..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 23 mai 2012

Tous au gnouf !


Les femmes regardaient Booz plus qu’un jeune homme, Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Lire la suite sur : http://www.etudes-litteraires.com/hugo-legende-des-siecles.php


En Bisounoursie, l’enfant est à géométrie variable. Quand, il vole, commet des violences, ou pire, c’est un petit être immature, sans défense, irresponsable. Victime de la société, bien entendu. Se met-il à s’opposer à telle ou telle mesure gouvernementale, le voilà devenu citoyen à part entière. Mûr limite blet.


Et de quoi qu’il a besoin le 'tit n’enfant délinquant, victime de la société ? C’est évident : il a besoin d’école. Une bonne école avec de bons profs bien à gôche qui lui inculqueront les valeurs citoyennes. Ainsi vous le verrez devenir en deux coups les gros un citoyen modèle, porteur de justes revendications. Car le citoyen modèle s’indigne et revendique. C’est même à ça qu’on le reconnaît.


Comme disait cette vieille baderne libidineuse* de Victor Hugo, devenu de gôche sur le tard, « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison ». Formule aussi optimiste qu’inexacte vu que depuis que cette phrase creuse a été prononcée on a ouvert des milliers d’écoles ce qui aurait normalement dû entraîner la fermeture d’autant de prisons. Mais bon. N’oublions pas qu’il était de gôche, famille où l’on préfère les formules à la réalité.


Et puis le Totor à sa Juju a vécu l’essentiel de sa vie en des temps où l’école n’était pas obligatoire. Il lui était donc permis de rêver…


Les choses ont bien changé. L’école est maintenant obligatoire jusqu’à 16 ans et fortement recommandée jusqu’à trente. La prison reste, elle, comme bien des offres,  liée à conditions.


Curieusement, certains ne semblent pas s’en être aperçus. Je lisais hier sur un blog de haute tenue, du genre généreux, ouvert à l’autre et tout, la phrase suivante : «Cela étant, s'il considère normal de foutre des mômes en prison, c'est assez amusant quand on considère qu'un des piliers du programme des gens d'en face est l'éducation... Voila comment opposer deux visions de la société "tous en prison" contre "tous à l'école". » (C’est moi qui souligne).

Il répondait ainsi à M. Copé qui avait déclaré : « Donc, quand on vote Front national, on a Taubira et l'annulation des tribunaux correctionnels pour mineurs qui ont commis des actes passibles de plus de trois ans de prison. »

Curieuse réponse ! Pour M. Jégou, il semblerait que les « mineurs qui ont commis des actes passibles de plus de trois ans de prison. » ne sont pas des cas extrêmes mais la norme et que M. Copé souhaite mettre tous les mineurs en prison, délinquants ou pas.

Le parti qu’il chérit, lui, enverrait tous ces bons enfants à l’école, mesure innovatrice à ceci près qu’elle est en application depuis 130 ans. Si c'est pas ça le changement...

PS : Je ne saurais trop recommander la lecture de  l’excellente série qu’Aristide consacre, justement, au crime. L’article publié hier (Sexe, âge et intelligence) apporte sur la question un éclairage propre à relativiser l’efficacité des solutions du bon Victor.

*Il fut, vieillard, verbalisé pour attentat à la pudeur au bois de Boulogne !

mardi 22 mai 2012

La part de l’autre




Je viens de finir la lecture de ce roman d’Éric-Emmanuel Schmitt. Du point de vue du style, il n’y a pas grand-chose à dire, c’est plutôt plat. Les personnages manquent de relief ou d’épaisseur ou des deux. Mais bon, ça se laisse lire. C’est le sujet qui fait, s’il en a, l’intérêt du livre.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une double biographie d’Adolf Hitler. L’une basée sur l’histoire, l’autre imaginaire qui narre ce qu’aurait pu être la vie du dictateur allemand au cas où il aurait été reçu au concours d’entrée de l’Académie de peinture de Vienne.  Schmitt fait de cet événement un point de rupture. Le but de l’auteur est, il l’explique dans un journal tenu durant la rédaction de son roman  et annexé à l’ouvrage, de montrer qu’entre ce qu’il appelle un salaud et un homme « normal » il n’existe pas de différence majeure. Il n’y a pas  d’un côté le monstre et de l’autre le saint mais des circonstances qui font basculer l’homme d’un côté ou de l’autre de manière plus ou moins marquée. Les deux récits sont menés de front, chronologiquement du moins jusqu’à la mort du dictateur en 1945. Le peintre, lui continue…

Évidemment, l’histoire s’en trouve bouleversée. L’artiste peintre Hitler connaît succès, éclipses, amours, joies et peines mais il ne joue aucun rôle majeur. Le parti nazi, n’ayant pas trouvé de leader charismatique, demeure quasi-inexistant, la deuxième guerre mondiale est remplacé par un court conflit avec la Pologne, l’Allemagne devient pacifiquement la première puissance mondiale, envoie le premier homme sur la lune, les sionistes  échouent  à créer un état en Palestine, bref  un tout autre monde émerge.

Au-delà de la soumission de l’homme aux circonstances, et bien davantage,  ce qui ressort de ce roman est une conception de l’histoire où l’individu joue le rôle central. Cette vision est totalement en opposition avec la théorie marxiste. Je me souviens comme si c’était hier de ce que nous disait le délégué du Komintern qui nous servait de prof de philo au lycée de Rambouillet: « Si la mère de Napoléon avait fait une fausse couche, la seule différence aurait été qu’à la place d’un « N » sur les ponts de Paris il y aurait l’initiale du prénom d’un autre général ». Entre effacer totalement le rôle de l’individu dans l’histoire et en faire un acteur déterminant, il y a place pour bien des conceptions, toutes illusoires, vu que l’histoire a un défaut majeur : on ne la refait pas. On peut tordre les faits, les taire, les interpréter selon mille grilles idéologique mais on ne peut pas les changer.

En fin de compte, ce roman est basé sur la fameuse formule « Si ma tante en avait… » 

Que faut-il en retirer ? Que les jurys d’admission aux académies d’art devraient  se montrer plus indulgents avec les jeunes hommes timides à tendance paranoïaque afin d’éviter d’éventuelles apocalypses ?  Que nous sommes des balles de flipper rebondissant de manière plus ou moins aléatoire au gré des obstacles ? Que si newton s’était reposé sous un enclumier, on ne saurait toujours  rien du mouvement des planètes ? Allez savoir…

lundi 21 mai 2012

Inquiétude








 Notez qu'à part Mme Merkel, jalouse, tous les chefs d'état adressent à notre leader bien aimé
 le salut qui convient. Hommage mérité que ce dernier accepte avec un doux sourire.


Notre bon  président, l’admirable François Hollande, a, comme il fallait s'y attendre, brillé de tous ses feux à Camp David. Son irrésistible pouvoir de conviction a eu pour effet d’entraîner les grands dirigeants de la planète à réaliser que, parallèlement à une nécessaire maîtrise des comptes, il serait souhaitable qu’une certaine croissance se développe.

Avant que le don fait par la providence à la France et,  partant,  au monde, n’ait exposé  cette audacieuse position, ses malheureux collègues défendaient  bec et ongles la théorie erronée selon laquelle seule une forte récession serait en mesure d’assainir l’économie de leurs pays respectifs.

Il est arrivé, nimbé de lumière, cravaté de soie, costumé de sombre,  et a, d’une voix ferme et bienveillante, remis dans le droit chemin ces erratiques consciences. En avance de quelques jours sur la Pentecôte, ce n’est pas le don des langues que son Saint Esprit a fait descendre sur ceux qui sont désormais ses disciples mais celui de la sagesse économique.  Même ce grand benêt d’Obama a été touché par la grâce : lui aussi s’est prononcé en faveur d’une rigueur budgétaire assortie de croissance !

Modestement, François le Sauveur a pu déclarer : "Je considère que le mandat qui m'a été confié par les Français a déjà été honoré". Quelques jours seulement après son investiture, l’affaire est dans le sac alors que tant d'autres n'ont su atteindre ce résultat en 5 ou 7 ans de présidence  !  Efficacité, rapidité d’exécution, ces nouvelles caractéristiques viennent s’ajouter à la longue liste de celles, toutes positives, qui font que rayonne notre bienveillant leader.

François Hollande a donc d’emblée pris l’ascendant sur l’ensemble des dirigeant mondiaux (voir la photo ci-dessus). Nul doute qu’il saura le conserver en l’amplifiant !

Cela étant pourquoi votre titre alarmiste, vous inquiéterez vous à votre tour?

La réponse est simple : Il est au monde des nations égoïstes qui voudront sans nul doute s’approprier,   pour leur seul usage, les bienfaits que suscite son incommensurable sagesse. Ne risquent-elles pas de nous l’enlever ? Cette crainte m’amène à penser que plutôt que de l’exposer aux risques qu’entraînent les déplacements  internationaux nous devrions le garder chez nous, bien à l’abri. On pourrait même envisager, suite à des législatives défavorables, de berner le monde en lui donnant l’impression qu’il a perdu tout pouvoir tout en continuant d'inspirer le conseil des ministres…

A ceux qui me diraient qu’ainsi  je fais bien facilement fi du rôle civilisateur de la France, de la mission qui est traditionnellement la sienne de lui montrer la voie du progrès, je répondrai par une question : Le monde mérite-t-il vraiment François Hollande ?

dimanche 20 mai 2012

Brèves du dimanche




Je prie l’Amiral de bien vouloir m’excuser  de cette intrusion sur ses terres, mais en ce matin de Toussaint printanière, la concision s’est imposée à moi.


François hollande a provoqué l’hilarité de Barack Obama au G8 : il est arrivé avec une cravate, ce qui montre bien son ignorance des usages lors des sommets internationaux. Il paraît même qu’il aurait gardé son slip au dessert !

« Il n’y a pas de confiance sans croissance ni de croissance sans confiance ! » a déclaré M. Hollande. Moi je dis chapeau. Ça c’est tapé ! A mon avis, on devrait commencer par la croissance. Si elle était forte, à au moins deux chiffres, je crois que la confiance suivrait. D’un autre côté, Le Président Normal™ a gagné parce que ça allait mal. Tout arranger pourrait s’avérer suicidaire…

Suite à l’accident du rallye des Maures, la nouvelle ministre des sports, Valérie Fourneyron,  a déclaré que cela posait « la question grave de la sécurisation du public lors des manifestations automobiles ». Peut-on se montrer plus lucide ?  Aurait-elle déclaré que cet événement soulevait l’importante question  de la disparition de la galinette à crête mordorée en Mongolie extérieure, sa crédibilité en eût peut-être été entamée.

La RSC™ nous apprend que M. Obama est tombé raide dingue du Président Normal™ lors du sommet de Camp David. Tout deux s’étant prononcés en faveur du mariage gay, espérons que l’union qui se profile sera heureuse.

Une chose m’intrigue : M. Hollande est en faveur du mariage gay. En revanche, au moins pour ce qui le concerne, il ne semble pas  être favorable au mariage hétéro. Incohérence ou  logique implacable ?

samedi 19 mai 2012

Qui trop stigmatise mal discrimine !




La langue du de gôche est simple. Ce qui entraîne de pénibles répétitions. Surtout qu’on dirait qu’une fois qu’il a trouvé un mot, pas forcément un concept, à sa convenance, ils en fait un usage immodéré. Ainsi les adjectifs « citoyen » et « républicain » sont-ils accolés à n’importe quel substantif.  Toute action ou attitude  peut être l’un ou l’autre. Je ne désespère pas de lire un jour des phrases comme celle-ci : « Après une tournante citoyenne dans sa cave, les jeunes gens du batiment H de la cité du Lapin rieur s’installèrent dans le hall d’entrée afin d’ y fumer un joint  républicain. »

Tout peut également être équitable ou solidaire. Il est même préférable que tout le soit.

Discrimination, Stigmatisation, s’appliquent  à tour de bras à tout groupe voire toute personne. On pourrait envisager qu’une scène de ménage  soit résumée ainsi : « Après que Paulette eut discriminé Léon (Salut Léon, ça va ?), il la stigmatisa vertement ».

La dernière trouvaille fut le verbe cliver ou plus précisément son participe présent.  Si j’en crois M. Robert, cliver, c’est « fendre (un corps minéral, un diamant) dans le sens naturel de ses couches lamellaires ». Est-ce vraiment grave ?  Bien sûr est apparu, toujours suivant le petit Bob, en 1932, pour le substantif « clivage » un sens figuré signifiant « séparation par plans, par niveaux. Clivage des opinions, entre des opinions. » Ce n’est toujours pas dramatique mais ça se rapproche de l’horrible « clivant ». Il faut bien dire que ce participe présent tirait son côté abominable du « cliveur » : c’est l’infâme président Sarkozy qui  clivait ! Ce qui, en toute équité,  n’est que moyennement citoyen.

Le suffixe -phobe, lui aussi est très populaire parmi nos amis de gôche. Il ne faudrait pas oublier qu’il dérive du substantif « Phobos » qui signifie crainte. En de gôche, la haine remplace la crainte. Ainsi l’homophobe, le xénophobe, l’hollandophobe  n’ont pas peur des homo, des étrangers ou des présidents normaux mais les haïssent.  Dans les faits, il suffit de me pas aimer à la folie ces catégories pour se voir accusé de les haïr.

Il semblerait donc que le citoyen de gôche fasse souvent preuve de manichéisme républicain. Est-ce vraiment équitable ?  Cette stigmatisation de l’opposant ne risque-t-elle pas de mener à une discrimination  particulièrement clivante ?
  
Je ramasse les copies dans deux heures

vendredi 18 mai 2012

Telfers meat pies (3)





Le gros problème à l’usine, c’est le temps. On s’emmerde, il se traîne. Heureusement il y a des pauses. Celles des repas où la cantine offrait des plats qui même pour l’Angleterre étaient peu ragoûtants. Celles du bavardage avec le contremaître. Celle qui séparait les heures normales des heures sup. Car heures sup il y avait. On arrêtait à cinq heures et puis, les équipes du soir formées, on remettait ça jusqu’à 10 heures. Ce qui faisait qu’on se trouvait enfermés derrière les murs de brique de M. Telfer 14 heures de suite sauf le vendredi où on finissait à midi, où on allait à l’agence toucher la paye et ensuite boire un pot (ou douze) avec les copains.

Le soir donc, à cinq heures arrivaient  d’autres ouvriers qui travaillaient ailleurs et venaient ajouter un complément carné à leur salaire. Carné, car beaucoup avaient tendance à ne pas partir les mains vides. Nous, les intérimaires, on n’était pas vraiment obligés de les faire ces heures sup. Disons que c’était fortement conseillé quand on n’avait pas envie de se faire virer. J’ai tenu quinze jours comme ça. Et ensuite, viré ou pas viré, j’ai décidé que 14 heures c’était trop. On  ne m’a pas viré.

Ces heures sup, c’était instructif : vu que le personnel changeait en partie, il fallait répartir les effectifs différemment, en fonction aussi des impératifs de la production. C’est ainsi que j’ai pu voir de près comment se fabriquent  les hamburgers.  C’est étonnant comme en mixant du gras, des rognures et différents trucs farineux avec les colorants et les additifs qu’il faut on obtient quelque chose qui ressemble furieusement à de la viande…

Passer quatorze heures à trouver que l’horloge déconne, c’est long. Heureusement, il y avait les pauses sauvages.  Celles qu’on s’offrait au disjoncteur avec mon collègue et les plus générales. Ça commençait par une pause cigarette que s’offraient les  bouchers. N’ayant plus de « viande », ceux qui préparaient le mélange des hamburgers, au chômage technique, allaient les rejoindre. Sans matière première celles qui plaçaient les « steaks » sur les plateaux de congélation n’avaient  aucune raison de rester et l’équipe congélation les suivait. Pour finir, ceux qui n’avaient aucune raison de s’arrêter le faisaient quand même parce que quand même… Du coup tout le monde se retrouvait à fumer un clope derrière le bloc des sanitaires.  Les contremaîtres, au bout d’un moment, venaient nous chercher. Ils n’étaient pas toujours bien reçus. « Vas te faire foutre ! » et autres amabilités du même genre fusaient des rangs de ceux qui, partis les derniers, s’estimaient victimes d’une injustice. On finissait par reprendre nos postes.

On profitait des pauses pour faire la causette. Ainsi se forma un groupe comprenant votre serviteur, un étudiant et un enseignant du supérieur que des problèmes financiers contraignaient à cet humble labeur pendant ses vacances. Sa théorie était qu’au ciel un petit dieu s’occupait de lui. De temps en temps, du haut de son nuage, il jetait un coup d’œil pour faire le point. « Comment va ce bon Tony, s’inquiétait-il ?  Je vois qu’il a un bon boulot, qu’il est avec une fille agréable… On dirait que tout va bien pour lui… Ne serait-il pas temps que je lui balance un seau de merde ? » Sitôt dit, sitôt fait et Tony se prenait le seau sur la gueule et se trouvait dans une merde noire. Quelle sagesse !

L’étudiant avait des préoccupations sanitaires. Le fait que les hamburgers mal formés étaient mis dans des seaux avant d’être mélangés au lot suivant l’amenait logiquement à penser  qu’une partie infime de la viande datait de la fondation de l’usine soit une quarantaine d’années. Son autre sujet d’inquiétude était que des petits morceaux de viande tombaient dans les montants supérieurs de la chaîne de conditionnement. Des mouches y pondaient leurs œufs qui naturellement devenaient des asticots qui batifolaient dans le liquide putride que finissaient par devenir les miettes de viande mêlées de condensation. Il arrivait aux plus imprudentes bloches de tomber dans un plateau de hamburgers. Le non respect  de la chaîne du froid lui semblait également scandaleux. Un lot de palettes de hamburgers congelés n’avait-il pas passé la journée en plein de soleil au milieu de la cour attendant un camion frigo ? « Bah, ça recongèlera dans le camion… » avait dit le chef, philosophe.

Ainsi passa un mois. Je savais que ce n’était que passager. Ça n’en devenait pas pour autant agréable. Dire qu’il y a des gens qui vivent ça toute une vie ! Ça m’a amené à la conclusion qu’un homme, en dernier ressort, ça se résume à une paire de bras qu’avec un peu de chance il parvient à louer…

jeudi 17 mai 2012

Telfers meat pies (2)


Quand la machine découpe le plastique, cela laisse une légère cicatrice. Vous pouvez vérifier...



Comme beaucoup, vous vous demandez comment  et à partir de quoi sont fabriquées les saucisses de Francfort (ou de Strasbourg).  Vous êtes sur le bon blog.

Me voici donc à un nouveau poste chez M. Telfer. Il s’agit de préparer le mélange qui remplira les boyaux de plastique qui donnent leur forme à cette délicate charcuterie.  Une machine munie d’un gros cylindre propulse la pâte dans le boyau, faisant  jaillir un long serpent  de saucisse. Ce « serpent » est ensuite amené à une machine qui fait des nœuds tous les 15-20 cm. On cuit ensuite, dans de grandes bassines d’eau,  le serpent de boudins ainsi obtenus puis une dernière machine insuffle de l’air dans le boyau faisant sauter les nœuds tandis qu’une lame découpe le plastique. On n’a plus qu’à emballer  les saucisses sous blister. C’est à ce prix que vous bouffez des saucisses en Europe !

Le mélange donc : on nous apporte des sortes d’auges contenant des produits difficilement identifiables dont un peu de viande, du colorant et du conservateur. On hache d'abord les rognures la viande puis on verse tous les ingrédients dans un gros mixer d’une cinquantaine de litres, on rajoute un seau d’eau, on fait tourner le temps nécessaire puis on verse la pâte gluante dans des bacs que l’on apporte à l'énorme fausse blonde  qui s’occupe de la machine au piston. Quand elle est en panne de mélange, elle m’apostrophe d’un « Tu viens me remplir, p’tit gars ! » qui me fait osciller entre l’horreur et l’amusement.

Nous sommes deux pour accomplir cette noble tâche. Mon premier partenaire est un copain de mon sauveur. Ecossais comme lui. Il est gentil comme tout malgré un petit défaut : il parle avec un « broad glaswegian accent », un accent de Glasgow à couper au couteau. Je ne comprends pas un traitre mot de ce qu’il peut bien dire. Ça ne pose pas trop de problèmes, vu qu’il parle sans arrêt. Je me contente d’un signe de tête vaguement approbateur que confirme un « Mm… » de temps en temps. Sauf qu’une fois qu’il me demandait l’heure il fut surpris de ma réponse réitérée et s'en agaça un peu…

Il ne tarda pas à disparaître et fut remplacé par un jeune noir originaire de Guyana (Ex-Guyane Britannique). Je m’entendais très bien avec ce garçon intelligent qui, en dehors de ses plaintes concernant une société britannique n’offrant aucune chance aux gens de sa race, était d’humeur joyeuse et de conversation agréable. Le contremaître qui nous supervisait, venant du même pays, l’avait un peu pris sous son aile et l’exhortait à plus d’optimisme, lui  expliquant que lui-même était parvenu à se hisser à un niveau de vie supérieur à celui de bien des britanniques et que le racisme des imbéciles, il fallait s’en moquer. Le jeune admettait parfois que le vieux avait raison…

Cette relation quasi-filiale n’était pas sans avantages. Pendant que nous bavardions de ceci ou de cela, nous arrêtions de travailler  et le temps passait plus vite.

Le Président Nixon, suite à l’affaire du Watergate venait de démissionner. Or notre contremaître était un fan du vieux Richard. Il suffisait de le choper au passage et de critiquer Nixon pour qu’il se lance dans un long discours argumenté sur les nombreux mérites de son président chéri.  Ça nous faisait des vacances…

Seulement, il arrivait que le brave homme au tyrolien blanc ne soit pas d’humeur causante. Pour obtenir une pause, nous devions nous rabattre sur le plan B. Nous nous étions aperçu qu’en remplissant notre beau mixer  un peu au-dessus du niveau maximum, cela faisait sauter les plombs de l’atelier ce qui, le temps qu’on trouve l’électricien et qu’il répare, nous offrait  un temps de repos  bienvenu. En cas de mutisme contremaîtresque, nous surchargions de temps en temps. Pas trop souvent, histoire de ne pas se faire repérer.

Il arriva un jour un « incident » regrettable. En fin de journée, nous nous aperçûmes qu’il nous restait  un flacon de conservateur en trop. Nous avions donc oublié d’en mettre dans un des lots de saucisses. Mais lequel ? Signaler cette anomalie aurait logiquement dû entraîner la destruction d’un jour de production de tout l’atelier. Avec pour probable corolaire d’aller nous faire voir chez Plumeau.  Que faire ? Mon collègue n’hésita pas longtemps. Il alla vider le flacon dans  le caniveau. Je n’allais pas le balancer. Pendant quelque temps, je surveillai les nouvelles histoire de voir si on ne signalait pas une épidémie d’empoisonnement à la bonne Francfort de chez Telfers.  En l’absence de scandale, je finis par me dire que tout s’était bien passé…