanais qui fréquentaient l’école. Charmant !  Je les y contraignais pourtant.

Donc, un environnement de souchiens cockneys. Quitte à décevoir certains, ça ne rendait pas la situation idéale, vu qu’il existait dans ce quartier voisin des docks une solide réticence vis-à-vis  de l’école. Quant au français…

John, donc, était un bon petit gars. Qui n’aimait pas l’école. Le fait que son père était en prison l’auréolait d’un certain prestige. Dans les Docklands, le gangstérisme a tendance à passer pour une industrie parmi d’autres.  En fait c’était, malgré sa haute taille,  à 14 ans un « petit » caïd. Après une première confrontation, nous avions fini par bien nous entendre. Il ne perturbait pas mes cours, je ne perturbais qu’au minimum ses rêveries. Tout allait bien. D’autant mieux que John se faisait rare, très rare à l’école.  Comme ses deux sœurs, diaboliques jumelles identiques, qui se relayaient pour faire croire aux professeurs qu’elles étaient toutes deux présentes, il avait un penchant très marqué pour l’absentéisme. Il avait probablement mieux à faire.

Or donc, un matin voilà que John nous fait l’honneur, d’autant plus insigne que rare, de sa présence. Il y avait bien un mois qu’on ne l’avait vu. A quelles (plus ou moins) amicales pressions avait-il cédé, je l’ignore. J’avais sa classe en première heure du matin. Tout se passa très bien jusqu’au moment où, très calmement, il emprunta le cahier de son voisin, se leva, ouvrit ledit cahier, y cracha un beau glaviot, le referma soigneusement, et le jeta par la fenêtre qu’il  avait préalablement ouverte.

Je lui fis remarquer que son attitude n’était pas acceptable. Il en convint volontiers. Je lui signifiai donc, qu’en dépit de notre amitié, je me voyais contraint de l’envoyer à la direction dument muni  d’un mot narrant les détails de son comportement incivil. Il reconnut le bien fondé de ma décision et partit,  toujours jovial et accompagné d’un camarade, pour le bureau de la sous-directrice. Il n’en revint pas.

A la pause du déjeuner, je demandai à la sous-directrice comment s’était passé leur entretien. Elle me dit que, vue la gravité des faits, elle s’était vue contrainte de le renvoyer de l’école pour une semaine. John avait donc fait un sans faute : en une heure, il avait gagné huit jours de vacances, en toute légalité cette fois. Il les prolongea, bien entendu…

Tout ça pour dire que, pour certains, on aura beau ouvrir toutes les portes de toutes les écoles possibles, réduire les effectifs autant qu’on voudra, ça ne changera pas grand-chose. Il est probable que ce brave John aura placé ses pas dans les pas de son père…

mercredi 23 mai 2012

Tous au gnouf !


Les femmes regardaient Booz plus qu’un jeune homme, Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Lire la suite sur : http://www.etudes-litteraires.com/hugo-legende-des-siecles.php


En Bisounoursie, l’enfant est à géométrie variable. Quand, il vole, commet des violences, ou pire, c’est un petit être immature, sans défense, irresponsable. Victime de la société, bien entendu. Se met-il à s’opposer à telle ou telle mesure gouvernementale, le voilà devenu citoyen à part entière. Mûr limite blet.


Et de quoi qu’il a besoin le 'tit n’enfant délinquant, victime de la société ? C’est évident : il a besoin d’école. Une bonne école avec de bons profs bien à gôche qui lui inculqueront les valeurs citoyennes. Ainsi vous le verrez devenir en deux coups les gros un citoyen modèle, porteur de justes revendications. Car le citoyen modèle s’indigne et revendique. C’est même à ça qu’on le reconnaît.


Comme disait cette vieille baderne libidineuse* de Victor Hugo, devenu de gôche sur le tard, « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison ». Formule aussi optimiste qu’inexacte vu que depuis que cette phrase creuse a été prononcée on a ouvert des milliers d’écoles ce qui aurait normalement dû entraîner la fermeture d’autant de prisons. Mais bon. N’oublions pas qu’il était de gôche, famille où l’on préfère les formules à la réalité.


Et puis le Totor à sa Juju a vécu l’essentiel de sa vie en des temps où l’école n’était pas obligatoire. Il lui était donc permis de rêver…


Les choses ont bien changé. L’école est maintenant obligatoire jusqu’à 16 ans et fortement recommandée jusqu’à trente. La prison reste, elle, comme bien des offres,  liée à conditions.


Curieusement, certains ne semblent pas s’en être aperçus. Je lisais hier sur un blog de haute tenue, du genre généreux, ouvert à l’autre et tout, la phrase suivante : «Cela étant, s'il considère normal de foutre des mômes en prison, c'est assez amusant quand on considère qu'un des piliers du programme des gens d'en face est l'éducation... Voila comment opposer deux visions de la société "tous en prison" contre "tous à l'école". » (C’est moi qui souligne).

Il répondait ainsi à M. Copé qui avait déclaré : « Donc, quand on vote Front national, on a Taubira et l'annulation des tribunaux correctionnels pour mineurs qui ont commis des actes passibles de plus de trois ans de prison. »

Curieuse réponse ! Pour M. Jégou, il semblerait que les « mineurs qui ont commis des actes passibles de plus de trois ans de prison. » ne sont pas des cas extrêmes mais la norme et que M. Copé souhaite mettre tous les mineurs en prison, délinquants ou pas.

Le parti qu’il chérit, lui, enverrait tous ces bons enfants à l’école, mesure innovatrice à ceci près qu’elle est en application depuis 130 ans. Si c'est pas ça le changement...

PS : Je ne saurais trop recommander la lecture de  l’excellente série qu’Aristide consacre, justement, au crime. L’article publié hier (Sexe, âge et intelligence) apporte sur la question un éclairage propre à relativiser l’efficacité des solutions du bon Victor.

*Il fut, vieillard, verbalisé pour attentat à la pudeur au bois de Boulogne !

mardi 22 mai 2012

La part de l’autre




Je viens de finir la lecture de ce roman d’Éric-Emmanuel Schmitt. Du point de vue du style, il n’y a pas grand-chose à dire, c’est plutôt plat. Les personnages manquent de relief ou d’épaisseur ou des deux. Mais bon, ça se laisse lire. C’est le sujet qui fait, s’il en a, l’intérêt du livre.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une double biographie d’Adolf Hitler. L’une basée sur l’histoire, l’autre imaginaire qui narre ce qu’aurait pu être la vie du dictateur allemand au cas où il aurait été reçu au concours d’entrée de l’Académie de peinture de Vienne.  Schmitt fait de cet événement un point de rupture. Le but de l’auteur est, il l’explique dans un journal tenu durant la rédaction de son roman  et annexé à l’ouvrage, de montrer qu’entre ce qu’il appelle un salaud et un homme « normal » il n’existe pas de différence majeure. Il n’y a pas  d’un côté le monstre et de l’autre le saint mais des circonstances qui font basculer l’homme d’un côté ou de l’autre de manière plus ou moins marquée. Les deux récits sont menés de front, chronologiquement du moins jusqu’à la mort du dictateur en 1945. Le peintre, lui continue…

Évidemment, l’histoire s’en trouve bouleversée. L’artiste peintre Hitler connaît succès, éclipses, amours, joies et peines mais il ne joue aucun rôle majeur. Le parti nazi, n’ayant pas trouvé de leader charismatique, demeure quasi-inexistant, la deuxième guerre mondiale est remplacé par un court conflit avec la Pologne, l’Allemagne devient pacifiquement la première puissance mondiale, envoie le premier homme sur la lune, les sionistes  échouent  à créer un état en Palestine, bref  un tout autre monde émerge.

Au-delà de la soumission de l’homme aux circonstances, et bien davantage,  ce qui ressort de ce roman est une conception de l’histoire où l’individu joue le rôle central. Cette vision est totalement en opposition avec la théorie marxiste. Je me souviens comme si c’était hier de ce que nous disait le délégué du Komintern qui nous servait de prof de philo au lycée de Rambouillet: « Si la mère de Napoléon avait fait une fausse couche, la seule différence aurait été qu’à la place d’un « N » sur les ponts de Paris il y aurait l’initiale du prénom d’un autre général ». Entre effacer totalement le rôle de l’individu dans l’histoire et en faire un acteur déterminant, il y a place pour bien des conceptions, toutes illusoires, vu que l’histoire a un défaut majeur : on ne la refait pas. On peut tordre les faits, les taire, les interpréter selon mille grilles idéologique mais on ne peut pas les changer.

En fin de compte, ce roman est basé sur la fameuse formule « Si ma tante en avait… » 

Que faut-il en retirer ? Que les jurys d’admission aux académies d’art devraient  se montrer plus indulgents avec les jeunes hommes timides à tendance paranoïaque afin d’éviter d’éventuelles apocalypses ?  Que nous sommes des balles de flipper rebondissant de manière plus ou moins aléatoire au gré des obstacles ? Que si newton s’était reposé sous un enclumier, on ne saurait toujours  rien du mouvement des planètes ? Allez savoir…

lundi 21 mai 2012

Inquiétude








 Notez qu'à part Mme Merkel, jalouse, tous les chefs d'état adressent à notre leader bien aimé
 le salut qui convient. Hommage mérité que ce dernier accepte avec un doux sourire.


Notre bon  président, l’admirable François Hollande, a, comme il fallait s'y attendre, brillé de tous ses feux à Camp David. Son irrésistible pouvoir de conviction a eu pour effet d’entraîner les grands dirigeants de la planète à réaliser que, parallèlement à une nécessaire maîtrise des comptes, il serait souhaitable qu’une certaine croissance se développe.

Avant que le don fait par la providence à la France et,  partant,  au monde, n’ait exposé  cette audacieuse position, ses malheureux collègues défendaient  bec et ongles la théorie erronée selon laquelle seule une forte récession serait en mesure d’assainir l’économie de leurs pays respectifs.

Il est arrivé, nimbé de lumière, cravaté de soie, costumé de sombre,  et a, d’une voix ferme et bienveillante, remis dans le droit chemin ces erratiques consciences. En avance de quelques jours sur la Pentecôte, ce n’est pas le don des langues que son Saint Esprit a fait descendre sur ceux qui sont désormais ses disciples mais celui de la sagesse économique.  Même ce grand benêt d’Obama a été touché par la grâce : lui aussi s’est prononcé en faveur d’une rigueur budgétaire assortie de croissance !

Modestement, François le Sauveur a pu déclarer : "Je considère que le mandat qui m'a été confié par les Français a déjà été honoré". Quelques jours seulement après son investiture, l’affaire est dans le sac alors que tant d'autres n'ont su atteindre ce résultat en 5 ou 7 ans de présidence  !  Efficacité, rapidité d’exécution, ces nouvelles caractéristiques viennent s’ajouter à la longue liste de celles, toutes positives, qui font que rayonne notre bienveillant leader.

François Hollande a donc d’emblée pris l’ascendant sur l’ensemble des dirigeant mondiaux (voir la photo ci-dessus). Nul doute qu’il saura le conserver en l’amplifiant !

Cela étant pourquoi votre titre alarmiste, vous inquiéterez vous à votre tour?

La réponse est simple : Il est au monde des nations égoïstes qui voudront sans nul doute s’approprier,   pour leur seul usage, les bienfaits que suscite son incommensurable sagesse. Ne risquent-elles pas de nous l’enlever ? Cette crainte m’amène à penser que plutôt que de l’exposer aux risques qu’entraînent les déplacements  internationaux nous devrions le garder chez nous, bien à l’abri. On pourrait même envisager, suite à des législatives défavorables, de berner le monde en lui donnant l’impression qu’il a perdu tout pouvoir tout en continuant d'inspirer le conseil des ministres…

A ceux qui me diraient qu’ainsi  je fais bien facilement fi du rôle civilisateur de la France, de la mission qui est traditionnellement la sienne de lui montrer la voie du progrès, je répondrai par une question : Le monde mérite-t-il vraiment François Hollande ?